Dans la Manche, la route entre Barneville-Carteret et Les Pieux est en cours de réfection et bénéficie d'une technique novatrice. La chaussée est recyclée sur place, grâce à une machine qui permet de réutiliser l'ancien enrobé. Une technique révolutionnaire.
Des camions, des engins imposants et des ouvriers à la tâche. Dans la Manche, la route touristique littorale, qui passe près de Barneville-Carteret, est en train d'être restaurée sur une longueur de 4,8 km.
À première vue, ce chantier n'a rien d'extraordinaire. Mais depuis le 28 août 2023, une drôle de machine s'est invitée sur cette chaussée du Cotentin : elle permet de raboter la route, mais aussi de recycler l'ancien enrobé directement sur place.
Le concept avait déjà été testé dans le Calvados en 2022 sur une route entre Saint-Pierre-sur-Dives et Boissey. Mais c'est une première dans la Manche. Alors quels sont les atouts d'une chaussée plus verte ?
Comment ça marche ?
Usée par 20 ans de trafic routier, la chaussée est décapée par la machine sur une dizaine de centimètres. Les granulats récupérés sont mélangés avec de l'eau et une émulsion de bitume, pour obtenir un nouveau matériau. En fin de convoi, l'enrobé - qui ressort comme neuf - est alors appliqué en nouvelle couche sur la route.
Un gain de temps
Le choix de ce procédé est loin d'être anodin pour la Manche. Avec 15 000 km de routes, dont près de 8000 km de départementales, le réseau routier manchois est le plus dense de France. Le budget consacré aux travaux de "renouvellement des couches de surfaces" des routes est donc conséquent pour le conseil départemental : il représente chaque année 10 millions d'euros.
Cette "machine miracle" ne permet pas de réduire le coût des travaux mais de gagner du temps, en divisant par deux la durée du chantier. Dans le Cotentin, les travaux sur la route entre Barneville-Carteret et Les Pieux, sont menés par l'entreprise française Colas. Son intervention ne dure que deux semaines. En temps normal, en prenant en compte les allers-retours des camions vers les carrières, un tel chantier aurait nécessité un mois à un mois et demi de travaux.
On économise à la fois 9000 tonnes de matériaux neufs et l'équivalent en transport de 255 camions sur une journée.
Thomas Toutain, chef de l'agence Colas de Saint-Lô
Réduire l'impact sur l'environnement
Les avantages sont nombreux, mais c'est principalement l'atout écologique qui séduit."C'est intéressant parce qu'on recycle 100% de la chaussée, qui était déjà sur place", se félicite Thomas Toutain, chef de l'agence Colas de Saint-Lô.
Grâce à la machine recycleuse, 60% de matériaux nobles sont économisés. Et en se passant du ballet des camions chargés de matières premières, les émissions de gaz à effet de serre sont réduites de 65%. Une diminution possible aussi grâce à la technique en elle-même, qui permet de moins chauffer la matière. L'environnement de travail, moins chaud et moins odorant, n'est pas pour déplaire aux ouvriers.
Le Département souhaiterait généraliser la "route recyclée" sur le réseau manchois, et ainsi tenter de rattraper le temps perdu. Objectif : se conformer à la loi de 1974 qui vise à "éviter, réduire ou compenser les impacts sur l'environnement, sur ce type d'infrastructures", rappelle Axel Fortin-Larivière, vice-président du conseil départemental de la Manche, en charge des déplacements. Il insiste : " c'est pour cela, qu'on a revu beaucoup de nos projets routiers et qu'on continuera dans cette démarche-là".
Et après ?
Seules six à sept recycleuses existent en France et elles sont très demandées. "On a des retours d'expériences d'autres départements français qui utilisent déjà beaucoup plus ce type de techniques", indique Olivier Thirion, directeur des routes au conseil départemental de la Manche.
Si le concept est avantageux sur le plan écologique, Olivier Thirion s'interroge : "comment la route se comporte-t-elle dans le temps ? Peut-on recycler ce type de chaussée plusieurs fois ?" Pour l'heure, impossible de répondre à ces questions : "ce sont des choses qu'on ne saura que dans 30, 40 ou 50 ans en suivant des chantiers qui ont été réalisés aujourd'hui", reconnaît-il.
Le chantier de 4,8 km doit s'achever ce vendredi 15 septembre 2023 au soir. La route sera rouverte à la circulation le week-end du 16 et 17 septembre. Le secret ? Laisser "mûrir" la route pendant deux à trois semaines, avant d'appliquer une ultime couche d'enrobé.