A Saint-Pair-sur-Mer (Manche), les commissaires priseurs organisent régulièrement des journées d'expertise avec l'idée de faire ressurgir des objets et des meubles qui prennent la poussière dans les vieilles maisons. Un expert guette la rareté...
Dans la salle d'attente, les candidats à la vente patientent en silence. Chacun est venu avec son trésor, soigneusement dissimulé dans un sac. "C'est à qui le tour ? " demande Jacques Mahier. Cet expert agréé réputé a fait le déplacement pour livrer ses estimations.
Un homme déroule un papier bulle qui enveloppe un vase. "Je l'ai récupéré dans un vide-maison après un décès. J'ai déjà tout ce qu'il faut chez moi alors je voudrais le vendre. Comme j'ai vu qu'il était signé Cristal de Sèvres, je le fais expertiser pour ne pas me faire avoir. Vu la conjoncture, ça mettra un peu de beurre dans les épinards".
Le vase trouvera peut-être preneur chez un amateur de cristal. La porcelaine de Chine a aussi ses adeptes. Jacques Mahier ausculte une belle assiette, avec "un motif floral et un décor". Son estimation tombe : "entre 100 et 150 euros. Si on arrive à identifier la marque, on aura peut-être une bonne surprise". Encore faudra-t-il traduire l'idéogramme qui se trouve au dos de la porcelaine...
On n'a pas que des armoires normandes
Au suivant ! La journée d'expertises gratuites de la maison Rois et Vauprés attire toujours du monde, et pas forcément des collectionneurs habitués de la salle des ventes. "Ici, à Granville, il y a de belles propriétés. On a un certain chic, jubile l'expert. C'est une ville de bord de mer. On peut trouver de belles marines. On peut aussi avoir des meubles d'armateurs. Il n'y a pas que des armoires normandes".
Un habitant de Jullouville entre. Jean tient dans sa main un petit paquet enveloppé de papier kraft. "Ce sont des objets qu'on a à la maison. Il faut faire du tri sinon ça va disparaître dans les déménagements, les emménagements." L'œil de l'expert s'allume.
Il y a une adrénaline. Les gens viennent chercher un prix pour un tableau ou une sculpture. Nous espérons toujours tomber sur quelque chose qu'on n'a jamais vu !
Jacques MahierExpert oeuvres d'arts
La sentence a parfois quelque chose de décevant pour le propriétaire. "Quand l'objet ne vaut pas bien cher, je leur dis qu'il a une belle valeur sentimentale. Si je sens que l'objet a une âme, je leur conseille de ne pas le jeter."
Un fume-cigarette en écume de mer des années 30
Les salles des ventes n'échappent pas aux effets de mode. "Parfois, les gens ont besoin d'argent. Si une pièce est à la mode, je vais leur dire qu’il faut vendre, mais il m'arrive de leur conseiller d'attendre un peu", explique Jacques Mahier.
Jean pose le paquet enveloppé de papier kraft. Il déballe un coffret contenant un étonnant objet. L'expert l'identifie instantanément. "C'est une petite pipe fume-cigarettes en écume de mer avec un cheval sculpté qui date des années 1910/1930. On ne va pas s'enflammer, ça va payer un bon apéritif, pas un tour du monde ! "
Sa valeur estimée entre 30 et 50 euros. "Ce qui m'intéresse, c'est de le mettre aux enchères, explique son propriétaire. J'espère que quelqu'un saura l'apprécier à ma place". Jean remballe cet objet d'un autre temps qui porte quand même en lui une petite part de mystère. C'est ce qui fait toute sa valeur. Barbara chantait : "Les choses ont leurs secrets, les choses ont leurs légendes, mais les choses murmurent si nous savons entendre"