Jersey a annoncé l’arrêt du système provisoire permettant à près de 155 navires normands de venir pêcher dans ses eaux. Les nouvelles dispositions n’accordent désormais cette possibilité qu’à 36 navires. Edition spéciale Brexit ce lundi 25 janvier 2021 à 12h et 19h sur France 3 Normandie Caen.
"Jersey refuse l’accès provisoire à leurs eaux : Traumatisme pour la pêche normande", titre le comité régional des pêches maritimes de Normandie (CRPMEM) dans une communiqué publié vendredi 15 janvier. Il est peu de dire que la décision tombée vendredi alors que des négociations étaient encore en cours a surpris le comité qui se décrit "désabusé" par l’intermédiaire de son directeur régional Marc Delahaye.
Jersey a décidé d’arrêter le système provisoire d’accès à leurs eaux pour les détenteurs du permis Baie de Granville. L’île anglo-normande a listé pour le moment 57 navires français qui ont l’autorisation d’accéder à leurs eaux. Pour tous les autres, ils ferment l’accès à la pêche à compter de dimanche soir et laisse la semaine prochaine uniquement pour récupérer le matériel : nous en attendons la validation entre les administrations des Etats.
La réduction de l’accès à la zone de pêche des îles anglo-normandes (Jersey et Guernesey) est une conséquence directe de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne le 31 décembre 2020. Elle signe la fin du Traité de la baie de Granville, ratifié il y a 20 ans, qui régissait les modalités de la pêche dans la baie.
36 bateaux épargnés
"On est désabusé parce qu’il y a eu beaucoup de travail et de discussions pour qu’il n’y ait pas de rupture d’activité à partir du 1er janvier. C’est décevant et ça crée de l’inquiétude parce qu'il nous restait 4 mois jusqu’au 30 avril pour élaborer un recensement bien précis, prouver l’antériorité économique des bateaux dans ces eaux et leur permettre d’intégrer la liste des bateaux qui pourraient continuer à y pêcher", commente Marc Delahaye.
A ce jour, 155 navires normands sur 340 navires français sont détenteurs du permis Baie de Granville. Et sur les 57 navires acceptés par Jersey, 36 sont normands.
A Guernesey, les bateaux ayant un permis peuvent continuer à pêcher jusqu’à la fin de la période transitoire (30 mars), ce qui n’est pas le cas à Jersey et on ne comprend pas bien le pourquoi d’une telle différence de traitement ?
Pour éviter la rupture d’activité, le comité avait essayé d’anticiper en demandant aux pêcheurs concernés de fournir les preuves de leur activité au plus tard le 29 janvier 2021. Preuves qui devaient leur permettre de décrocher une précieuse place sur la liste des bateaux autorisés à travailler sur la zone. Des critères que pointent du doigt le directeur régional : "Personne n’est d’accord, selon l’interlocuteur les demandes changent. Soit il faut apporter la preuve de 10 jours d’activité par année à Jersey et sur 3 ans, ou alors 10 jours sur 3 ans pour Bruxelles ou encore au moins 10 jours dans une des 3 années."
En quête de preuves
Des imprécisions qui agacent et enveniment une situation déjà compliquée. "On va évidemment jouer le jeu, en espérant que Jersey soit de bonne foi," affirme Romain Davodet, marin pêcheur et armateur d’éléments basé Barneville-Carteret. "Ce n’est pas comme si on sortait d’une période faste, les trésoreries sont au plus bas. Il faut espérer qu’en amenant des preuves, le permis sera redonné à tout le monde et que tout se fera le plus rapidement possible. Mais c’est un travail très pénible de comptabilité qu’on aurait pu s’éviter et qui tombe brutalement. La liste est extrêmement minimaliste alors qu’on aurait pu l’épurer progressivement."
La situation agace d’autant plus que les autorités de Jersey auraient affirmé qu’elles souhaitaient autoriser l’ensemble des détenteurs du permis de la Baie de continuer normalement leur activité jusqu’à la fin de la période transitoire le 30 avril, témoignent plusieurs sources. Les restrictions découleraient d’un vide juridique et seraient "poussés par Bruxelles et ou Londres."
Si les responsabilités demeurent obscures, l’ensemble de pêcheurs se retrouve à devoir éclaircir sa situation dans la précipitation. Le travail d’enquête à mener est colossal : "Le plus grand soucis concerne les petits bateaux de moins de 12 mètres qui n’ont pas de géolocalisation. Il va falloir trouver des statistiques antérieures, des cartes électroniques où sont notés les lieux de pêche et les routes, des observations sémaphoriques, des rapports de mer suite à un incident et de contrôles. Il y a plus d’une centaine de bateaux et nous ne sommes pas des dizaines à travailler là-dessus. Tout cela s'annonce compliqué et fastidieux", déplore Marc Delahaye.