Les agents de la petite enfance de la France entière manifestaient ce mardi 19 novembre 2024 pour dénoncer leurs conditions de travail déplorables, qui impactent la prise en charge des enfants.
"Ma crèche va craquer", "petite enfance, grande précarité" ou encore "enfants sacrifiés" : les messages affichés sur des pancartes par les agents de la petite enfance en Normandie, devant l'hôtel de ville de Cherbourg (Manche) ce mardi 18 novembre, traduisaient le ras-le-bol global de la profession.
Cinq des sept crèches cherbourgeoises sont restées fermées mardi pour dénoncer leurs conditions de travail, de plus en plus dégradées. Les syndicats CFDT, Force ouvrière et CGT étaient mobilisés pour tirer la sonnette d'alarme.
"Ce n'est plus vivable"
Émilie Denic incarne le mal-être de tout un secteur, dont l'avenir est clairement en danger. Agente petite enfance à Cherbourg-en-Cotentin, elle "n'en peut plus". Elle estime ne pas avoir les moyens de bien faire son métier qui consiste "à s'occuper au mieux des enfants et de veiller à leur bien-être".
En raison du manque de personnel, la professionnelle normande assure, les larmes aux yeux : "je suis obligée de choisir quel enfant je vais coucher en premier, à quel enfant je vais donner à manger en premier. Ou de laisser un enfant pleurer parce que je suis occupée avec un autre et parce que mes collègues prennent en charge d'autres enfants. Pour nous et pour les enfants, ce n'est plus vivable".
Dans les crèches, un agent pour huit enfants qui marchent
Aujourd'hui, les conditions d'encadrement sont fixées à une professionnelle de la petite enfance pour cinq enfants qui ne marchent pas. Et une professionnelle pour huit enfants qui marchent. Une situation intenable selon Emilie Denic.
"Ça ne reflète pas les besoins des enfants. On est trop peu de professionnelles pour beaucoup d'enfants. On doit parfois couper le repas d'un enfant pour donner le biberon à un autre enfant et ensuite redonner le biberon au premier. Je le vis très mal" déplore la professionnelle de la petite enfance, qui demande à l'avenir que chacun n'ait que quatre enfants à charge, tout âge confondu.
Un cas de figure qui ne serait possible qu'en cas de baisse du nombre d'enfants acceptés en crèches ou en cas de recrutement de nouveaux professionnels petite enfance. Mais les salaires très bas et la faible attractivité du métier ne suscitent que peu de vocations.
"On veut une revalorisation des salaires pour mieux de vivre économiquement et aussi pour attirer des professionnelles qui pourraient nous aider. Beaucoup quittent la profession faute de reconnaissance et à cause de surcharge de travail" déplore Emilie Denic.
10 000 personnels manquants
Le rapport de l’Assemblée nationale lancé à l’automne 2023 sur "les perspectives d’évolution de la prise en charge des enfants dans les crèches" estime un déficit de 10 000 professionnels dans le secteur.
Une situation de détresse qui menace la qualité d'accueil des enfants. "Chaque enfant a besoin d'attention émotionnelle et physique. Mais tout est menacé, alertent les syndicats normands. La qualité sous-entend du temps et des moyens humains. Nous avons toutes et tous nos responsabilités dans le monde que nous voulons pour nos enfants".