Philippe ne regrette pas d'avoir commencé le covoiturage début décembre. C'était au début un geste pour la planète, c'est aujourd'hui une véritable économie alors qu'il effectue 70 kilomètres par jour pour son trajet domicile-travail en déposant sa fille au lycée sur le chemin.
Philippe a 52 ans et comme toute sa génération, il n'aurait jamais imaginé faire un jour de cette manière son trajet domicile-travail. Mais après trois mois d'utilisation, il est ravi des économies et de l'esprit que lui apporte ce nouveau mode "de vie" en voiture.
Alors qu'il habite Isigny et qu'il travaille à Saint-Lô, se rendre à son travail chaque jour lui imposait 70 km aller-retour seul en voiture. Le "court-voiturage" est favorisé depuis quelques mois avec une subvention de l'agglomération et une plateforme simple à télécharger sur son téléphone.
"Je dois faire un détour conséquent pour déposer ma fille au lycée. Grâce à l'application nous avons été mis en contact avec une autre élève du même établissement et ses parents. Je passe la prendre chaque matin. Ses parents économisent tous les jours 60 kilomètres aller-retour et ne paient qu' 1,54 euros par trajet. Moi, je reçois en retour ces 1,54 euros plus 95 centimes de l'agglo, soit 2,49 euros."
Philippe travaille à l'Hôpital de Saint-Lô et rencontre, via l'application, de plus en plus de collègues qu'il prend en chemin alors qu'avant chacun faisait sa route seul. C'est du temps de trajet gagné pour tout le monde, des économies qui comptent aussi avec l'essence, le parking et l'entretien de la voiture.
Le propriétaire du véhicule est payé à la fois par le covoitureur et l'Agglomération de Saint-Lô partenaire de l'application. Tout le monde est gagnant.
J'étais inscrit sur une plateforme classique depuis plusieurs années et n'avais jamais de propositions pour ces trajets quotidiens. Là, ça n'arrête pas. Je prends aussi des gens sur le chemin pour les déposer en ville. Tout mis bout à bout, mon appli me dit, par exemple, que j'ai déjà cumulé plus de 32 euros entre le 1er et le 10 mars
Philippe Charles, utilisateur de l'appli court-voiturage Karos
Le "Court voiturage", mieux que le bus?
Cette initiative de l'agglomération de Saint-Lô (61 communes, 80 000 habitants) dans la Manche, a été lancée en octobre 2021. Avec Slam covoiturage (le nom de l'opération), l'utilisateur s'inscrit sur la plateforme Karos. L'idée pour la collectivité est d'encourager les alternatives à la voiture individuelle. Au-lieu d'investir massivement dans du transport collectif, Saint-Lô s'est mis à la page du covoiturage.
Le trajet sur le territoire de l'agglomération coûtera le prix d'un ticket de bus, soit 1,05€. L'idée est de favoriser le covoiturage sur des courtes distances domicile-travail ou école-travail pour les étudiants.
Agglo de Saint-Lô, au lancement de l'opération en octobre2021
Mais l'idée rencontre un franc-succès et connait un boom ces dernières semaines, à l’image des prix du carburant. Comme alternative écologique mais surtout moins-chère, le « court-voiturage » (comprendre le covoiturage pour les trajets courts) est un mode de transport en plein essor à Saint-Lô.
"Nos chiffres ont doublé ces deux dernières semaines", atteste Jérôme Virlouvet, premier-adjoint en charge de de la transition écologique à Saint-Lô. " Nous avons généralement 100 inscrits par mois, là on atteint les 200 ".
La crise en Ukraine impacte directement le prix à la pompe alors les alternatives pour se déplacer à moindre coût vont bon train. Développé en octobre dernier, l’offre « Slam Covoiturage » est arrivé au bon moment. Sur l’application Karos, le service bénéficie d’un financement aidé pour les trajets effectués au sein l’agglomération de Saint-Lô.
Un prix fixe à 1,05 euros
Concrètement, le conseil municipal a voté un budget de 50 000 euros annuels pour subventionner les trajets. Pour les passagers, le prix sera toujours de 1,05 euros, l’équivalent d’un ticket de bus. Le conducteur, lui, recevra deux euros. La différence de 0,95 euro est prise en charge par l’agglomération. Si le trajet dépasse les 25 kilomètres, il faudra alors compter 10 centimes de plus par kilomètre.
Nous avons constaté que 85% des trajets quotidiens s’effectuent en voiture individuelle car notre agglomération est plutôt rurale.
Jérôme Virlouvet, premier-adjoint en charge de de la transition écologique à Saint-Lô
L’application Karos est nationale mais cette aide financière supplémentaire est purement locale. "Notre rôle est de faciliter l’inter-modalité entre les différents modes de transports. Nous avons constaté que 85% des trajets quotidiens s’effectuent en voiture individuelle car notre agglomération est plutôt rurale. L’objectif est d’évoluer vers une changement durable des pratiques " détaille Jérôme Virlouvet.
Après moins de six mois de mise en service, il est encore trop tôt pour déterminer si l’objectif est atteint. 1 500 trajets ont déjà été effectués les 1 000 Saint-Lois inscrits sur l’application. La grande majorité n’effectue donc qu’un seul trajet. " Peut-être qu’à l’issue du covoiturage certains décident de voyager ensemble sans repasser par la plateforme mais on ne peut pas le savoir " nuance l’élu.
Un changement durable des pratiques
Tout porte à croire que l’expansion record du service des deux dernières semaines ne s’arrêtera pas là. Des applications de covoiturage similaires, comme Blablacar, avaient déjà rencontré leur succès en 2008-2009 lorsque le prix du baril avait considérablement augmenté.
"La seule contrainte c'est qu'il faut être souple, parfois changer d'itinéraire pour s'adapter à la demande", explique Philippe ravi d'être entré dans le système. Si un passager annule un voyage pour un contretemps, il est averti en temps réel via l'application.
Un revenu imposable ? "Non, je me suis renseigné, il y a un plafond de 2500 euros, alors j'ai encore de la marge !" Même si ses trajets se transforment un peu en mode "taxi uber", ces échanges lui apportent bonne humeur et richesse des rencontres.