Top départ des législatives 2022 dans 11 jours. En attendant, la campagne se poursuit. Dans la 1ère circonscription de la Manche, où la population est vieillissante, tout l'enjeu est de savoir comment concilier l'attractivité du territoire avec le respect de l'environnement. Cinq des 9 candidats réagissent à cette question.
Situé à l'est du département, la 1ère circonscription de la Manche va élire son représentant à l’Assemblée Nationale lors des élections législatives des 12 et 19 juin prochains. Centrée autour de la ville de Saint-Lô, la 1ère circonscription de la Manche compte 116 218 habitants, selon les chiffres de l'Insee et 13 cantons :
- Canisy,
- Carentan,
- Marigny,
- Montebourg,
- Percy,
- Saint-Clair-sur-l'Elle,
- Saint-Jean-de-Daye,
- Saint-Lô Est,
- Saint-Lô Ouest,
- Sainte-Mère-Église ,
- Tessy-sur-Vire,
- Torigni-sur-Vire,
- Villedieu-les-Poêles
Les Manchois vont devoir faire leur choix entre 9 candidats : Jérôme Louiche (parti animaliste), Guillaume Hédouin (EELV, coalition Nupes), François Pasquier (Droite souverainiste), Victor Jan De Lagillardaie (Reconquête!), Laurent Pien (Modem, coalition Ensemble), Franck Simon (RN), Olivia Lewi (Lutte ouvrière), Philippe Gosselin (LR) et Jacques Poisson (Divers droite).
Législatives 2022 : quel enjeu politique ?
Cette circonscription, située à droite depuis des décennies a élu, durant trois mandats, l'actuel député sortant Philippe Gosselin qui brigue un quatrième mandat. Ce dernier avait obtenu, en 2017 52,5% des voix, devant le candidat LREM. Cette année-là, Philippe Gosselin avait résisté à la "vague Macron", le seul dans la Manche. Cette année, à l'élection présidentielle, le député sortant va-t-il pouvoir l'emporter alors qu'Emmanuel Macron est arrivé en tête avec 58,2% des voix contre 41,8% pour Marine Le Pen ? "Les jeux" sont ouverts, notamment entre lui et Laurent Pien, candidat de la majorité présidentielle, membre de la coalition Ensemble, très implanté dans le territoire.
Législatives 2022 : quelles problématiques territoriales ?
De Sainte-Mère-Eglise, d’Utah-Beach à Villedieu et ses fonderies en passant par les Marais de Carentan, la 1ère circonscription de la Manche est marquée par un patrimoine riche, historique mais aussi naturel avec ses paysages préservés. Pourtant, elle perd des habitants et sa population est vieillissante.
Comment parvenir à accroître l’attractivité de ce territoire tout en préservant ses atouts ? Et comment concilier développement économique et développement écologique ?
C'est autour de l'attractivité du territoire, de son développement et de la préservation de son environnement et de son authenticité que 5 des 9 candidats aux élections législatives 2022 réagissent sur le plateau de France 3 Normandie : Laurent Pien, le candidat de la majorité présentielle sous la bannière "Ensemble", patron du Modem manchois et maire de Condé-sur-Vire dont c'est la 1ère campagne législative. Guillaume Hédouin, conseiller régional et candidat EELV sous la bannière de la Nupes. Il candidate pour la première fois. Philippe Gosselin le député sortant LR, Franck Simon, candidat du Rassemblement National déjà en lice en 2017 sous la bannière du FN et Victor Jan de Lagillardaie représente Reconquête !, le parti d’Eric Zemmour (présent en depuis Cherbourg, en duplex).
La problématique du recrutement et de l’attractivité du territoire
La 1ère circonscription de la Manche connaît un quasi plein-emploi. Son taux de chômage est de 5% fin 2021 et de 4,5% à Saint-Lô contre 7,3% au niveau national. Le dynamisme est réel mais les entreprises peinent à recruter. Alors quelles solutions pour aider les entreprises à recruter ? Selon Laurent Pien, de la majorité présidentielle, l’une des solutions et d’ "aller chercher les jeunes": "Un des moyens pour les faire venir est de développer encore plus l’apprentissage. Lorsque vous pouvez ancrer des jeunes par l'apprentissage, ils vont découvrir notre territoire, vont s'y sentir bien. Ce sont des jeunes qui resteront."
Pour recruter davantage, il faut attirer et pour attirer, plusieurs aspects sont à prendre en compte, selon le député sortant Philippe Gosselin : "L’attractivité ce n’est pas simplement des formations adaptées c’est du logement, c'est des questions de santé, c'est aussi une qualité de vie, c'est aussi une facilité de se déplacer facilement."
Pour Victor Jan de Lagillardaie, pour que les entreprises recrutent, c’est sur la mobilité qu’un effort est à faire : "Il faut permettre aux gens de se déplacer de façon plus simple. (...) Peut-être en revenant sur certaines mesures qui au nom de la sécurité routière ont été prises ces dernières années. De façon générale en revenant sur l'imposition des carburants, de l'essence etc."
Dans ce territoire, la population vieillit : l'âge médian est de 44 ans contre 41 ans en France et 27% des habitants sont retraités contre 22% au niveau national. De plus, une part de la population active ne vit pas là où elle travaille. Au sein de l’entreprise Elle et Vire à Condé-sur-Vire, tous les cadres embauchés vivent à Caen.
L’attractivité du territoire est en cause, la question du logement notamment. Pour Guillaume Hédouin, EELV on peut "construire sans consommer de surface" : "On doit travailler sur des surfaces qui sont déjà des surfaces (...) On découpe une parcelle et on va réinstaller une deuxième habitation. Pour cela il faut qu'on ait des outils fonciers et on en manque."
De son côté Franck Simon du RN est pour la maison individuelle : "Il faut mieux répartir la population sur l'ensemble du territoire. En permettant la construction de maisons individuelles, en-dehors des villes, on permet un maillage des populations sur l'ensemble du territoire national."
Attirer par le développement d’axes routiers supplémentaires, sur ce sujet, les avis sont partagés. Franck Simon défend le développement des axes de communication : "Ça ne va pas contre le sens de l’histoire, ça va même dans le sens de l’histoire." Pour Guillaume Hédouin, l’idée est de plutôt "relocaliser les activités" : "L’avenir aujourd’hui c’est de mettre un maximum de personnes non pas sur les routes mais dans les transports en commun, travailler sur des infrastructures qui vont nous aider demain."
"Au-delà de toute idéologie sur les transports en commun (...) Pour l’heure, on a besoin d'un peu plus de pragmatisme. Je pense qu'il est essentiel de mettre un terme au racket des automobilistes notamment avec le prix de l'essence, notamment avec le permis à point, l'installation de radars qui essaiment partout... Il y a une nécessité d'un moratoire sur l'installation des radars automatiques. (...) Pour le moment, avant de débattre du bien fondé ou non de la voiture, elle doit être sanctuarisée", estime Victor Jan de Lagillardaie.
Concilier développement économique et écologique
La loi climat et résilience du 22 août 2021 de lutte contre le dérèglement climatique et du renforcement de la résilience face à ses effets tend vers le "zéro artificialisation". Cette loi concerne, entre autres, les constructions sur le littoral. Ce qui va "contre" une dynamique économique et est perçu comme trop contraignant par des élus de la Manche tel que Sébastien Fagnen, maire délégué de Cherbourg-Octeville. Le candidat RN est, lui, opposé à la construction sur le littoral, comme Guillaume Hédouin qui se positionne pour la protection des côtes.
Qu'on n'empêche pas de maintenir les existants (les constructions ndlr). Sinon on va au devant de grandes catastrophes. Et tout ce qui est de déplacer de la côte vers l'intérieur des terres, cela rentre en conflit d'usage d'utilisation des sols. Les maraîchers ne sont pas nécessairement prêts à laisser des hectares de terres à d'autres activités.
Philippe Gosselin, candidat LR sur la 1ère circonscription de la MancheFrance 3 Normandie
Laurent Pien considère qu'il faut "préparer les populations à pouvoir revenir un peu plus dans les terres. Il faut pouvoir donner la possibilité à ces personnes de se réinstaller à l'intérieur des terres sans pour autant que ces surfaces soient prises sur le potentiel de construction."
De façon générale, tous les candidats s'accordent sur la complexité d'un sujet qu'ils ne pourront pas gérer seuls.
La question de l'énergie
Le territoire Manchois est concerné par la question énergétique : faut-il accepter le développement de parcs éoliens en mer et sur terre ? Quid du nucléaire ?
"Nous sommes pour la continuation du nucléaire. On doit continuer à le développer et parallèlement à ça il faut que nous puissions développer d’autres énergies comme les énergies marines", se positionne Laurent Pien.
"J’appartiens à un parti politique et je le dis personnellement depuis des années qui défend le nucléaire", indique Philippe Gosselin.
De son côté Franck Simon se positionne clairement "contre l’éolien", tandis que Guillaume Hédouin souligne être pour la sortie du nucléaire et surtout pour l’économie d’énergie. "Il faut isoler nos bâtiments", souligne-t-il
On est sur un département, dans la Manche, où il y a des énergies renouvelables partout : on a de la biomasse, des haies, de l’élevage qui peut apporter du biogaz (...) On a les énergies marines, on a du vent... Je ne vois pas à quel moment on préfère avoir une facture à 20 milliards, et c'est en cours. Donc, pas de nucléaire.
Guillaume Hédouin, candidat EELV-Nupes sur la 1ère circonscription de la MancheFrance 3 Normandie
"Il est illusoire de chercher autre chose que du nucléaire", estime Victor Jan de Lagillardaie qui considère que cette énergie "va dans le sens de l’histoire."
La question de la santé
Bien que la circonscription se situe dans la moyenne nationale dans l’accès aux soins, selon les territoires des disparités existent : à Carentan, par exemple, 3000 personnes n’ont aucun médecin traitant. Et sur le territoire, au total, 50% des médecins ont plus de 55 ans sur le territoire. Quelles solutions pour pallier cette situation problématique pour la population ?
Pour Laurent Pien, il faut mieux répartir les médecins et faire du "zonage". Franck Simon propose, lui, l’instauration obligatoire d’ "un stage d’internat dans les zones de déserts médicaux" et ensuite les inciter à rester. Le député sortant défend la mise en place de solutions telles que "solliciter davantage des infirmiers sur des actes médicaux, conforter les pharmaciens dans leur rôle de pôle de santé et parfois salarier un certain nombre de médecins."
"Il faut qu'on mette en place un grand système de service public. Aujourd'hui, les soignants ne demandent pas d'argent mais demandent de bonnes conditions de travail. Il faut des hôpitaux, des maternités. Il faut rapprocher les services des habitants. On doit passer d'un système de métropolisation à un système dans lequel on ré-irrigue nos territoires ruraux avec de la médecine notamment de la médecine salariée", propose Guillaume Hédouin.