Manifestations d'agriculteurs : la ville de Saint-Lô ne veut plus avoir à payer la note

Les pneus et le lisier sont déversés comme par rituel lors des manifestions d'agriculteurs. Et le nettoyage des rues est systématiquement assuré par les services municipaux. La ville de Saint-Lô estime que l'Etat devrait en supporter le coût. La justice est en passe de lui donner raison.

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Le service de nettoyage est depuis longtemps rompu à l'exercice. Sitôt la manifestation dispersée, les camions embarquent les détritus laissés sur la chaussée : des gravats dans le meilleurs des cas, des restes de palettes et de pneus incendiés quand le ton de la manifestation a monté. Les agents assurent ensuite le nettoyage de la chaussée, parfois au coeur de la nuit : quand le lisier a été répandu sur la chaussée, il vaut mieux intervenir avant que la circulation automobile ne reprenne.
 



"Quand je suis arrivée à Saint-Lô en 1984, j'avais été très surprise : au lendemain d'une manifestation, il avait fallu remplacer du mobilier urbain tout neuf, et c'est la ville qui avait payé", raconte aujourd'hui Brigitte des Bouillons, la directrice générale adjointe de la ville en charge des affaires juridiques. Autant dire que le contentieux ne date pas d'hier...

"Dans les années 90, l'Etat avait fini par prendre à sa charge tout ou partie des frais. Mais depuis 2014, on nous dit : l'entretien de l'espace public est de votre entière responsabilité", déplore le maire de Saint-Lô. François Brière souligne un paradoxe :
 

On prend en charge 100 % des dégâts liés aux manifestations agricoles. Mais les habitants de Saint-Lô ne sont en rien responsables de la baisse du prix du lait !

 

Une facture de 170 000 € en trois ans


La ville de Saint-Lô a donc entrepris de saisir systématiquement la justice pour tenter de faire régler la note par l'état. Le maire en fait une question de principe. "À chacun ses responsabilités", dit-il. "Ce sont des manifestations déclarées, organisées par des syndicats. Quand on écrit au préfet pour dire qu'il va falloir prendre des mesures pour maintenir l'ordre public, et que le 2 février 2016, on voit arriver les tracteurs en ville sans que personne n'intervienne, ce n'est pas normal. Ce soir-là, on a des pneus déversés dans la rue, et c'est tout juste si les CRS ne jouent pas à la belote ! Il faut que l'Etat assume", s'emporte François Brière.

Affrontements dans le centre de Saint-Lô le 2 février 2016 :

Sept procédures sont en cours. Jusqu'ici, les requêtes étaient systématiquement rejetées par le tribunal administratif de Caen et par la cour administrative d'appel de Nantes. Mais la ville de Saint-Lô est du genre persévérante. Et le conseil d'état, la plus haute juridiction administrative française, vient de rendre deux arrêts qui lui sont favorables. Le dernier date du 3 octobre. Ces décisions sont appelées à faire jurisprudence, c'est à dire qu'elles auront force de loi.
 

Les textes exonèrent l'Etat de ses responsabilités lorsqu'un groupe se constitue "à seule fin de commettre des délits". Or, souligne le conseil d'état dans deux arrêts (7 décembre 2017 et 3 octobre 2018), les dégradations résultent de manifestations "sur la voie publique, convoquées par plusieurs organisations syndicales". Et le code de la sécurité publique est clair :"L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages (...) commis à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens"
 

Et pour la première fois, le 16 octobre dernier, le rapporteur public, dont l'avis est généralement suivi, a demandé à la cour administrative d'appel de Nantes de condamner "l'Etat à verser à la commune la somme de 69.082,80 euros avec intérêts au taux légal". Soit le montant correspondant aux frais engagés par la ville après les manifestations du mois de février 2016. L'arrêt sera rendu dans les semaines qui viennent. François Brière est désormais confiant : "Les dernières manifestations nous ont coûté 170 000 €. On a toute légitimité à penser que l'Etat va devoir régler la facture".
   

"Jamais je n'ai porté plainte contre les agriculteurs, souligne François Brière. Mais ces manifestations ne plaident pas en leur faveur. La population accepte de moins en moins ce type de rassemblement qui dégrade et qui pollue. Qui respire les émanations et les fumées des pneus qui brûlent ? C'est aussi un sujet qu'il faudra bien mettre un jour sur la table."



 
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