Depuis le mois de mars, Manche numérique effectue une cartographie de la couverture de la téléphonie mobile dans le département. L'opération s'appuie, notamment, sur les camions-poubelle sillonnant les routes de la Manche.
"Coutances, toutes les petites communes aux alentours, Tourville-sur-Sienne, Saussay, Saint-Pierre-de Coutances, Bricqueville-la-Blouette, Gratot, on passe partout." Au volant de son camion poubelle, Thierry Lejoliot sillone du lundi au vendredi toutes les routes du Coutançais. Seuls les chemins de randonnée lui sont interdits. Depuis quelques temps, une étrange sacoche en plastique a fait son apparition dans sa cabine. Pas de quoi bouleverser le quotidien de Thierry. "Je la branche le lundi en début de tournée sur l'allume-cigare et je la débranche vendredi en fin de tournée."
Thierry n'est pas que chauffeur. Il est aussi cartographe, à sa manière, d'un réseau plus immatériel. Mais tout aussi indispensable à la vie de ses contemporains. "Cette sacoche contient des téléphones chargés de mesurer la couverture du réseau mobile", explique Vincent Fillion, chef de projet au syndicat mixte Manche numérique, "il y a une petite application dessus qui enregistre les coordonnées GPS et le niveau de signal de chaque opérateur, pour chaque technologie : 2G, 3G, 4G." Soit un total de 11 téléphones dans la sacoche, " un par opérateur et un par technologie."
Et quand le camion de Thierry ne passe pas, la sacoche est assez peu volumineuse pour être placée dans un sac à dos et permettre d'inspecter les chemins de traverse. "Ici, on est sur une voie verte, un endroit ouvert aux randonneurs et aux vélos et un endroit où on peut avoir besoin d'utiliser son téléphone, ne serait-ce que pour appeler les secours en cas d'accident. On a besoin de savoir si les réseaux mobiles passent bien ici aussi."
La Manche au peigne fin
Débutée au mois de mars dernier, l'opération va durer un an. Il s'agit pour l'organisme Manche numérique de passer le département au peigne fin pour détecter les zones blanches ou grises, un travail de cartographie de la couverture mobile sur tout le département. "Les informations (recueillies par les 11 téléphones) remontent dans les bases de données de Manche numérique pour être ensuite retranscrites sur une cartographie", explique Grégoire Mendez, directeur général adjoint du syndicat mixte.
Sur la carte, une multitude de points, toutes les nuances de vert, du clair au foncé , mais aussi du rouge. "Ça signifie que la qualité est faible. Ça ne veut pas dire que nous sommes dans une zone blanche. Ça signifie qu'au moins un des opérateurs a un signal qui passe pour pouvoir passer un coup de fil. Par contre le réseau est certainement insuffisant pour les autres opérateurs et va nécessiter une amélioration à terme."
La cartographie en cours de réalisation permet tout d'abord de tordre le cou à certaines idées reçues. "Les cartes théoriques laissent supposer que la totalité du territoire est quasiment couverte. Ce qui n'est pas totalement vrai et ce qui n'est pas le cas avec la même qualité de service", indique Grégoire Mendez, qui note la présence de zones "démunies, souvent des zones très rurales, dans lesquelles il y a quand même des habitations mais qui ne sont pas "rentables" pour les opérateurs au regard du nombre d'habitants".
Discuter ou imposer
Et avec cette carte, les discussions avec les opérateurs récalcitrants ont plus de chance d'être constructives. "Quand quelqu'un nous dit : chez moi ça ne passe pas, il faut savoir très concrètement quel opérateur passe ou ne passe pas, quelle technologie passe ou ne passe pas. Quand on a des mesures, des données, on peut discuter avec les opérateurs mobiles : vous voyez, à cet endroit ça ne passe pas bien et ce n'est pas juste parce que quelqu'un nous l'a dit mais parce qu'on l'a mesuré. On a des données à leur opposer", explique Vincent Fillion, chef de projet.
Pouvoir discuter et parfois imposer. "On fait remonter ces informations à la préfecture qui peut ensuite imposer aux opérateurs, via un arrêté, l'implantation d'une nouvelle antenne", explique Grégoire Mendez. Car depuis le 1er janvier 2018 et le "New deal mobile", l'Etat peut imposer certaines implantations aux opérateurs. Les licences dont ils bénéficient sont associées à des engagements en termes de couverture du territoire.