VIDEO La côte des huit havres du Cotentin : un goût de paradis

Vous cherchez un paradis sauvage cet été ? En voici huit à découvrir dans le Cotentin
Un p'tit coin d'paradis dans un coin d'Normandie... ©France3 Normandie

Le Cotentin recèle un véritable trésor naturel assez méconnu et unique au monde : la côte des havres. Huit havres situés sur la côte ouest du Cotentin dans la Manche. Un coin de paradis préservé pour les amoureux de nature sauvage.

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Répartis entre le Cap de Carteret et la pointe du Roc à Granville dans la Manche, les huit havres du Cotentin forment la Côte des havres qui s'étend sur 60 km de littoral. Du nord au sud, on trouve les havres de Carteret, Portbail, Surville, Saint-Germain-sur-Ay, Geffosses, Blainville, Regnéville et la Vanlée.

Quatre passionnés, spécialistes ou travaillant dans ces havres merveilleux nous emmènent à la découverte de ces terres encore sauvages.

"Deux dunes et au milieu coule une rivière !"

Cela fait trois décennies que Didier Lecoeur arpente la côte ouest su Cotentin. Chargé de mission au Centre Permanent d'Initiatives pour l'Environnement du Cotentin (CPIE), observateur privilégié, il partage sa passion intarissable de la biodiversité. "Le terme de "Havre" vient du norrois (langue viking) "häfn" qui signifie abri et par extension a donné "haven" en anglais puis "harbour", le port. Il y a une notion de protection, c'est une zone abritée pour les bateaux. Le havre est unique, car constitué de plusieurs rivières qui créent des estuaires qui vont transpercer la dune pour se jeter dans la mer : deux dunes qui se font face et au milieu une rivière.

C'est très particulier et c'est pourquoi ils sont uniques au monde. Le jeu des marées engendre une topologie et une biodiversité adaptée avec une grande productivité aussi bien de la faune que de de la flore.

C'est l'équivalent des mangroves tropicales

Didier Lecoeur

On y trouve la fameuse salicorne que Didier Lecoeur prélève à l'aide d'une sorte de panier équipé d'une lame permettant de la couper sans toucher à la racine. Comestible, riche en vitamines et oligo-éléments, sa récolte est réglementée, on ne peut en prélever que deux poignées par jour. Une autre plante caractéristique, l'obione rejette quant à elle le sel grâce à des glandes contenues dans ses feuilles. Les agriculteurs de la région de Lessay venaient également prélever jusque dans les années 50 de la tangue, sédiment marin riche en carbonate de calcium qui servait à amender les terres. D'où le proverbe : "Qui va à la tangue, va au blé !". À l'heure actuelle, ce sont les éleveurs de moutons de prés-salés qui tirent avantage de cette terre à nulle autre pareille.

Les moutons du "bout du monde"

Le havre de la Vanlée, appelé aussi par les locaux « le bout du monde », forme une presqu’île dunaire. La dune de sable et d’herbus s’étend à l’embouchure d'un fleuve côtier : La Vanlée. Situé à Bricqueville-sur-mer, c'est là que Julien Launey fait paître ses moutons de prés-salés. Ce vaste domaine pâturable de 300 hectares à marée basse accueille les troupeaux de 3 éleveurs. Julien est à la tête de 500 têtes, environ 250 mères et 250 petits. Pour préserver l'équilibre du havre, la DDTM (Direction Départementale des Territoires et de la Mer) limite la taille des troupeaux. On peut voir dans les herbus encore de nombreuses cabanes abandonnées, vestiges d'un temps où les éleveurs s'occupaient de 10 à 30 brebis. Julien s'acquitte tous les ans d'un droit de pâture pour ses brebis. Celles-ci se régalent de la Puccinelle, plus communément appelée "herbe à mouton", plante qui supporte l'eau salée. Pour Julien Launey "c'est ce qui donne ce petit goût iodé unique aux agneaux". On sent Julien, heureux dans son bout du monde...

L'île aux oiseaux

Quand on remonte un peu plus vers le nord, on se retrouve dans le havre de Geffosses, paradis des oiseaux de 187 hectares. Havre de paix, îlot préservé, refuge pour de nombreux oiseaux qui nichent ou qui trouvent une aire de repos sur la longue route de la migration. Un chemin pédagogique parcourt l'ensemble de cette réserve, inscrit dans les sentiers de randonnée de la Manche, il permet de venir observer toute cette faune à plumes et à becs. Pour profiter du spectacle et ne pas les déranger, il est judicieux de s'équiper de jumelles. Grégoire Fautrat, responsable du pôle gibier migrateur à la fédération des chasseurs de la Manche, connaît chaque espèce : 'c'est un super site, on ne les dérange pas, on est à bonne distance. D'août à mars, on compte les oiseaux tous les 10 jours. L'an dernier, à un instant T, on a compté jusqu'à 1600 oiseaux, les chiffres ont triplé en cinq ans". On y observe entre autres des canards colverts, des canards souchets, des vanneaux huppés, des échasses blanches...

Il est question depuis plusieurs années de supprimer la route touristique qui va de Granville à Barneville, le havre est de ce fait entrecoupé et les marais ne jouent plus leur rôle naturel. Le but est de "remaritimiser" le havre. Grégoire est optimiste selon lui, "On va retrouver des nouvelles espèces et en perdre certaines, mais on va rester une réserve d'accueil communautaire, patrimoniale, voire nationale". Allez-y à tire-d’aile, vous ne serez pas déçus.

Une lumière unique au monde

Philippe Fauvel est un observateur privilégié des havres, habitant à Bricqueville-sur-mer, il photographie inlassablement ces paysages aux lumières et à la géographie mouvantes. Epaulé par son drone, il arpente la tangue et les herbus, scrute le ciel et étudie la météo pour être là au moment parfait qui souvent ne dure qu'une seconde. "Les paysages changent très régulièrement en fonction des marées et de la lumière. C'est magnifique, comme des instants qui durent une ou deux secondes. Ça demande parfois beaucoup de repérages, ça peut prendre plusieurs semaines, plusieurs mois". Il décrit une de ses photos "Sur cette photo, la lumière a percé à travers le nuage, si t'es pas là au bon moment, tu n'as pas cette photo-là". 

Les 8 havres méritent d'être mis en valeur, ils sont uniques au monde et moins connus que le Mont-Saint-Michel

Philippe Fauvel, photographe

"Le havre retrouve sa forme d'il y a 50 ans"

Pour Philippe Fauvel, "il ne faut pas s'inquiéter pour l'avenir des havres. À Bricqueville-sur-mer, cela a beaucoup changé depuis quatre ans. Du fait des tempêtes, une brèche s'est ouverte dans une des flèches dunaires, l'eau s'est engouffrée et un processus s'est enclenché. De l'autre côté, ça a plutôt tendance à se réensabler. Ces transformations font partie de la vie d'un havre. Même les gens qui habitent ici ne se souviennent plus à quoi cela ressemblait il y a 30 ans." 

Fragiles et résilients, les havres du Cotentin sont des espaces naturels d'une beauté et d'une richesse exceptionnelles. Ils semblent plus menacés par l'activité humaine que par l'érosion côtière ou les bouleversements climatiques. Pour le promeneur qui tentera l'aventure, il se trouvera happé dans un autre espace-temps par la douceur si particulière qui se dégage de ces havres mouvants.

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