Imaginez un jardin qui produise des fraises, des framboises, des pommes et des poires, mais aussi des abricots, des kiwis, des noix de pécan, des champignons et des herbes aromatiques. L’idée c’est de planter de nombreuses essences différentes, de toutes tailles. Et d’y ramener de la diversité et de la vie. Même un petit jardin peut s’y prêter.
Ramener de la diversité dans les assiettes, en produisant local et varié. C’est l’une des bases du jardin nourricier. Chloé Aublet de l’association Danub’ fait le constat que "notre alimentation se limite à 70 espèces. Il en existe pourtant plus de 7000 dans le monde."
Mélanger – de manière organisée tout de même - les grands arbres avec des fruitiers, des arbustes, des lianes et des légumes présente un autre avantage : ramener de l’eau et de la vie dans le sol.
Courbé sur sa bêche comme les 35 bénévoles présents ce dimanche-là pour planter une cinquantaine d’arbustes, Romain Silvestre explique : "le sol d’une forêt retient 8 fois plus d’eau que celui d’une prairie. Les systèmes racinaires permettent une meilleure infiltration de l’eau dans les sols. En plus, un grand arbre peut rejeter des centaines de litres d’eau par évapotranspiration."
Ce terrain nouvellement planté près de Bayeux s’ajoute à l’hectare et demi que les membres de Danub’ ont déjà transformé à Mosle dans le Bessin.
Aulnes, sureaux, érables poussent le long d’un cours d’eau. Les ronciers, véritable source de biodiversité, ont laissé place - en bonne partie - à des plantations de centaines d’espèces différentes.
Depuis 3 ans, pas moins de 700 arbres y ont été plantés. Pour les fruits, pour les légumes aussi et pour le bois. Mais ici, l’association ne veut pas vendre sa production, elle cherche surtout à faire connaître cette méthode agroécologique.
D’autres se sont lancés avec la volonté de vendre leurs récoltes. C’est le cas de Creafruit.
Antonin Gourdeau a planté depuis 7 ans plus de 1600 arbres. A Saint-Aignan-de-Cramesnil, production et récolte obligent, les arbres et arbustes sont plantés en lignes : "Il y a une ligne d’arbres dense taillés, une ligne d’aromatiques, une ligne de fruitiers et encore une ligne d’arbres" explique-t-il. Au total, une centaine d’espèces coexistent.
D’autres encore sont convaincus par ce modèle cultural, comme Yannick et Thérèse Srodawa-Wenger de la ferme de la Bérouette à Caligny dans l’Orne. Leur aventure a débuté en 2017. "On fabrique grâce à notre forêt-jardin du jus de pomme aux fruits rouges, du vinaigre de cidre et des confitures. On s’est inspiré de Stefan Sobkowiak, un agriculteur québécois connu pour son verger permaculturel productif" précise Thérèse.
Du bazar au jardin ou une nature résiliente?
Concrètement, cela signifie que chaque plante ici apporte sa feuille à l'édifice en étant utile à ses voisines. Yannick précise : "quand certains ne voient que du bazar et du laisser-aller, moi je vois des lignes d'arbres et arbustes extrêmement productives et résilientes. Elles n'ont aucun besoin d'être irriguées."
Le point commun de toutes ces associations et entreprises : s’éloigner le plus possible du modèle de monoculture intensive. Le but étant de réinstaurer un système productif en accord avec la nature, sans trop d’interventions humaines.
Chloé Aublet de Danub’ confirme que "les opérations d’entretien se limitent à la récolte, à l’élagage des arbres et à la maintenance des sentiers, une fois les arbres bien implantés."
Peut-on créer une forêt-jardin chez soi ?
Danub’ a créé un cabinet d’étude pour aider les collectivités et les particuliers à se lancer dans des projets. "Pour les particuliers, on déclenche un accompagnement si les surfaces sont importantes. Et surtout, on conditionne notre aide à la signature d’un contrat. L’ORE (obligation réelle environnementale) permet de garantir que le terrain transformé en forêt-jardin ne pourra pas devenir un parking au décès du propriétaire. On travaille pour l’avenir" justifie Chloé Aublet.
Pour ceux qui seraient autodidactes, "il est tout à fait possible de se lancer même avec un jardin de 200m2. Il faudra se priver d’une ou deux strates, autrement dit ne pas planter de très grands arbres, mais on peut installer fruitiers, lianes, plantes-racines et herbes comestibles ou médicinales."
La ferme du Bec-Hellouin dans l'Eure propose un retour d’expérience pour une surface de 250 m2 . La démarche est spécifique puisqu’il est question d’expérimenter une mini forêt-jardin très productive. Vous pouvez l'adapter à vos ambitions.
- Ne plantez au centre du terrain qu’un seul arbre de canopée, très haut, qui prend toute la lumière comme un cerisier haute-tige.
- Vous pouvez lui adjoindre des pruniers, pommiers, poiriers pêchers et abricotiers.
- Ajoutez des cassis, framboisiers et groseilliers.
- Viennent ensuite les herbes comme la menthe, la mélisse, le fenouil, la ciboule, l’oseille ou le thym.
- Et enfin viennent les couvre-sols comme l’ail des ours ou la pimprenelle.