Deux jours en immersion chez les Bénédictines de l'Abbaye de Valognes

De très bon matin jusqu'au soir, les moniales de Valognes vivent au rythme de la prière. Suivant la règle de Saint Benoît, elles se mettent au service de la communauté, sans jamais sortir de l'abbaye, où elles vivent cloîtrées. Exceptionnellement, elles nous ont ouvert les portes du monastère.

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Clotilde, Myriam, Michèle-Marie, Brigitte, Mechtilde... Elles sont au total 21 moniales réunies au sein de l'Abbaye Notre Dame de Protection, à Valognes. Depuis plus de soixante ans pour certaines, elles vivent en communauté selon la règle de Saint Benoît. La règle organise la vie quotidienne autour de trois activités principales : la prière commune, la lecture de textes saints et le travail manuel.


La vie des moniales bénédictines de Valognes

2 jours au sein de la communauté des Bénédictines de Notre Dame de Protection. ©France 3 Normandie

► Vachement Normand au monastère des Bénédictines de Valognes
à voir aussi dimanche 12 janvier
à 12h55 sur France 3 Normandie

 

Une vie rythmée par la prière

Suivant les consignes de Saint Benoît, la petite communauté de Notre Dame de la protection se rassemble sept fois par jour à l'église pour chanter la louange du Seigneur et célébrer l'Eucharistie.
La journée commence par les Matines (5h40) puis viennent les Laudes (7h00), l'Eucharistie (9h15), Sexte (12h45), None (c'est à dire 9 heures après le lever du soleil, vers 15h00), Vêpres (18h15) et les Complies (20h30).
 

Entre ces temps de prière, les soeurs travaillent. Certaines tâches sont communes, comme au moment des repas mettre la table ou faire la vaisselle, sinon chaque moniale a son travail, mais un travail qui peut changer au fil des années.
Soeur Mechtilde, au monastère depuis 64 ans, s'occupe des pâtes de fruits qui font le régal des amateurs car elles sont fortes en goût sans être trop sucrées.
Soeur Brigitte, quant à elle, a travaillé à la cuisine et à la buanderie depuis son arrivée il y a 48 ans. Depuis plusieurs années, elle est affectée à la fabrication et l'ensachage des hosties. Elle est passée maître en la matière et il ne lui faut plus qu'une heure pour en trier 4 000...

Quand je trie les hosties, forcément je prie. Moi j’ai le sentiment que en priant comme ça pour le monde, on porte le monde à bout de bras, à notre manière, quoi.
Soeur Brigitte


Les gestes devenus automatiques lui libèrent l'esprit pour prier et réfléchir sur ce monde d'au delà de la clôture. A-t-elle eu un regret d'avoir quitté ce monde ? L'accès à la vie de famille et la parentalité vécus par ses frères et soeurs ont été difficiles pour elle, mais elle a trouvé dans le célibat pour le Christ et le don de soi pour les autres une autre forme de maternité.  

 

Une clôture dans un monde qui évolue sans cesse


Les 70 000 hosties obtenues à chaque cuisson dépassent évidemment très largement l'autosuffisance du monastère ! La production de ce pain d'autel est destinée à la vente qui permettra une rentrée d'argent nécessaire aux besoins de la communauté. Mais cette source de revenus est fragile : bien qu'à l'abri des murs du monastère, la production est mise à rude épreuve dès qu'elle en sort. La concurrence de l'hostie polonaise, moins chère, sur ce marché très étroit, a fortement perturbé la production du monastère manchois. L'éternité n'est pas de ce monde...
 

 De la comptabilité à la blanchisserie sur appel de Dieu

Soeur Nathanaëlle était expert-comptable. Elle a tout quitté pour la vie monacale de Valognes. A la blanchisserie ses gestes que d'aucuns qualifieraient de routiniers ne la gênent pas. Au contraire, cela lui permet de réfléchir au monde. A Valognes, dit-elle "ça m’a toujours étonnée de voir que c’était pas une question de mentalité. C’est pas « comme ça et puis pas autrement. » On ne se sent pas emprisonnée « tout le monde dans le meme sens ». Il y a un consentement à ce qu’on fait."

Vincent Chatelain, notre présentateur, novice d'un jour au sein de l'abbaye, a tenté de mettre cette expérience en pratique. Le voilà qui s'essaie au repassage d'une robe de Bénédictine...

 
Vincent Chatelain essaie de repasser une robe de moniale bénédictine de l'Abbaye de Valognes ©France 3 Normandie


 

Mais comment devient-on moniale ?


Soeur Myriam est chargée de l'accompagnement des novices, c'est à dire des personnes qui entrent dans le monastère pour se mettre à la suite du Christ, avec l'envie de devenir moniale. Il faut 9 à 12 ans de formation initiale.
Pour sa part, Soeur Myriam a ressenti un appel à l'âge de 8 ans mais n'y a vraiment répondu qu'à 34 ans. Elle était alors photographe, la photo était une recherche de Dieu, une recherche de la lumière, elle aimait "donner de la beauté aux gens". A force de clics sur son déclencheur, "ça a fait tilt" dit-elle, "le Seigneur m'a dit Ecoute, vas-y".

Soeur Myriam est très active, ce qui convient bien pour l'accompagnement des jeunes novices, plus proches de la vie active et qui peuvent s'interroger sur leur engagement. Elle s'occupe aussi du jardin et du verger où elle aime prendre des risques, comme Vincent Chatelain a pu le constater. Ils sont partis tous deux à la cueillette de Bénédictines, de délicieuses pommes qui ne pouvaient pas trouver meilleur abri que ce monastère de... Bénédictines... 
 
Vincent Chatelain cueille des pommes avec Soeur Myriam dans le verger de l'abbaye de Valognes ©France 3 Normandie

 
Les 400 ans de l'Abbaye de Valognes


Soeur Michèle Marie est archiviste, bibliothécaire, a en charge la liturgie de la communauté depuis bien longtemps mais tient tout de même à préciser avec malice qu'elle n'était pas là lors de la création de l'abbaye... Et pour cause : l'abbaye a été fondée en 1623 à Cherbourg mais les soeurs ont dû se réfugier à Valognes en 1626, en raison d'une épidémie de peste. Elles n'en sont jamais repartie, la population locale ayant réussi à les retenir sur place. Le 25 août 1648, l'église de l'abbaye était consacrée sous le nom de Notre Dame de la Protection.

La Révolution française les a chassées de leur monastère, de nombreuses soeurs ont alors été emprisonnées. En 1810, elles rachetent le monastère des capucins, en mauvais état, et le réhabilitent.

En juin 1944, 84 bombes tombent dans l'enceinte du monastère, détruisant des murs, des toits, des vitres et un corps de bâtiment. Les soeurs de l'abbaye de Dourgne sont venues prêter main forte pour la reconstruction.

Depuis février 2014, c'est Mère Clotilde Lesigne qui a la charge de guider la communauté de Valognes.

 
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