La colère des surveillants de la prison de Condé-sur-Sarthe : "on gère des terroristes avec des sifflets"

Le député de l'Orne Joaquin Pueyo est venu à la rencontre des agents rassemblés devant le centre pénitentiaire au lendemain de l'agression au couteau qui a blessé deux de leurs collègues. L'exaspération est palpable : "on en a marre de prendre  ces risques pour 1400 euros par mois !"

Une épaisse fumée noire monte du brasier allumé par les surveillants. Le ciel est bas. L'ambiance est morne. Le député s'avance. Il connaît bien les lieux - c'est lui qui a plaidé pour que soit créée ici une unité destinée aux détenus radicalisés. Joaquim Pueyo devine aussi la détresse des agents de l'établissement - dans une autre vie, il a dirigé la plus grande maison d'arrêt d'Europe à Fleury-Mérogis, et il sait combien les agressions minent le moral.

Vous savez ce que c'est, notre équipement, face à un détenu armé ? Face à des terroristes, notre moyen de défense, c'est ça, un sifflet.

  

"J'ai même pas envie de parler avec vous !" lui lance un surveillant très remonté. "J'aurais pu rester à l'Assemblée. C'était la solution de facilité. J'ai préféré venir. J'estime que c'est mon rôle de député que de vous témoigner ma solidarité" répond l'élu. Dans ce centre pénitentiaire pourtant ultra-sécurisé, les agressions sont monnaie-courante. Mais un cap a été franchi : deux surveillants sont à l'hôpital après avoir été poignardés.
 


"Regardez cette photo ! " Un agent brandit son smartphone. le député chausse ses lunettes. "Ce sont toutes les armes et objets dangereux qu'on a saisis. Tout ça, c'est dans notre prison, ici à Condé !" Lundi, l'agression a été commise par un détenu qui était armé d'un couteau muni d'une lame en céramique, indétectable sous les portiques. Quelqu'un l'a fait entrer dans l'établissement.

 

Depuis des années, les surveillants réclament des fouilles au corps systématiques, ce que la loi Dati votée en 2009 proscrit. De tels contrôles doivent être motivés, et justifiés. "Mais on voit passer les gens habillés, été comme hiver avec plein de choses cachées dessous. Et on ne peut pas les fouiller ?", s'emporte un surveillant en uniforme. Un de ses collègues s'étonne : "au stade, au musée, on est fouillé à l'entrée. En prison, ce n'est pas le cas".

 

"Cela ne fait pas vingt ans que l'on est confronté à des détenus radicalisés. La Pénitentiaire est confrontée à des changements rapides, et il n'est pas simple de s'adapter", souligne Joaquim Pueyo. La création des quartiers destinés à ces détenus particuliers est une première réponse. "Mais donnez-nous les moyens ! On est face à des terroristes avec notre petit uniforme. Et on va tous les jours ouvrir la porte. Bonjour Monsieur, comment allez-vous ?"

 

Le surveillant très remonté qui n'avait pas envie de parler est finalement revenu : "vous savez ce qu'est notre équipement face à un détenu armé d'un couteau avec une lame en céramique ?". Il tient au bout de ses doigts un petit sifflet noir. "On gère des détenus comme il y a cinquante ans. On tombe sur des terroristes, et notre moyen de défense, c'est ça". Il montre son sifflet au député. "Vous trouvez ça normal ?
 

La fouille intégrale en prison est-elle illégale ?

Faut-il sacrifier la dignité des détenus pour améliorer la sécurité des prisons ? En défenseur de la fouille intégrale dans les parloirs des prisons - " inutile humiliation " pour ceux qui la subissent -, le ministre de la justice, Jean-Jacques Urvoas, brandit le chiffre de 4 000 agressions de surveillants en 2015.

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