Une vingtaine de ressortissants ukrainiens vont devoir quitter le foyer de l'AFPA d'Alençon (Orne) où ils habitent. La préfecture assure que "ces personnes seront prises en charge à compter de 2025". La Ligue des Droits de l'Homme s'indigne : "Aucune solution de relogement ne leur a été proposée".
Ses grands yeux trahissent l'inquiétude. Depuis deux ans, Anna vivait déjà avec la douleur de l'exil. Aujourd'hui, elle craint de se retrouver à la rue, dans ce pays où elle pensait avoir trouvé refuge. Dans un français hésitant, elle explique : "On nous a dit de trouver une solution avec des amis ou de rentrer en Ukraine".
Depuis qu'elle a posé son sac à Alençon au cours de l'été 2022, Anna bénéficie de la protection temporaire européenne accordée aux Ukrainiens. L'association Coallia qui accompagne les réfugiés lui a trouvé une chambre au foyer temporaire de l'AFPA où résident une vingtaine d'Ukrainiens, pour la plupart des personnes seules.
550 réfugiés ukrainiens accueillis dans l'Orne
"On leur demande de quitter les locaux très rapidement sans explication, sans proposition de relogement", s'inquiète Jean-Jacques Oesinger, le coprésident de la Ligue des Droits de l'Homme de l'Orne. "Les locaux sont loués par Coallia pour le compte de l'Etat. Ils n'ont rien expliqué aux Urkrainiens. Il n'y a pas de courrier, pas d'écrit. On trouve le procédé indigne".
L'AFPA, propriétaire des logements n'a pas donné suite à notre sollicitation, pas plus que l'association Coallia. La préfecture de l'Orne s'en tient à un communiqué publié il y a quelques jours dans lequel elle rappelle que "plus de 550 personnes en provenance d’Ukraine ont été accueillies depuis 2022 et sont pour la grande majorité d’entre elles demeurées dans l’Orne".
"On ne sait pas où aller"
La préfecture précise que "36 Ukrainiens sont encore hébergés dans des foyers collectifs, à l'AFPA d'Alençon et à l'ancienne clinique de Flers", mais aujourd'hui, "l'AFPA doit recouvrer ses capacités pour répondre à ses missions" et l'ancienne clinique de Flers doit être "réhabilitée".
Pour la première fois peut-être depuis qu'elle est arrivée en France, Anna a peur. La rumeur évoque une date butoir fixée au 15 décembre, mais rien ne lui a été confirmé officiellement. "On ne sait pas où aller. On nous a dit de faire le 115", le numéro d'accueil d'urgence sociale.
La peur des bombardements
Dans son communiqué, la préfecture de l'Orne assure que "la mobilisation est forte (...) pour l’accueil et l’intégration des personnes déplacées d’Ukraine". Elle ajoute toutefois que "ces personnes ont en même temps le devoir de s’engager dans des démarches d'intégration sociale et professionnelle".
En Ukraine, elle était gestionnaire bancaire à Dnipro. Son français encore balbutiant ne lui a pas permis de trouver du travail ici. Elle vit avec l'allocation versée aux demandeurs d'asile dont le montant est arrêté à "426 euros par mois pour une personne seule à 732 euros par mois pour un couple avec deux enfants, dès lors qu'ils ne disposent d'aucune autre ressource", précise encore la préfecture.
Chaque mercredi, Oleg se rend à la Croix-Rouge afin de récupérer un colis alimentaire. Ce technicien informatique âgé de 37 ans a quitté Kiev au mois de mai dernier avec l'espoir de refaire sa vie. En arrivant à Alençon, il a commencé par prendre des cours de français.
Il y a quelques jours, il lui a aussi été demandé de quitter le foyer de l'AFPA. "On m'a dit aussi de trouver un logement avec des amis ou de rentrer en Ukraine. Mais je ne veux pas y retourner", dit-il avec inquiétude. Oleg redoute les recruteurs de l'armée "agressifs" qui ne tiendraient pas compte de ses problèmes de santé. "Et en Ukraine, toutes les villes sont bombardées. Il y a beaucoup d'appartements détruits, chaque jour, chaque nuit..."