Dans l’Orne, l'émouvante histoire d’un réfugié afghan et sa fille séparés depuis 18 ans  

Zuhal a rejoint son père en juillet à Alençon dans l’Orne après avoir à son tour pu fuir l’Afghanistan. Mais ces retrouvailles sont menacées par la préfecture de Normandie qui veut renvoyer la jeune femme vers l'Allemagne où elle a déposé ses empreintes. Une pétition a été lancée. 

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Lorsque Najibullah ouvre la porte de son appartement à Alençon, c’est avec un sourire chaleureux. Cela fait 15 ans qu’il a trouvé refuge ici, dans l’Orne. Il nous invite à nous déchausser, comme le veut la tradition afghane, et nous prie de nous asseoir sur le canapé. Sur la table du salon, sont soigneusement disposés des dattes, des fruits secs, des gâteaux…

Sa fille de 22 ans, Zuhal, nous demande poliment si nous voulons du sucre dans notre thé à la menthe. L’appartement est soigneusement décoré à la mode occidentale. Seulement une photo du chanteur indien Mohammed Rafi amène une touche orientale à l’atmosphère et un peu plus loin deux portraits de Najibullah en tenue de militaire.
 


L’homme de 56 ans a en effet été commandant dans l’armée Afghane. En 2001, il a dû fuir l’Afghanistan car sa vie était menacée par les Talibans.  Sa femme et son bébé venaient de trouver la mort dans un attentat à Kaboul. Najibullah a dû se résoudre à confier son autre petite fille, Zuhal, alors âgée de 4 ans, à sa belle-mère.

Une vie entre parenthèse, pour ce père qui n’a eu de cesse de tenter de ramener sa fille près de lui. 18 ans après, les voilà enfin ensemble… les yeux encore rougis par le souvenir de leur retrouvaille :
 

Je ne peux pas vous expliquer ce que j’ai ressenti quand j’ai revu ma fille.  C’était comme si je revivais.


Najibullah ne peut retenir ses larmes quand Zuhal renchérit avec douceur :
 

Quand j’ai retrouvé mon père, j’avais l’impression que je venais de naître.


Mariage forcé


La vie de Zuhal, loin de son père, dans un pays en guerre a été très difficile. Pourtant, le regard de la jeune femme trahi un mélange d’optimisme et de détermination. Car du courage, il lui en a fallu.

Au décès de sa grand-mère, en octobre 2017, la vie de cette étudiante en droit et en sciences de l’informatique a basculé. Ses oncles lui interdisent de se rendre à la fac et l’obligent à se marier à un intégriste.

Zuhal prend la fuite. Direction Dubaï, puis le Vietnam et finalement l’Allemagne.
 

J’ai été arrêté par les autorités à l’aéroport. Les Allemands m’ont dit soit tu fais une demande d’asile ici, soit on te renvoie en Afghanistan. J’ai eu peur de retourner là-bas donc j’ai dû déposer mes empreintes.


Une "Dublinée"


Zuhal devient donc ce qu’on appelle une « dublinée », elle doit, selon le réglement européen Dublin 3, vivre dans le pays où elle a été enregistrée la première fois. Le 2 octobre dernier, le chef du pôle « Dublin » en Normandie, à la préfecture de Seine-Maritime a donc demandé que la jeune femme soit reconduite Outre-Rhin.

Une aberration pour la Cimade et la Ligue des droits de l’homme qui épaulent la jeune femme. Marie-Claire Cuesta, bénévole à la Cimade d’Alençon s’indigne :
 

Zuhal retrouve enfin son père après 18 ans de séparation, elle fuit un pays où sa vie est menacée et on lui demande de retourner en Allemagne ?  Elle ne connaît personne là-bas, c’est absurde et inhumain !


Les associations qui viennent en aide aux réfugiés ont lancé une pétition qui a recueilli plus de 3 000 signatures :
 

Le préfet de Seine-Maritime peut venir chercher Zuhal à n’importe quel moment et l’emmener en Allemagne. Devant ce danger, nous avons décidé à la Cimade et la Ligue des droits de l’homme de lancer cette pétition pour influencer le préfet de Seine-Maritime et qu’il abroge l’arrêté de transfert

 
Renvoyer Zuhal en Allemagne menacerait également la vie de la jeune femme, poursuit Marie-Claire Cuesta: "les autorités allemandes ont l’habitude d’expulser les Afghans vers leur pays d’origine. La vie de Zuhal est clairement menacée là-bas". Un récent reportage de France 24 sur la situation de la jeune-femme a d’ailleurs déclenché un torrent de menaces à son encontre.


Rêver d'une vie meilleure


Le père de Zuhal se refuse à imaginer le pire. Il nous montre avec fierté les mots de soutiens signés par 98 de ses collègues de Vitraglass où il travaille depuis 13 ans.
 

Je respecte les lois mais ce ne serait pas humain de la renvoyer en Allemagne. Les autorités françaises ne se mettent pas à notre place. Ici, elle est avec sa seule famille. Elle peut vivre dans la liberté et poursuivre ses études. Je rêve qu’elle réussisse dans la vie.


Zuhal, elle, suit avec assiduité les cours de français dispensés par l’association Solidarité Durable avec les Réfugiés (SDR). Elle essaye de s’intégrer en France avec l’espoir d’y trouver une vie meilleure
 

 
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