Le cormoran est une espèce protégée et pourtant, dans l'Orne, une commune est autorisée à abattre cet oiseau, sur l'étang de Pervenchères.
Peut-on abattre des cormorans, une espèce protégée, en toute légalité ?
La réponse est oui, mais sous certaines conditions bien précises. Il faut pour cela obtenir une autorisation préfectorale. Une telle autorisation a été délivrée, en novembre 2023, par le préfet de l'Orne au maire de la commune de Pervenchères.
Dans cette commune, l'espace de deux hectares est classé en zone piscicole. C'est pourquoi, la préfecture a donné son feu vert à l'élimination des cormorans. Une mesure radicale, pas si rare, que déplore la Ligue de protection des oiseaux (LPO).
Ce petit village de 300 habitants, situé au sud de Mortagne-au-Perche, possède un bel étang de deux hectares. Un plan d'eau riche en poissons qu'une association de pêcheurs vient d'enrichir encore de 100 kg de carpes, 100 kg de perches et 100 kg de gardons. Coût de l'opération, 3 000 euros.
Ce banc de poisson se révèle très alléchant pour la colonie de cormorans, habituée des lieux. Les oiseaux sauvages se sont invités au banquet, en nombre beaucoup plus important que d'ordinaire.
Autorisation de tuer
Le maire de Pervenchères (61) a demandé au préfet de l'Orne, l'autorisation de pouvoir tirer sur les cormorans, une espèce pourtant protégée. Autorisation accordée parce que l'étang est une zone piscicole, et qu'un arrêté de septembre 2022, autorise des dérogations.
Le maire de Pervenchères Marc Querolle se défend de vouloir tuer les oiseaux. Il s'agit pour lui d'effaroucher les cormorans et de protéger l'investissement de l'association de pêcheurs.
Je ne veux pas être envahi par une centaine de cormorans. Si on tire sur les oiseaux, c'est pour les effaroucher et non pas pour les tuer.
Marc Querolle, maire de Pervenchères
Pour prouver sa bonne foi, le maire de la commune affirme qu'un seul cormoran a été tué depuis l'autorisation donnée par la préfecture en novembre 2023. L'autorisation préfectorale est soumise à un certain nombre de conditions. Une seule personne, en l'occurrence l'employé communal, est autorisée à tirer sur les oiseaux. Il ne peut le faire qu'à proximité de l'étang et seulement durant la période de chasse.
La préfecture de l'Orne explique sa position
Dans un mail adressé à la rédaction de France 3 Normandie, ce mercredi 7 février 2024, la préfecture de l'Orne précise "que par dérogation à l'interdiction de destructions des espèces figurant sur la liste des oiseaux protégés, 80 grands cormorans peuvent être prélevés par an sur les zones de piscicultures en étang dans l'Orne". Concernant la dérogation donnée par arrêté préfectoral le 2 novembre 2023, sur l'étang communal, la préfecture affirme que cette autorisation s'appuie sur trois éléments." Les solutions de prévention sont incompatibles avec l'activité de pisciculture et l'effarouchement n'est pas efficace, la perte financière liée à la présence de la colonie de cormorans (10 à 25 oiseaux sur les jours qui suivent les lâchers de poissons) est substantielle et la dérogation ne nuit pas à la préservation de l'espèce".
Un non-sens et un massacre pour la LPO
Pour la Ligue de protection des oiseaux, abattre des cormorans ne sert à rien.
Cela ne sert à rien de les tuer. Ce sont des oiseaux hivernants, si vous en supprimez, un autre individu prend sa place.
Richard Grège, membre du conseil scientifique de la LPO Normandie
Si la Ligue de protection des oiseaux dit comprendre le problème de la prolifération des oiseaux et, en l'espèce, des cormorans, pour l'association, la méthode n'est pas la bonne.
"Plutôt que de tirer dessus, on pourrait utiliser des méthodes plus douces. Les balles à blanc, par exemple, pourraient effaroucher les oiseaux" propose Richard Grège, de la LPO Normandie.
"On peut mettre aussi des gros branchages ou des petits arbres dans l'étang, pour que les poissons puissent se cacher et échapper aux cormorans, qui ont besoin d'espace dégagé pour pêcher".
Des solutions alternatives efficaces, le maire de Pervenchères affirme en avoir cherché, en vain. " Les pétards, pour les effrayer, cela ne marche qu'un temps", affirme Marc Querolle. " Les oiseaux ne sont pas stupides et s'adaptent. De plus, mettre des filets sur une partie du plan d'eau ne serait pas efficace et absolument pas compatible avec l'activité piscicole de l'étang".
Une espèce protégée mais…
Le Phalacrocorax carbo, plus connu sous le nom de grand cormoran, est une espèce protégée au titre du Code de l'environnement. À ce titre, sa destruction, sa capture, sa perturbation, sa naturalisation, la destruction de ses œufs ou de ses nids sont interdits. Cependant, en raison des dégâts provoqués sur les populations piscicoles par les cormorans, ils peuvent être chassés. Cette possibilité est limitée depuis septembre 2022, aux seules zones de pisciculture.
Le tribunal donne raison à la LPO : les grands cormorans n’auraient pas dû être abattus en Savoie en 2020 https://t.co/9nFj4TX7vW pic.twitter.com/LWjBbnKsZi
— LPO Île-de-France (@LPO_IledeFrance) May 1, 2022
La LPO s'oppose depuis des années à ces régulations de l'espèce. L'association saisit les tribunaux à chaque occasion, pour annuler un arrêté préfectoral. Selon l'association, il n'existe pas de preuves scientifiques suffisantes de la menace du cormoran sur les populations de poissons.
Pour bien démarrer la semaine, un joli cliché de deux jeunes #cormorans heureux sur les plans d'eau de #Normandie. #BDLN #BaDi #faune #loisirs #nature #instantbucolique #évasion #promenade #LoveNormandy pic.twitter.com/FuSLG4aRi3
— Normandie, Chic & Charme (@PassionRomNdie) April 9, 2018
Où trouve-t-on des cormorans en Normandie ?
Ce grand oiseau aquatique de 90 cm et 1,50 m d'envergure aime la Normandie, où il trouve de bonnes conditions pour nicher. On le trouve sur le littoral normand, sur les îles Chausey, Saint-Marcouf, la Hague dans la Manche et sur les falaises du Pays de Caux.
Des populations de cormorans ont aussi trouvé refuge dans l'estuaire de la Seine, mais aussi dans les vallées de la Dive, de l'Aure et de la Touques dans le Calvados. Ils existent aussi des colonies dans la tourbière de Baupte dans la Manche et dans les étangs du Perche dans l'Orne. La LPO estime qu'un quart des effectifs français de cormorans se trouve en Normandie.