Un restaurateur d'Argentan, dans l'Orne, lance une pétition pour convaincre la Préfecture de donner des papiers à son apprenti, Sekou. Il vient d'avoir 18 ans, travaille bien et suit une formation. Jamais, dit-il, un stagiaire ne lui a semblé aussi motivé. En retour, il s'est promis de l'aider.
"Vous venez de parler avec Sekou ? Vous avez vu, il est doux, il est gentil, poli, travailleur, toujours à l'heure, toujours souriant. Quand il est arrivé ici, il y a un an, il parlait peu français. Aujourd'hui, on peut discuter de tout et il me comprend, même quand je lui dit A tantôt... C'est vous dire", rigole un instant Yannick Burel, son employeur.
Depuis, ce jeudi 7 janvier, lui et son épouse ont décidé de médiatiser l'histoire de leur apprenti pour l'aider à s'en sortir. Si Sekou n'obtient pas l'autorisation de rester en France, il ne pourra plus le garder en tant qu'employé et ça lui fend le coeur. "C'est un bon petiot qui mérite sa chance. Je peux vous dire que par rapport à d'autres, il est motivé. Je n'ai pas de problème d'horaire avec lui."
Après deux ans d'errance de la Côte d'Ivoire à la Libye, jusqu'aux passeurs méditerranéens et l'arrivée en centre de rétention en Sicile, Sekou a enfin trouvé un but dans la vie, à Argentan, dans l'Orne.
Il a traversé la Méditerranée
Les histoires malheureuses des enfants migrants jetés à la mer dans un bateau surchargé, comme tout le monde, Yannick Burel en a entendu parler. Mais imaginer Sekou dans cette aventure difficile, c'est autre chose. Souvent les deux hommes discutent, et Sekou lui raconte son enfance d'orphelin en Côte d'Ivoire, enfance brisée et semée de coups de barre de fer.
Aujourd'hui, il a tout fait pour s'intégrer ici après 6000 kilomètres et des années de galère, de solitude et de doute. Depuis qu'il sait qu'il risque de repartir, il ne dort plus et a maigri. Je vais vous dire, je suis inquiet pour lui.
Sekou raconte qu'il a eu 18 ans, le 27 novembre dernier. Depuis, la Préfecture de l'Orne ne le compte plus parmi les mineurs isolés qui bénéficient de protection. Il a d'abord perdu sa carte consulaire, et se retrouve maintenant sans papiers, ni revenus.
Un avocat qu'il a consulté avec l'aide de la Cimade va déposer un recours devant le tribunal administratif : Sekou est scolarisé, suit une formation professionnelle et a un patron ravi de le compter parmi eux.
" Je vis au foyer des jeunes travailleurs et je commence à avoir quelques connaissances à Argentan. Mon patron est vraiment gentil, quand je me suis fait volé mon vélo, il en a cherché un autre pour moi. Je n'ai pas envie de repartir. C'est ici, chez moi, maintenant."
Le tribunal administratif est donc saisi mais la démarche peut prendre 6 mois, ou plus. Et pendant ce temps-là, plus de travail, plus de droits. Sekou peut se retrouver à la rue à tout moment. Pire, être placé en rétention et renvoyé en Afrique, celle qu'il a quitté au péril de sa vie.
Une pétition pour demander un focus sur sa situation
Alors depuis ce 7 janvier, son patron, Yannick Burel a publié une pétition. Ce vendredi matin, moins de 24 heures après sa publication, la pétition pour Sékou, l'apprentier cuisinier d'Argentan a déjà mobilisé plus de 650 internautes.
Une pétition qui est en train de s'envoler sur le site change.org, réunissant plus de 200 nouvelles signatures en moins de deux heures, ce vendredi 8 janvier 2001. Les 1000 signatures seront dépassées dans la journée. Mais Yannick sait qu'il faut encore plus.
"L'avocat de Sékou m a dit, plus il y a de signatures, plus on aura de poids devant le Tribunal administratif. Il faut faire du bruit pour aider Sékou", explique t-il sur la page Facebook de la crêperie, située rue Bérégovoy, à Argentan.
Coucou à Tous.. j ai lancé une pétition en ligne l avocat de Sékou m a dit " plus il y a de signatures .. plus on aura...
Publiée par Crêperie sucré salé d argentan sur Jeudi 7 janvier 2021
L'établissement est fermé depuis des semaines à cause de la situation sanitaire et Sekou, l'apprenti est au chômage partiel, mais pas question de le laisser tomber pour son patron, très décidé à garder le jeune homme dans sont équipe. Si l'administration le veut.
Un boulanger du côté de Besançon a entrepris les mêmes démarches à Noël et a obtenu 120 000 signatures. "Quand j'ai lu son témoignage dans la presse, j'ai cru qu'il parlait de moi et de Sekou. C'est vraiment la même histoire", confie-t-il.