Les femmes dans l'Art et à travers le temps, c'est le propos ambitieux de cette belle exposition au Château de Flers intitulée " Où sont les femmes?". Trois créatrices contemporaines contribuent à cet hommage. Trois visions pertinentes sur l' intimité, les combats et la beauté au féminin.
Coralie Miachon-Desmonts, Conservateur - Directrice de la culture pour Flers Agglo et la Ville de Flers nous sert de guide dans cette magnifique exposition consacrée aux femmes dans l'Art et l'art consacré aux femmes. Précision importante, l'exposition " Où sont les femmes? "est gratuite tout l'été.
" C'est un jeu de miroirs qui nous permet de voir comment le sujet féminin a été traité dans l'Art, pendant une large période allant du classique au contemporain. Dans cette exposition, il y a aussi des objets de mode, des vêtements, pour montrer comment le corps de la femme a été pensé, corseté, assujetti à des codes. Les oeuvres picturales ou sculpturales font référence à des époques différentes et des thêmes qui vont de la bourgeoise représentée dans ses plus beaux atours, aux femmes qui travaillent, sans oublier les nus féminins." explique-t-elle
Reportage de S.Daniel, G.Louis et B.Munch
Trois artistes contemporaines ont collaboré à cette exposition. Elles ont amené leurs univers, leurs regards sur les femmes qu'elles ont observées dans des situations particulières
Lilyluciole
Lilyluciole utilise comme technique le collage papier, la photographie, le stencil et le tissage. Lilyluciole est une street artiste qui colle ses oeuvres sur les murs de Paris, Montréal, New York ou Berlin depuis 2011.Dès le début de ses créations, ses questionnements portent sur l’identité, l’image de soi en tant que femme, le corps, la spiritualité.
Le charme, la sensualité et la force des muses qu’elle multiplie à l’infini magnifie les murs par ses couleurs, sa lumière et les formes organiques qu’elles dégagent.
LilyLuciole est une artiste engagée. Ses sujets sont des femmes ordinaires, trop souvent oubliées dans les médias, la publicité ou encore l'art. Elle est l’initiatrice d'une association " Sortir les femmes de l'ombre" dont le but est de promouvoir la création artistique de femmes issues de milieux socioprofessionnels défavorisés : les femmes migrantes, les femmes racisées, les femmes victimes de violences, les femmes qui sont dans une grande précarité et plus particulièrement les femmes multi-discriminées notamment en les accompagnant dans leur lutte pour l’égalité femmes-hommes.
Son action vise à sensibiliser le public à leur existence, à leur vie et aux épreuves qu’elles traversent. C’est par le biais d’événements qui mêlent performances artistiques et tables rondes, avec des thématiques relatives à ces femmes, qu’elle souhaite mettre en avant leurs talents et leurs histoires.
Mélanie Dornier
Photographe auteure, Mélanie Dornier raconte des histoires humaines dévoilant identité et intimité.Pour l’exposition « Où sont les femmes ? », Mélanie Dornier présente une série de photographies, fruits d’une rencontre de 13 femmes et d’une photographe auteure pendant un atelier d’écriture à l’automne 2019. A la médiathèque de Flers, le recueil Mots d’Elles a été réalisé avec la collaboration d’un écrivain.
En tant que femme, la question du regard d’une femme sur le corps d’une autre femme s’est posée. En jouant sur ces cadrages rapprochés et une inversion des couleurs, la notion de genre dans les prises de vue est devenue floue.
A l’extérieur du château, elle expose des photos issues de son projet « देवी – ELLE » qui questionne la place qu’accorde la société indienne aux femmes dans le nord urbain du pays et le combat qu’elles mènent au quotidien pour exister en tant qu’individu dans cette société patriarcale.
Ce projet voyage dans le milieu de la boxe professionnelle féminine, les stations de police pour les femmes et dans les lieux balisés dans les transports et lieux publics pour les femmes. Il est le fruit de 4 ans de réflexion (2013-2017).
देवी - ELLE a été primé aux Etats-Unis par le Bettye Lane Feminist Photo Award de l’Université de Duke et publié en France, chez les éditions Corridor Elephant en mars 2018.
Alexandrine Deshayes
Dans la tradition des peintres d’histoire, Alexandrine Deshayes s’empare de l’actualité pour en faire le sujet de ses toiles.L’histoire de l’art et les médias de masse constituent une double source iconographique dans laquelle elle puise ses sujets et les figures qu’elle met en scène dans ses compositions. Ainsi le mythique Enlèvement des Sabines de Nicolas Poussin (1637) devient l'enlèvement des lycéennes de Chibok par Boko Haram.
La peinture d’Alexandrine Deshayes pille l'iconographie des journaux, de la télévision ou d' internet, pour en faire de vrais sujets de peintures. De vraies "peintures d’Histoire ». Une vue volée de la révolution du « Printemps arabe », du camp US de Guantánamo, de la vie des SDF dans nos cités, d’une plage de l’Espagne méridionale sur laquelle vient de débarquer un clandestin fourbu venu d’Afrique, une image d’information choisie chaque mois de l’année 2010 et appelée à servir de base à une chronique picturale du temps… prennent ici rang de représentations d’élite, de focalisations transcendées. Tirée hors du champ de sa banalité native, l’image d’actualité se découvre au passage transfiguré par l’acte pictural et le travail de l’art, elle prétend dès lors au statut d’icône.
[…] Il y a chez Alexandrine Deshayes une intention politique, de témoigner, garder les yeux et l’esprit grand ouverts, faire de l’esthétique un combat éthique (Extraits, Paul Ardenne)