C’est un récit de voyage dans un petit bout de l’art brut, qui fait l’objet d’une exposition à l’espace le Carré, à Lille. Un road trip qui débute dans un village perdu du Far West américain et qui très vite nous entraîne dans les pas d’artistes "voyageurs immobiles" comme le fut le Lillois Jean Smilowski.
Pendant 40 ans, Jean Smilowski (1927-1989) a peint et créé des objets dans sa cabane du Vieux Lille. Il vivait là, seul, sans eau, sans chauffage, sans électricité et sans fenêtre. C’était dans les années 60, 70 et 80. Et dans son drôle de royaume, il a donné naissance à des tas d’objets, à des personnages et sur de grandes peintures très colorées, des aventures.
Fils d’immigrés polonais, il vivait avec ses parents installés dès 1943 dans un abri de fortune, derrière les abattoirs de Lille. Ouvrier sans qualification à l’usine Fives-Cail, Jean Smilowski fut renversé par un camion à 33 ans. Avec sa pension d’invalidité, il a agrandi sa cabane, il l’a décoré et voyagé sans bouger grâce à sa peinture.
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Il peignait sur des planches de bois, des draps, des valises reproduisant des batailles copiées dans les livres d’histoire, et rêvant de pays lointains.
Au fil des ans, une collection incroyable s’amoncelle, mais la modernité le rattrape. La ville étend ses tentacules, il faut démolir sa cabane. Sauvé par l’Atelier Populaire d’Urbanisme du Vieux-Lille en 1985, il est relogé par la ville et ses œuvres sauvées de la déchetterie. Près de 300 !
Sauvegardée par l’association La Poterne, la grande majorité n’est pas visible, car conservée au musée d’ethnologie régional de Béthune, certaines sont exposées au Musée du LAM à Villeneuve d’Ascq.
Dans cette expo, des polaroïds, des autoportraits, un plan de sa cabane tout en longueur et des valises, beaucoup de ses valises, fabriquées par Jean Smilowski alors qu’il sait son expulsion prochaine.
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40 ans après la démolition du ranch de ce cow-boy solitaire, éternel amoureux de l’Amérindienne Ramona, cette "exposition se visite comme une balade à travers des mondes habités et singuliers avec ce rêve américain comme prétexte, comme décor, mais sans pour autant oublier son envers" explique Matthieu Morin, commissaire de l’exposition, graphiste et collectionneur d’art brut.
Des créateurs autodidactes, des artistes trisomiques comme Marcel Schmidtz "architecte" belge de la ville utopique de FranDisco et inspirant le dessinateur Thierry Van Hasselt, enseignant à Saint-Luc (Belgique).
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Un parcours joyeux à l’image des dessins de Camille Lavaud Beniton, exploratrice du monde des Fanzines, récompensée au Festival d’Angoulême en 2022 pour son album BD "la vie souterraine" et illustratrice de l’ouvrage de Matthieu Morin "Des pépites dans le Goudron."
Aux murs, un diaporama de photos prises par Matthieu Morin durant un gigantesque road trip qui constitue le point de départ de cette petite, mais foisonnante exposition "Mon Ranch", logée à l’espace Le Carré, à Lille, jusqu’au 8 décembre.
Infos pratiques :
Espace Le Carré 30 rue des archives, Halle aux sucres à Lille
Visites guidées gratuites et sans réservation
Du mercredi au samedi : 14 h -19 h et dimanche toute la journée
Ne manquez pas ce jeudi 21 novembre à 18 h, les Projections des documentaires "L'ampleur de Smilowski" de Jean-Michel Compiègne et Yohan Laffort et "Mes valises sont prêtes" de Claude et Clovis Prévost.