Bagnoles-de-l'Orne, en Normandie, est la seule station thermale de tout le grand ouest de la France. Le gouvernement vient de donner son feu vert à la réouverture de la centaine d'établissements que compte le pays. Ce sera le 19 mai.
"Nous sommes ravis, ravis de pouvoir enfin reprendre. Ça fait sept mois qu'on attendait." A Bagnoles-de-l'Orne, Bertrand Daban, le directeur du seul établissement thermal du grand ouest, a remis ses équipes en ordre de bataille. Le gouvernement a donné ce lundi son feu vert à la réouverture des 113 établissements fermés depuis le 25 octobre dernier. "Tout le monde est sur le pied de guerre mais on était dans les starting-blocks depuis longtemps, on commençait à avoir des crampes."
Des crampes et une trésorerie en souffrance. La profession estime avoir perdu l'an dernier 70% de son chiffre d'affaire et enregistré 110 millions d'euros de pertes, selon le CNETh (Conseil national des établissements thermaux). Car cette fermeture décrétée à l'automne dernier n'était pas la première depuis le début de l'épidémie en France. "On avait fermé le 16 mars et nous avions réouvert le 6 juillet. L'année dernière, nous avons travaillé quatre mois et demi, en tout et pour tout", rappelle Bertrand Daban.
"Les aides de l'Etat (ndlr : fond de solidarité et actvité partielle notamment) ont été salutaires mais elles ne couvrent clairement pas tous nos frais fixes et les frais fixes, dans notre activité, sont très importants. On parle de bâtiments qui nécessitent de l'entretien, de la maintenance et des travaux", souligne le directeur de l'établissement thermal normand, qui emploie 67 personnes en CDI et jusqu'à 300 salariés en pleine saison.
Ironie de l'histoire, cet arrêt de l'activité a permis à un acteur majeur de la santé de renflouer ses caisses. La fermeture des cures thermales aurait permis à la Sécurité sociale d'économiser près de 200 millions d'euros. Car contrairement à la thalassothérapie, les soins prodigués dans ces établissements sont pris en charge par l'Assurance maladie pour toute une série de pathologies : des rhumatismes aux troubles des voies respiratoires en passant par les affections urinaires ou digestives. "Le thermalisme est une activité de santé, elle est réalisée sur prescription médicale et c'était la seule activité de santé fermée pendant l'épisode Covid."
Le bout du tunnel se profile enfin pour ce secteur d'activité et pour les communes qui en dépendent (100 000 emplois indirects selon le CNETh). Bientôt, l'établissement thermal de Bagnoles-de-l'Orne pourra de nouveau accueillir ses 800 curistes par semaine. Reste maintenant à préciser les conditions de cette réouverture. Celle-ci devra s'effectuer, dans un premier temps, avec une jauge réduite à 50%.
Une réouverture dès le 19 mai ?
Si la date de réouverture est fixée au 19 mai, coup d'envoi de la seconde phase du déconfinement qui devrait voir les restaurants et les lieux de culture retrouver leurs habitués, les établissements thermaux ne vont pas pouvoir pour autant accueillir tout de suite leurs premiers curistes. A Bagnoles-de-l'Orne, les soins reprendront le 7 juin. "Il est impossible de transiger avec la sécurité sanitaire et cette sécurité sanitaire exige un certains nombre d'analyses en interne et en externe de contrôle de la qualité des eaux, des réseaux et des piscines (ndlr : l'établissement de Bagnoles-de-l'Orne en compte 7)", indique Bertrand Daban, "C'est un délai incompressible d'un mois. Covid ou pas covid, c'est la norme. Ce sont des opérations qu'on fait d'habitude en début d'année avant de débuter une saison normale. L'Agence Régionale de Santé doit passer pour faire ses analyses, en complément des notres. Si ces analyses ne sont pas bonnes, il faut procéder à des opérations comme des chocs thermiques (ndlr : températures très élevées pour détruire les bactéries dans le réseau d'eau) pour enfin pouvoir repartir sur des analyses positives qui nous permettront de travailler."
La cure thermale : un risque de bouillon de culture pour la covid ?
On vient de le voir : les installations des stations thermales sont minutieusement contrôlées pour se prémunir de toute présence de bactéries. Mais une fois en service, les piscines d'eau chaude ne constituent-elles pas un environnement favorable à la propagation du coronavirus. "C'est un point qui a été évoqué très tôt lorsque la pandémie s'est déclarée", raconte Bertrand Dahan, "Il a été répondu de façon très simple à cette question par la réalisation d'un protocole sanitaire qui prévoit notamment la surchloration des bassins. C'est ce qui vient anihiler tout risque dans l'eau."
Le vaccin sera-t-il obligatoire pour faire une cure ?
A l'heure où nous écrivons cet article, le protocole sanitaire de la réouverture est encore à l'étude. "La présentation d’un test PCR négatif au moins 72 heures avant le début d’une cure thermale et la question de la vaccination font partie des pistes étudiées", indique le site internet L'officiel du thermalisme, vitrine de la profession.
Dans l'attente de réponses, Bertrand Daban rappelle que la réalisation d'une cure thermale découle d'un parcours de soins avec toute une série de filtres préalables. "Le patient va d'abord voir son généraliste, qui décide d'envoyer ou non son patient en cure en fonction de sa fragilité. La deuxième barrière, c'est le médecin thermal que le curiste doit rencontrer avant de commencer sa cure. Il y a toutes une série de points cliniques qui sont examinés. Et quand l'accord est donné, après, il y a une infirmière. A la moindre suspicion, au moindre signe clinique évocateur du covid, le patient est immédiatement isolé et exfiltré vers les services hospitaliers. Sur les quatre mois et demi d'activité l'année dernière, on n'a pas eu un seul cluster." Pour l'heure, la seule règle annoncée par les pouvoirs publics est la réduction de la jauge à 50%.