Alain Crouillebois, éleveur dans l'Orne avait poursuivi Enedis pour les perturbations électriques qui toucheraient ses vaches. Si la première décision de Justice datant de 2022 avait tranché en faveur de l'agriculteur, la Cour d'Appel de Caen en a jugé autrement, ce 26 juin 2024.
C'est la douche froide pour Alain Crouillebois. Cet agriculteur est en procès depuis plusieurs années contre Enedis. Il veut faire reconnaître le lien entre l'installation d'un générateur ainsi qu'une ligne à moyenne tension près de son exploitation, et l'apparition de troubles comportementaux chez ses vaches.
En 2022, en première Instance, la justice avait condamné Enedis à verser 140 000 euros à l'agriculteur. Le gestionnaire avait fait appel de cette décision.
Finalement, la Cour d'Appel de Caen a cassé la décision du tribunal d'Alençon datée de 2022, ce mercredi 26 juin 2024. L'agriculteur est condamné à payer près de 53.000 euros à Enedis pour les frais de déplacement de la ligne électrique et du transformateur, à quelques mètres de son exploitation, en aérien.
Une ligne électrique qui pose questions
Pour mieux comprendre cette affaire, il faut remonter en 2011. Cette année-là, Enedis implante un transformateur et enfouit une ligne de 20 000 volts, à une vingtaine de mètres des bâtiments abritant les vaches d'Alain Crouillebois.
Dans cette exploitation agricole créée en 1997, l'agriculteur constate un changement de comportement des animaux, peu après l'installation de l'infrastructure. La production laitière baisse, des animaux refusent de s'alimenter, la mortalité, augmente. C'est la descente aux enfers pour l'agriculteur. Au bout de quelques années, l'exploitation est dans le rouge.
En 2017 est lancée une enquête du Groupe permanent pour la sécurité électrique en milieu agricole (GPSE) pour comprendre les raisons de cette dégradation. Après un an de recherche, le groupe donne plusieurs conseils, comme l'aménagement de l'étable. En revanche, aucun lien n'est établi entre le comportement des animaux et la ligne électrique, par le GPSE.
Un déplacement de la ligne en aérien aux frais de l'agriculteur
L'agriculteur reste persuadé que les troubles viennent de l'installation d'Enedis. Dans son combat, il reçoit le soutien de l'association Animaux sous tension (ANAST), créée par des éleveurs confrontés aux mêmes problématiques. En juin 2019, Alain Crouillebois déplace, à ses frais, la ligne et le transformateur de 150 mètres, en aérien.
Il verse un acompte d'environ 10 000 euros à Enedis pour le début des travaux. Le comportement des animaux s'améliore, le lait retrouve sa qualité d'auparavant. Alors, il décide d'arrêter les versements, jugeant l'entreprise responsable du mal-être de ses bêtes. Puis, il entame une longue procédure en justice contre Enedis pour faire reconnaître son préjudice.
"C'est une injustice totale, c'est moi qui ai trouvé la solution par mes propres moyens et à mes frais"
Aujourd'hui, cette décision de la Cour d'Appel est incompréhensible pour l'agriculteur. "C'est une injustice totale, c'est moi qui ai trouvé la solution par mes propres moyens et à mes frais", déplore Alain Crouillebois, au micro de notre journaliste Damien Migniau. L'institution judiciaire estime que "l'existence d'un lien de causalité entre les désordres dont il se plaignait et la présence de la ligne électrique et du transformateur n'est pas établie".
Pourtant, depuis le déplacement, la situation est revenue à la normale dans l'élevage. "Je n'ai plus du tout de soucis, que ça soit au niveau de la production laitière ou du comportement des animaux", explique l'agriculteur.
On était à 24 000 euros de frais vétérinaire par an, là, on est à environ 8000 euros
Alain Crouillebois
Enedis "prend acte de la décision"
L'agriculteur lance un appel aux élus pour s'emparer du sujet. "On a besoin de ces technologies, mais pas au prix des élevages, ni du sacrifice d'un éleveur". Son avocat Maître François Lafforgue "n'exclut aucune hypothèse" quant aux suites à donner à cette décision judiciaire.
De son côté, Enedis "prend acte de la décision de la Cour d’Appel de Caen qui reconnaît clairement l’absence de perturbations avérées issues du réseau public de distribution d’électricité, affectant l'exploitation agricole de Monsieur Crouillebois", précise le gestionnaire dans un communiqué.
Au-delà de cette affaire, d'autres agriculteurs dénoncent les nuisances des courants électriques sur leur activité. Interrogé sur ce point, Enedis rappelle qu'en étant membre de l'association GPSE, la société reste "toujours à l'écoute des difficultés qu'ils peuvent rencontrer", tout en "favorisant le dialogue permanent".