Une petite ville normande contre le collage éphémère des féministes de l'Orne, "pas une façon de faire"

Bourde ou acte politique ? A L'Aigle, petite commune aux confins de l'Orne, nichée entre les collines du Perche et Paris, le maire n'a pas supporté de découvrir un matin un collage éphémère au pied de sa mairie et porte plainte. Aujourd'hui, l'association Collectif Droit des femmes 61 lui reproche son manque de dialogue avec les représentantes d'une forte cause, alors qu'une militante a été convoquée au commissariat.

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"Il faut quand même rappeler aux responsables politiques que les femmes représentent près de la moitié des votes aux élections. La moindre des choses avant de porter plainte contre nous aurait été de nous contacter pour évoquer notre cause !", s'insurge Christine Coulon, du Collectif Droit des femmes 61. "Porter plainte contre notre militante de l'Orne c'est la criminaliser", insiste t-elle très agacée par la réponse du maire de L'Aigle à leur collage éphémère, qu'elle juge "disproportionnée".

"Ephémère ou pas, c'est une dégradation d'un bien public"

En septembre 2021, alors que se préparent les traditionnelles journées du patrimoine, une jeune militante du collectif colle sur plusieurs murs de L'Aigle, trois mots "Journée du matrimoine". Un message provocateur pour "interpeller". "C'est notre façon de faire partout en France", explique le collectif. 

Le collectif utilise donc le collage régulièrement pour porter le débat sur la place publique. "C'est un papier qui part à l'eau ou avec le vent, pas de la peinture."

Mais dans la bouche du maire de L'Aigle, c'est une autre version. Il a découvert ce message un matin et son sang n'a fait qu'un tour. Le maire a porté plainte comme il le fait systématiquement dans cette situation de vandalisme, pour "dégradation d'un bien du domaine public".

"Il y avait au moins trois messages de ce type dans le centre ville. Et celui-ci m'a particulièrement heurté car il est au pied de la police municipale, sur un mur où se trouve une plaque commémorative, avec un massif fleuri que l'on entretient."

On ne peut pas laisser tout faire, aussi noble et primordiale soit la cause ! Il y a des endroits réservés pour l'affichage public

Philippe Van-Hoorne, maire de L'Aigle dans l'Orne

La vidéosurveillance de la ville pour l'enquête

Pour son enquête, la police a pu visionner l'ensemble des vidéos des caméras de surveillance de la ville, installées autour de la mairie. "J'imagine que la personne a pu être identifiée ainsi. Mais jamais la Police n'est venue me donner les résultats de l'enquête avant de la convoquer."

Le collectif Droit des Femmes 61 est beaucoup plus amère. Selon leur lecture des faits, "la Mairie de L’Aigle semble vouloir intimider toute revendication féministe. Notre camarade a été impressionnée par le processus enclenché : convocation, plainte, rappel à l’ordre pour affichage sauvage."

Quel est l’objectif de la Mairie de L'Aigle avec cette plainte ? Les coupables d’incivilité, voire de violences machistes, sont-ils débusqués sur les caméras de la ville ? Les hommes violents reçoivent-ils le même traitement, quand on voit le nombre de plaintes déposées par les victimes de féminicides ?

Collectif Droits des femmes 61

Que risque l'auteure des faits ? Un rappel à la loi, pas beaucoup plus. Mais l'incompréhension est là.

"Il n'y a pas de mon côté de mésentente avec ce collectif. J'ai déposé plainte contre X ! En tant que maire, je travaille de près avec les autorités sur la cause des femmes et contre les violences qu'elles subissent. Je ne peux pas, cependant, commencer à tolérer des choses pour les unes et pas pour les autres", explique sans détour le maire accusé d'antiféminisme.

Il est vrai que dans cette petite ville rurale de 8.000 habitants, plutôt isolée, on n'a pas l'habitude des nouveaux modes de militantisme. A Alençon, déjà, le collage éphémère est mieux toléré. La presse locale s'en fait régulièrement écho. Et les actions du collectif sont fréquentes. "Des slogans féministes ont été affichés rue aux Sieurs, ou encore sur la halle au Blé : "Les femmes ni la terre ne sont des territoires de conquêtes" ou encore "Tremble patriarcat", rapporte Ouest France-Alençon en mai 2021.

"Nous avons de jeunes femmes militantes qui sont comme ça, comme leur génération. Elles provoquent pour faire avancer les choses. Nous avons besoin de places en hébergement, à l'hôpital, etc", ajoute Christine Coulon. "Quand on voit que la justice ne donne pas suite très souvent aux femmes qui portent plainte pour violences. J'espère que là non plus le procureur ne retiendra pas les faits", ironise t-elle en conclusion.

En période pré-électorale, cette plainte prend de l'importance, alors même que la cause des femmes reste un vrai sujet de campagne présidentielle. "Trois présidents se sont succédés et ça avance à peine."

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