Une formation en odontologie va voir le jour à partir de septembre 2022. Une annonce du gouvernement début décembre promettait la création de huit sites de formation supplémentaires en France dans les territoires sous-dotés en professionnels. Ce sera donc le cas à Caen (Calvados), comme à Rouen (Seine-Maritime).
Le téléphone sonne régulièrement au sein du cabinet dentaire du Docteur Laurent Olive à Caen. Des habitants de la commune, de sa périphérie ou encore du département du Calvados sont à la recherche d'un rendez-vous chez un dentiste. Mais ici, les praticiens ne prennent plus de nouveaux patients : "Il y a entre 6 à 9 mois de délai pour mes propres patients, je ne peux pas prendre de nouvelles personnes. J'ai quelques créneaux de disponible au quotidien mais je les garde pour les soins urgents et satisfaire les urgences de ceux que je suis" nous explique le Dr Laurent Olive, chirurgien-dentiste.
Un peu plus loin, au cabinet dentaire de Saint-Pierre à Caen, les délais d'attente pour obtenir un nouveau rendez-vous sont également longs et ici les sept praticiens à temps plein ne peuvent également plus prendre de nouveaux patients : "Nous recevons environ quarante appels par jour de personnes qui veulent un rendez-vous chez le dentiste. Et souvent ce sont des personnes qui vivent dans l'Orne comme à Flers ou encore à Vire… Mais malheureusement nous ne prenons plus personne. Nos patients, eux, doivent attendre un délai minimum de quatre mois pour des soins classiques" nous confie la secrétaire du cabinet dentaire.
40 dentistes pour 100 000 habitants en Normandie
La Normandie est la région la moins dotée de France métropolitaine en chirurgiens-dentistes avec une densité de 40 chirurgiens-dentistes pour 100 000 habitants alors que la moyenne nationale est de 63 pour 100 000 habitants. Selon l’ordre des chirurgiens-dentistes, il manquerait environ 800 professionnels en Normandie pour atteindre la moyenne nationale.
Dans l'Orne la moyenne est de 39 dentistes pour 100 000 habitants, dans la Manche 37 pour 100 000 habitants, dans le Calvados 51 pour 100 000 habitants, dans l'Eure 35 pour 100 000 habitants et en Seine-Maritime 48 pour 100 000 habitants.
Une faculté dentaire en Normandie
Alors face à cette pénurie de dentistes, une formation complète en odontologie va voir le jour à Caen et à Rouen à partir de septembre 2022 : " C'est une bonne nouvelle, nous allons former une première promotion d'une trentaine d'étudiants à Caen et une vingtaine à Rouen et l'objectif est d'atteindre les cinquante étudiants à partir de 2024" explique Emmanuel Touzé, à la tête de la faculté de Santé de l'université de Caen. Ces jeunes seront formés au sein du Pôle de Formation et de Recherche en Santé des deux communes.
Pour Emmanuel Touzé, par ailleurs Président de l'Observatoire national de la démographie de professionnels de santé, cette formation est essentielle : "On en avait besoin, on va pouvoir compter dans les années à venir davantage de dentistes sur le territoire normand. En France, les régions qui n'ont pas de faculté d'odontologie ont par conséquent une densité de professionnels plus faible que celles qui proposent une formation complète".
En effet, jusqu'à présent beaucoup de jeunes normands partent se former depuis des années à Rennes, Reims, Paris ou Lille. Des jeunes qui très souvent finissent par s'installer dans ces villes où ils ont été formés. Pour Emmanuel Touzé : "Ces jeunes qu'on formera à Caen par exemple resteront sur le territoire pour la plupart. Durant leur cursus, on les enverra faire des stages dans la Manche ou encore l'Orne où la densité est beaucoup plus en tension aujourd'hui".
Des dentistes qui s'opposent aux centres dentaires
Faute de dentistes libéraux et mutualistes, les centres dentaires, eux, ont poussé sur le territoire depuis plus de dix ans. Pour faciliter le développement de ces centres de santé, les pouvoirs publics ont nettement allégé les procédures et les contrôles. La loi de 2009 a ainsi supprimé l’agrément de l’agence régionale de santé qui garantissait que le centre fonctionnait selon des conditions conformes à leur activité. Plus besoin de visite de conformité, un centre de santé s’ouvre sur simple envoi à l’Agence régionale de santé d’un projet de santé dont la bonne exécution ne sera quasiment jamais contrôlée sauf en cas de plaintes graves de patients. Mais pour plusieurs dentistes normands, l'émergence des centres dentaires dans la région doit être davantage contrôlée.
L'un des derniers exemple en date est celui d'un centre dentaire à Rouen. En janvier 2022, l’Agence régionale de santé en Normandie informait qu’un établissement de Rouen affichait des "manquements la sécurité des soins" suffisamment importants pour rappeler près de 16 000 patients qui l’avaient fréquenté. La mauvaise tenue des locaux et un défaut de stérilisation ont été constatés, pouvant occasionner des risques (faibles) de transmission de l’hépatite C et du VIH.
Ces centres dentaires peuvent employer des dentistes qui ont étudié à l'étranger et "la qualité des formations et des soins varient d'un pays à l'autre en Europe notamment" nous confie un chirurgien-dentiste. Pour Emmanuel Touzé : "Une formation complète de nos dentistes sur le territoire normand peut permettre d'éviter cette situation" .
Les premiers dentistes formés à Caen et à Rouen pourront compléter l’offre de soins existante à l’issue de leurs six années d’étude après le bac, soit en 2028.