Pratiques alimentaires. "Le camembert de 1910 je ne suis pas sûr que beaucoup de Normands le mangeraient"

Une certitude, les Français sont les premiers consommateurs au monde de fromage. Autre certitude : cette consommation n'est pas une évidence pour tous. C'est une question de modèle culturel, selon Loïc Bienassis spécialiste de l’alimentation.

Ce n'est un secret pour personne, les Français sont les plus gros consommateurs de fromages avec en moyenne une consommation de 26.2 kilos par an et par personne. Et attention tous types de fromages confondus : lait cru, pasteurisé, pâte molle ou pâte dure.

Pour preuve, les remarques de ces internautes sur Twitter à propos du camembert normand : "Je viens de me faire un kiff normand : escalope à la crème + camembert #lalégèreté #bimdirectdansleshanches #maiscesttropbon"
 


Ou encore celle-ci : "Need : une baguette avec du camembert NORMAND"
 
Cette consommation paraît évidente mais elle ne l'est pas. Comme l'explique Loïc Bienassis, historien de l’alimentation et auteur de "Les chemins du patrimoine : de Notre-Dame au camembert" : "Le camembert de 1910 je ne suis pas sûr que beaucoup de Normands le mangeraient. Il était bleuté, maronnasse, le camembert blanc tel qu'on le connaît apparaît dans l'entre-deux-guerres."

Avec le changement des modes de conservation le camembert n'a pas le même aspect aujourd'hui que celui qu'il pouvait avoir au début du 20ème siècle. Ainsi, notre consommation est liée à une époque et surtout à un discours si l'on en croit l'analyse de Loïc Bienassis : "Le Danemark est un gros producteur de camembert, pourtant il n'entre pas en compte dans l'habitude alimentaire des Danois (…) il y a des cultures où le souci hygiéniste est très important. L'absence de germes, prendre soin de son corps est primordial et cela entre en compte dans la consommation du produit". De fait, le fromage, en particulier au lait cru, en est exclu.
 

La consommation de viande : "liée à la distance entre le consommateur et l’animal"


Et si certains ne mangent pas notre sacro-saint fromage pour des raisons hygiénistes, côté Français nos pratiques culinaires sont également dépendantes de certains critères.

Notre consommation de viande dépend de la "distance que l’on a vis-à-vis du produit" souligne le spécialiste de l'alimentation.
 

Si l’animal est symboliquement trop proche on n'arrive pas à le manger. S’il est trop éloigné on n’arrive pas à le manger non plus (…) Il faut qu’il y ait une juste distance. Tous les animaux d’élevage sont dans cet entre-deux.


C’est la raison pour laquelle on ne mange pas nos animaux domestiques ou que certains ont plus de mal avec la consommation de lapin ou de cheval, mais que la consommation de bœuf, d’agneau ou de poulet pose moins de problèmes.
 

Les insectes : l’alimentation du futur ?


Concernant la consommation de viande, Loïc Bienassis remarque :
 

On vit une chose inédite. Il y a une stagnation voire un retournement léger de la courbe de consommation de viande dans nos sociétés. C’est la première fois depuis deux siècles que cette courbe cesse d’augmenter et qu’il y a un retournement de tendance.


Un constat qui n’est toutefois pas valable à l’échelle mondiale. Les nouveaux pays riches tels que la Chine ou l’Inde font que la demande mondiale en viande augmente car "cela reste un produit qu’on consomme avec l’amélioration du niveau de vie."

Et en ce qui concerne la consommation d'insectes qui, pour certains, serait une solution pour subvenir aux besoins alimentaires futurs, l'historien n'y croit pas : "On revient à notre mode de consommation et à la distance que je vais avoir avec ce que je mange. Globalement on n’a pas envie de reconnaître l’insecte qu’on mange."

Selon un rapport des Nations unies, nous serons plus de 9 milliards d’êtres humains d’ici à 2050 et toute cette population devra trouver une solution pour se nourrir. De quoi, remettre en question certaines de nos "habitudes alimentaires"?
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