Selon l’Unesco, la langue Normande serait en grand danger. Une perte de vitesse constatée du pays de Caux aux îles Anglo-Normandes mais d’ardents défenseurs continuent à faire vivre ce patrimoine linguistique.
Ils ne seraient plus que 30 000 à maitriser les bases du patois normand. Une triste agonie à l’échelle de l’histoire lorsque l’on sait que Guillaume le Conquérant, une fois couronné roi d’Angleterre en 1066, fit du normand la langue du pouvoir et qu’elle devint la plus utilisée dans la littérature anglaise aux XIe et XIIe siècles.
Le déclin des langues régionales s’accéléra à la révolution en faisant du français la langue officielle. Au 20ème siècle, le brassage des populations et l’école obligatoire fragilisèrent encore plus ce patrimoine linguistique.
L'école de la République désintéressée du Normand
Aujourd’hui, contrairement au breton, le normand n’est quasiment plus enseigné en milieu scolaire. Il ne reste plus que le collège Marcel Grillard de Bricquebec-en-Cotentin qui propose une initiation, une heure par semaine.
C’est une initiation au normand et à la culture normande. Ça permet notamment d’aborder l’histoire-géographie d’une manière plus ludique et plus ancrée avec le territoire. Cette heure hebdomadaire d’initiation plait beaucoup aux élèves, chaque année le groupe affiche complet. Certains jeunes nous disent aussi que ça leur a permis d’échanger en normand avec leurs grands-parents.
Le normand n’est pas reconnu par l’éducation nationale. Ce trésor de vocabulaire est en train de disparaître. Si on donnait cette ouverture dans les écoles, il y aurait des candidats. Dans les établissements scolaires, j’avais toujours une trentaine de jeunes qui se montraient intéressés. C'est l'une des principales langues d'oïl, avec le gallo, mais en bretagne, eux ont obtenu qu’elle soit à l’épreuve du baccalauréat.
Front des associations pour sauver le parler Normand
Rémi Pézeril est également président de la FALE, la Fédération des Associations pour la Langue normande, fondée en 2016. Des associations qui tentent de défendre et promouvoir cette spécificité régionale. Pour exemple, elles ont mis en place 12 ateliers sur tout le territoire pour converser et découvrir la littérature. Récemment et avec l’aide de la région Normandie, une autre initiative a vue le jour : les cafés normands. Des lieux de rencontres et d’échanges comme au Comptoir des Halles à Cherbourg, où avant la crise sanitaire, plus de quarante personnes se retrouvaient chaque mois.
Certains viennent pour réentendre les paroles de leurs anciens et d’autres pour discuter. Ce qui est intéressant, c’est le mélange des parlers normands parce que lors de ces rencontres des gens sont originaires d’autres départements et à une centaine de kilomètres, les mots normands ne sont plus les mêmes.
"le parler normand est dans une sorte de coma". Louis Lefebvre.
On est plusieurs auteurs, c’est une chronique hebdomadaire, on y aborde tous les sujets, on ne s’interdit rien. Je reçois régulièrement des courriers de remerciement, notre chronique est très lue et même par les jeunes. Pour preuve, on a fait récemment le buzz en publiant une "Acertainement dérogatouère " de déplacement tout en normand, les jeunes se sont rués dessus ! Le cotentin est une terre très vivante pour le parler normand ; il est très employé dans le milieu de la pêche. Il suffit de les écouter, il y a des mots normands qui fleurissent dans toutes les conversations. Pour imager les choses, à mon sens, le parler normand est dans une sorte de coma et il suffirait de peu de chose pour le réveiller.
La Normandie au chevet de sa langue régionale.
Depuis janvier 2019, la Région a mis en place une stratégie pour la sauvegarde et la valorisation des parlers normands. Un conseil scientifique et culturel est aujourd’hui constitué afin de travailler à la sauvegarde, la valorisation et la promotion de cette langue régionale. Il est composé de 16 membres, mêlant universitaires et locuteurs en normand, venant de Normandie, de Lyon, de Toulouse, de Jersey et d’Angleterre. Un atlas linguistique est déjà en cours de réalisation.
Dans la continuité de la loi Molac, voté au parlement en avril dernier, qui protège et fait la promotion des langues régionales, la Région a écrit au Président de République afin que le normand soit reconnu par l’État dans le Code de l’éducation. Un sésame qui ouvrirait la voie à un enseignement immersif en normand dans les écoles publiques.
Et pour aller plus loin sur la culture Normande:
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