Depuis plusieurs années, scientifiques et soigneurs s’inquiètent du taux de mortalité des hérissons d’Europe. L’association CHENE située à Allouville-Belfosse, en Seine-Maritime, participe activement à une enquête de fond sur les causes de décès de cet animal indispensable à la biodiversité.
Qu'arrive-t-il aux hérissons ? En Belgique, au Royaume-Uni ou encore en France, au moins 70% de la population des hérissons a disparu en 20 ans. Face à cette hécatombe, l’association CHENE (Centre d’hébergement et d’étude sur la nature et l’environnement), était parvenue à récolter des fonds grâce à la générosité de citoyens soucieux de ne pas voir disparaître ces boules de pics. Avec l’argent collecté et le soutien de plusieurs collectivités (la Région Normandie, Fond Feader et la Métropole Rouen Normandie) une enquête scientifique de fond est en cours.
L’étude se fait en collaboration avec plusieurs écoles vétérinaires et les laboratoires départementaux d’analyses de Seine-Maritime (LAVD76, Vet diagnostics). Les premiers résultats ont été dévoilés fin octobre.
Le constat est sans appel : les hérissons d’Europe continuent de mourir sur nos routes et dans nos jardins. Le travail de recherche a d’abord porté sur l’analyse statistique des admissions et de la mortalité des hérissons entre 2015 et 2020 au CHENE. Dans ce centre de soins, soigneurs et bénévoles, accueillant les animaux sauvages en détresse, sont les premiers témoins de phénomènes inquiétants concernant la santé des hérissons.
Depuis 2015 on a une courbe qui s'envole. 440 hérissons l'année dernière... Cette année, c'est une catastrophe : 640 hérissons. A ce rythme là, on dépassera les 700 en 2022.
Laure Prévost, soigneuse au CHENE
En Normandie comme dans d’autres régions de France, les centres de soins pour animaux reçoivent les petites bêtes dans un état alarmant : les hérissons sont déshydratés, anémiés et un système immunitaire fragilisé. Ils meurent parfois brutalement en moins de 48 heures.
"C'est compliqué de les soigner car on ne sait pas ce qu'ils ont. Certains toussent, d'autre ont la diarrhée... d'autres sont fortement parasités", ajoute Laure Pévost. "On n'en relâche pas autant qu'on voudrait."
L'Homme et le réchauffement climatique en cause ?
A Allouville-Bellefosse, près de 180 spécimens hérissons ont ainsi été analysés. De nombreux prélèvements ont pu être faits et permettent de constater la présence de différentes pathologies chez les spécimens pris en charge. Les plus jeunes hérissons sont davantage concernés par ces morts inexpliquées. Ces résultats préliminaires mettent en évidence des causes de mortalité diverses sans identification d’une entité unique responsable à elle seule de la mortalité observée.
Les premiers résultats font apparaitre l'absence de virus mais aussi de causes purement bactériennes et parasitaires. Mais l'Homme serait-il responsable de cette mortalité ?
L'Homme veut aider la faune sauvage en les nourrissant mais celle-ci n'est pas adaptée. Il y a peut-être un problème au niveau du métabolisme de l'animal.
Alain Beaufils, Responsable du CHENE (Centre d'Hébergement et d'Etude sur la Nature et l'Environnement)
L’un des auutres facteurs pourrait être le réchauffement climatique. Habituellement les choupissons (nom du bébé hérisson) naissent en été. Désormais des naissances ont lieu à l’automne hors le petit animal n’a pas les ressources pour affronter le froid de l’hiver. "Ils sont trop petits et pas en forme. On va devoir les garder sous surveillance tout l'hiver et ce n'est pas leur rendre service car le stress leur fait développer des pathologies qui peuvent être mortelles", explique Laure Prevost.
Un processus en lien avec la mort a été mis en évidence chez la moitié des individus analysés, au premier rang duquel on trouve infections bactériennes et infestations parasitaires. Aucune infection virale n’a été détectée. Des analyses microbiologiques ont ensuite été réalisées au laboratoire départemental d’analyses de Seine Maritime. Si des agents pathogènes classiquement décrits chez les hérissons, comme la salmonellose, ont été principalement identifiés, des agents pathogènes émergents comme Corynebacterium ulcerans, un agent classé dans le groupe de la diphtérie humaine, ont également été repérés. Une infestation parasitaire généralisée des appareils respiratoires et digestifs a été détectée dans la majorité des individus analysés. Sur ces cas, la signification pour la santé de l’animal reste à approfondir.
Une contamination aux pesticides ou produits phytosanitaires ?
Des analyses toxicologiques sont encore en cours de réalisation afin de mettre en évidence une éventuelle exposition à des contaminants chimiques tels que des pesticides, des métaux lourds ou des produits phytosanitaires. "On pense que c'est une accumulation de facteurs qui les rendent plus faibles", indique Laure Prevost.
L’étude devrait se poursuivre jusqu’à la fin de l’année. La synthèse de l’ensemble des analyses sera transmise au premier trimestre 2022. A terme, une nouvelle étude pourrait s’étendre à l’échelle nationale voire Européenne. Si rien n’est fait, les experts parlent d'une extinction de l'espèce entre 2025 et 2050.
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