Un élu s'est mobilisé pour la fibre optique à Rouen (Seine-Maritime) avec des habitants. Et il s'est rendu compte que les habitants des villes étaient moins bien lotis que les habitants des campagnes.
C'est ce qu'on peut appeler "un coup de gueule". Valentin Rasse-Lambrecq (PS), élu en charge des quartiers ouest à Rouen (Seine-Maritime) ne comprend pas pourquoi les Rouennais n'ont pas tous la fibre optique. "Rouen est fibré à 86% alors que le taux moyen en France est de 91%", détaille l'élu rouennais.
"Les opérateurs ont favorisé les endroits les plus faciles d'accès et laissent de côté les petits collectifs, les immeubles vétustes et les quartiers pavillonnaires", indique l'élu.
Une lettre cosignée par 300 habitants
Il ne comprend pas pourquoi l'opérateur Orange, qui avait commencé le déploiement de la fibre sur les quartiers ouest, s’est arrêté en si bon chemin. "Il reste encore 20% des foyers non fibrés à Rouen et nous n'arrivons pas à avoir de calendrier clair."
Valentin Rasse-Lambrecq s'en étonne d'autant plus que dans les campagnes de la Seine-Maritime, la fibre optique est partout. "C'est un comble, on peut être en pleine ville et ne pas avoir la fibre et être en pleine campagne et avoir un haut débit", assure-t-il.
Il a alors envoyé une lettre, cosigné par 300 habitants à l'Arcep (Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse), le 7 septembre 2023.
Trois zones de déploiement
Pour bien comprendre ce paradoxe entre la ville et la campagne, il faut rappeler l'existence de trois zones de déploiement de la fibre. Dans les zones très, très denses comme Rouen et son agglomération, c'est la libre concurrence entre tous les opérateurs.
En zone AMII (Appel à Manifestation d'Intention d'Investissement), au Havre et sa métropole, Fécamp ou Dieppe, c'est un ou plusieurs opérateurs privés qui montrent un intérêt particulier à investir en fibre optique à la suite d’un appel organisé dans le programme national "très haut débit".
Et dans le reste du département de la Seine-Maritime, soit 601 communes, c'est Seine-Maritime numérique, un syndicat mixte créé en 2014 par le Département et plusieurs collectivités locales de la Seine-Maritime, qui s'en charge.
Virginie Lucot-Avril, présidente de Seine-Maritime numérique, assure que presque toutes les communes sont fibrées, "à l'exception d'une vingtaine frontalière avec la Somme".
C'est un investissement de 340 millions d'euros et nous faisons payer une redevance de 154 millions d'euros aux opérateurs qui utilisent ensuite le réseau. On a accompli le travail des opérateurs mais si on ne l'avait pas fait, on ne serait pas fibré !
Virginie Lucot-AvrilSeine-Maritime numérique
Des situations ubuesques
L'élue assure qu'il y a des situations ubuesques d'étudiants qui n'arrivent pas à se connecter au Havre ou à Rouen mais qui ont la fibre à la campagne, chez leurs parents le week-end ! "Parfois aussi, des habitants situés à 500 mètres vont avoir la fibre car nous leur avons mis en place mais d'autres ne l'auront pas car l'opérateur de la zone AMII n'aura pas terminé le déploiement... Mais de par la loi, nous ne pouvons pas intervenir".
Contacté, l'Arcep indique avoir observé "le ralentissement du rythme des déploiements en fibre optique, déjà observé au cours du premier trimestre 2023, en particulier dans les zones denses du territoire".
Au cours du deuxième trimestre 2023, 870 000 locaux supplémentaires ont été rendus raccordables à la fibre, soit 20% de moins que sur la même période de l’année précédente.
Arcep
Que font les opérateurs ?
Mais alors pourquoi les opérateurs ne finissent pas le déploiement de la fibre optique à Rouen, Le Havre, Fécamp ou Dieppe ? Est-ce vraiment une logique comptable ?
Marc Maouche, délégué régional d'Orange Normandie, a accepté de répondre à nos questions. "Si l'on prend l'exemple de Rouen, nous sommes dans une zone concurrentielle, il n'y a pas d'engagement global des opérateurs et nous n'avons pas à fournir de calendrier. Mais on fait au mieux !"
Marc Maouche rappelle qu'Orange a fibré 65% des logements éligibles en Seine-Maritime, "sur ses fonds propres". "Il y a peu d'entreprises privées qui font des investissements de cette taille, soit 13 milliards d'euros en France", assure le délégué régional.
Et si certains quartiers ne sont pas entièrement fibrés, ce serait lié à plusieurs contraintes. "Nous donnons la priorité aux logements neufs car on ne peut pas se permettre de faire sortir de nouveaux immeubles sans la fibre, nous prenons donc du retard sur l'existant", explique-t-il.
D'autres technologies que la fibre
De plus, en ville, il y a beaucoup de copropriétés, environ 6 000 à Rouen, qui n'ont pas donné leur accord pour déployer la fibre. "Et nous sommes obligés d'attendre leur accord, indique Marc Maouche. De manière générale, en ville, nous devons faire face à de nombreux interlocuteurs, plus qu'en campagne. Et en zone rurale, nous devons tirer plus de câbles..."
Marc Maouche pointe aussi du doigt l'usage d'internet des habitants de la Seine-Maritime. Pour lui, la fibre optique n'est pas une fin en soi. "Quel usage j'ai d'internet ? De quel débit j'ai besoin ? Dans certains cas, la fibre n'est pas la seule solution, il existe également la 5G et ou le satellite. L'accès au très haut débit pour tous en 2025, objectif du gouvernement, est donc atteignable si on utilise toutes les nouvelles technologies. Il faut que nos concitoyens réfléchissent", conclut-il.