Lors de sa cérémonie des vœux pour 2023, le président de la Région Normandie Hervé Morin a indiqué vouloir investir fortement dans la création audiovisuelle. Dans le viseur, son leitmotiv de toujours : accroître le rayonnement et l'attractivité de la région, en France et dans le monde.
Le succès actuel de Tempête, film de Christian Duguay tourné en grande partie dans la Manche, a fait prendre conscience à Hervé Morin du pouvoir du cinéma pour la publicité d'un territoire. "Les images sont tellement belles que c'est la meilleure des promotions pour la Normandie". Plus largement, la production audiovisuelle, qu'il s'agisse d'un long métrage, d'une série télévisée ou de formats courts, peuvent se révéler de formidables vecteurs de rayonnement pour une région.
Il y a des régions qui font beaucoup pour le cinéma comme Rhône-Alpes, les Hauts de France ou PACA. On a la chance d'accueillir pas mal de films grâce à notre patrimoine, mais quand vous discutez avec les producteurs, ils vous disent : Vous n'êtes pas au rendez-vous de l'accueil des séries et des films populaires de qualité comme Tempête.
Hervé Morin, président de la Région Normandie
Derrière cette volonté annoncée de développer les aides à la production audiovisuelle, il y a bien évidemment l'espoir de conséquences touristiques, mais l'impact économique est aussi avancé par le président de Région. "Quand on investit 1 € d'argent public dans le cinéma, il génère 10 € de consommation sur le territoire". Quant au marché des séries TV, où "des centaines de millions d'euros supplémentaires vont être investis" ces prochaines années grâce au développement des plateformes de streaming, il présente un "avantage majeur" selon l'élu. Quand une série marche, les épisodes et saisons suivantes recréent de l'emploi et de la richesse".
Arsène Lupin, gentleman-racoleur
Récemment, l'exemple le plus parlant est celui de Lupin sur Netflix. La série avec Omar Sy librement inspirée de l'œuvre de Maurice Leblanc a été visionnée par plus de 70 millions d'abonnés dans le monde. Si les intrigues se déroulent la plupart du temps à Paris, où vit le héros, elles mènent aussi à Etretat, lieu iconique des histoires d'Arsène Lupin et de résidence de son auteur.
Dans la foulée de la diffusion de la série, une vague touristique a déferlé sur Etretat. L'ancienne maison secondaire de Maurice Leblanc, devenue un musée, a vu sa fréquentation multipliée par 10, son chiffre d'affaires de 300%, et ce, malgré une fermeture de sept mois à cause du Covid. Un afflux massif avait déjà été enregistré dans les années 70, lors de la diffusion de la série Arsène Lupin, avec Georges Descrières, puis en 2004, après que Romain Duris a campé le rôle du célèbre gentleman cambrioleur sur grand écran.
Des films tournés en Normandie, peu sur la Normandie
Évidemment, la Normandie s'est retrouvée maintes fois devant les caméras. Un singe en hiver de Verneuil (1962) a pour décor Villerville et les côtes calvadosiennes, Un Homme et une femme de Lelouch (1966) est indissociable de Deauville. Cabourg, sa promenade et son grand hôtel font des apparitions dans des succès comme Intouchables ou la trilogie Le Cœur des Hommes.
Besson a tourné Jeanne d'Arc (1998) à Sées, Dubosc est allé au Havre, à Fécamp et à Ouistreham pour Disco (2008), la comédie Populaire (2012) avec Romain Duris et Déborah François a consacré Lisieux, et la Famille Bélier (2014) avait pris ses quartiers dans le Domfrontais. Et Orelsan et sa clique ont bourlingué dans Caen avec Comment c'est loin, en 2015.
S'inspirer des succès du grand écran, mais aussi du petit
Toutefois, aucun de ces films récents n'a généré de forts regains d'intérêt pour la région, quand le Nord a eu Bienvenue Chez les Chtis, et ses 20 millions d'entrées. Le Bassin d'Arcachon a eu Les Petits Mouchoirs et ses Campings, Marseille ses multiples Taxi. La Bretagne est une terre d'accueil régulière pour le cinéma : prenons récemment le Chant du Loup, Plancha ou Les Seigneurs. Les Vacances du Petit Nicolas et l'Oncle Charles ont promu la Vendée et Noirmoutier.
Depuis une dizaine d'années, la région PACA surfe sur les séries télévisées quotidiennes. Dans le sillage de Plus Belle La Vie (France 3) à Marseille, Un si grand soleil (France 2) s'est installé à Montpellier, Demain nous appartient (TF1) à Sète et Ici tout commence en Camargue (TF1). Ces feuilletons quotidiens sont des réussites, aussi bien en terme d'audiences, que de promotions du territoire et d'emploi. Même si le soleil n'y est pas aussi présent, la Normandie pourrait prétendre à accueillir une série du quotidien de ce type.
Du côté des séries récurrentes des principales chaînes TV, le Camping Paradis de Laurent Ournac se déroule à Martigues, Doc Martin avec Thierry Lhermitte en Bretagne, Baron Noir et HPI dans le Nord. Grand succès d'audimat, Capitaine Marleau est tourné un peu partout en France, mais après 4 saisons, aucun des 28 épisodes n'a été tourné en Normandie. Quant à Demain tout commence, remake français de la série américaine This is Us, elle est allée s'installer en Gironde.
Notre région a des talents
Clairement, la Normandie a une place à prendre dans l'univers de la création audiovisuelle en France, et tout à y gagner, comme l'a souligné Hervé Morin. La région regorge de lieux et villes iconiques, d'histoires et d'Histoire. La diversité de ses paysages est un atout formidable à faire valoir.
Sans oublier que la région foisonne de talents qui ne demandent qu'à éclore au niveau national. On peut notamment les trouver à Off Courts, à Trouville-sur-Mer début septembre en parallèle du Festival du Film américain de Deauville, ou encore au Kino Caen début mai. La Normandie doit maintenant se donner les moyens de ses ambitions. Elle a, pour sûr, des qualités à faire valoir pour attirer productions populaires et séries télé.