Les conditions climatiques et les hausses des couts de production inquiètent les producteurs de pommes de terre en Normandie. L’année 2022 fut déjà éprouvante pour ce secteur mais la campagne 2023 pourrait l’être également.
2022 : pire récolte du XXIe siècle selon l’Union Nationale des Producteurs de Pomme de Terre. Mais qu’en est-il de 2023 ? Avec un hiver peu pluvieux et les grosses chaleurs du printemps, la campagne de culture de pommes de terre a déjà dû s’adapter. Les plantations se sont étalées entre avril et mai quand habituellement les agriculteurs plantent en mars.
En ce mois de juillet, les producteurs de pommes de terre constatent un retard dans leurs récoltes et scrutent le ciel pour que leurs plantes bénéficient de pluies tant attendues.
Si l’été est pluvieux, les petites pommes de terre vont grossir et il y aura un impact bénéfique sur le rendement. Par contre s’il venait à faire sec, ces pommes de terre-là vont devenir des gourmands et pomper les nutriments et l’eau qui ne seront plus disponibles pour les plus grosses.
Jean-Baptiste Lecarpentier, co-gérant de l'exploitation agricole de Gueutteville (Seine-Maritime)
La Seine-Maritime, département le plus impacté en Normandie
C’est dans le 76 que se trouvent les plus grandes surfaces de production de pommes de terre en Normandie. La grande majorité de leur production est destinée à l’export.
"L’implantation a été difficile en raison des précipitations printanières. Il y a eu un déficit pluviométrique au cours de l’hiver et des précipitations tardives à la fin de l’hiver et au début du printemps. Les producteurs du pays de Caux ont principalement été impactés car les conditions de ressuyage de sols ne sont pas évidentes en raison de la nature de leurs terres", explique Valérie Patoux de la Chambre d'Agriculture de Normandie.
Retour de flamme pour les consommateurs
Actuellement, nous consommons les pommes de terre récoltées en 2022. Si les prix sont élevés, c’est parce que l’offre est moins importante : "Si on remonte à l’été 2022, notre production avait baissé entre 30 et 40% ", ajoute Baptiste Lecarpentier.
L’augmentation des prix de l’énergie (électricité, carburant…) liée à la guerre en Ukraine explique également la hausse du prix du kilo de pommes de terre. Toutefois, cet agriculteur fait un effort pour les consommateurs locaux : "en vente direct on est à moins d’un euro le kilo. On estime que la pomme de terre doit rester un produit de base dans l’alimentation et le prix doit être acceptable".
L’approche est plus nuancée pour Valérie Patoux : "Si le coût de l’énergie ne diminue pas de manière significative, on va vers une augmentation des prix de vente. C’est une culture qui coûte cher avec beaucoup d’interventions humaines. Le coût du stockage est également élevé".
Avec le réchauffement climatique, les agriculteurs s’attendent à des précipitations exceptionnelles (des pluies très abondantes sur une très courte durée) qui ne sont pas favorables à la culture de pomme de terre, un légume déjà fragilisé les températures élevées. "On craint les épisodes secs qui durent. Zéro millimètre de pluie pendant 8 semaines, c’est quelque chose qu’on ne voyait pas avant. Même si on a des orages, il y a des secteurs de la Normandie qui ne reçoivent aucune goutte de pluie", précise Valérie Patoux.
Vers des patates plus résistantes?
Des études sont actuellement en cours pour mettre en valeur des variétés de pommes de terre plus résistantes à la sécheresse. "On essaye de renouveler la gamme de variété pour que la végétation tienne bien malgré la chaleur. Mais on est qu’au démarrage, la sélection met plus de 10 ans avant d’obtenir des résultats. Or, il y a 10 ans on travaillait moins sur cet aspect, on travaillait plus sur les maladies qui pouvaient toucher les pommes de terre." C’est l’un des seuls leviers disponible au secteur. La problématique de l’irrigation des sols est également à l’étude : "c’est plus compliqué de travailler la dessus car la ressource est fragile et le cout élevé", conclut la spécialiste.
Certains agriculteurs ont choisi de planter des variétés précoces afin d’être moins dépendant des conditions climatiques mais ces produits-là sont destinés à la vente directe ou aux GMS (grands et moyens supermarchés). Pour le marché industriel, les calibres doivent être plus gros avec une pomme de terre à la chair ferme pour notamment la production de frites. Il s’agit donc de variétés tardives qui seront, elles, récoltées à l’automne. Si l'été 2023 est aussi sec que son prédécesseur, les stocks ne sont pas au rendez-vous.
Pour le prix de nos pommes de terre cet hiver, il faudra aussi scruter la production chez nos voisins européens (Belgique, Allemagne, Pays-Bas …) dont les pommes de terre sont importées en France.