Héritier de 7 générations d'ivoiriers dieppois, l'atelier Colette était menacé de disparition, victime d'un décret interdisant tout travail et vente d'objet en ivoire
A Dieppe, l'activité du travail de l'ivoire remonte au XVIe siècle. Dernière de cinq générations d'ivoiriers dieppois, Annick Colette-Frémond avait annoncé ces dernières semaines qu'elle était contrainte de cesser son activité et de fermer son atelier.
Alors qu'elle avait commencé à faire ses cartons, elle a reçu lundi dernier (6 novembre 2017) la visite surprise et spéciale de Nicolas Langlois, maire de Dieppe accompagné de Sébastien Jumel, député de Seine-Maritime et d'Isabelle Abraham, présidente de l'association "Terres et mers d'ivoire". But de cette visite : annoncer à Annick Colette que la ville de Dieppe ne va pas abandonner ses ivoiriers.
Mobilisation populaire le 18 novembre à la foire aux harengs
Dans un communiqué publié le lendemain, la ville de Dieppe précise qu'avec l'association patrimoniale Terres et mers d’ivoire, elle a décidé de "construire un partenariat inédit pour que le local soit sauvegardé afin de permettre une connaissance historique documentée de l’activité des ivoiriers (ils ont été jusqu’à 45 à Dieppe) faisant travailler des centaines de personnes".Toujours selon ce communiqué, la ville de Dieppe souhaite qu'Annick Colette puisse "continuer à exercer à des fins de restauration d’objets, toujours légale, et de démonstration auprès du grand public en lien étroit avec les collections du Musée de Dieppe dont la collection d’ivoires, la plus importante en France avec 1 600 sculptures, qui donnent lieu à des échanges réguliers avec des musées prestigieux comme Le Louvre ou le musée Guimet encore récemment en 2012.
Une souscription populaire sera lancée le 18 novembre lors de la Foire aux harengs et à la coquille à l’occasion d’une démonstration de sculpture d’Annick Colette, sur de l’ivoire de Mammouth. Elle officiera sur le stand de la Ville de Dieppe à partir de 16 heures".
Sur le terrain légistlatif
De son côté, le député Sébastien Jumel (et ancien maire de Dieppe) va défendre, à l'Assemblée nationale, le dossier des cinq ivoiriers français, dont deux sont à Dieppe : Annick Colette et Philippe Ragault. Le décret d'août 2016 qui "interdit tout travail et vente d'objet en ivoire, même sur stock ancien à la traçabilité garantie" signifie non seulement l'arrêt brutal de l'activité des ivoiriers, mais en plus ne prévoit aucune mesure d'accompagnement et/ ou de compensation, voire de reconversion ou de mutation professionnelle des ivoiriers.Pour les élus de Dieppe il s'agit donc de continuer le combat "afin d’obtenir la réécriture du décret du 16 août 2016. Sébastien Jumel, député et qui avait lancé la mobilisation comme maire de Dieppe témoigne de son attachement à ce patrimoine immatériel constitutif de l’identité, de l’essence même de Dieppe. Il a déposé symboliquement sa première question écrite à l’Assemblée sur ce sujet et compte prendre une initiative nouvelle en séance pour obtenir enfin une réponse du Gouvernement, car, précise Sébastien Jumel, "Chacun sait que l’ivoire travaillé ici vient d’un stock identifié et que le travail n’est pas incompatible avec la répression du braconnage odieux et du trafic dont 90 % sont organisés vers filières d’Asie."
D'autres professions, concernées par ce décret (comme les couteliers, les restaurateurs de pianos et les ….commissaires-priseurs) sont à l'origine de précédentes modifications de ce décret. Reste donc à faire entendre la voix des ivoiriers et celle de l'histoire de Dieppe.
VIDEO : Annick Colette au travail dans son atelier en 2015