"On se demande qui sera le prochain." Incendies en série de bâtiments agricoles, près de Dieppe : que se passe-t-il ?

Depuis août 2023, au moins sept hangars qui servaient à stocker des récoltes et du matériel agricole ont été détruits par les flammes dans un périmètre de 10 kilomètres autour de Bacqueville-en-Caux en Seine-Maritime. Des incendies répétés qui inquiètent les agriculteurs.

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Même si le travail a déjà repris pour Jean-Baptiste et Eline Blondel, éleveurs à Saint-Mards en Seine-Maritime, le traumatisme de l'incendie se ressent dans leurs mots.

Tout est parti en fumée

"Jeudi soir, vers 21 heures, en allant se coucher, le fils de ma femme a vu une lueur orangée par une porte vitrée de la maison, explique Jean-Baptiste Blondel. En avançant de quelques pas, il a vu le bâtiment dans lequel nous stockons la paille en feu. Nous étions rentrés chez nous depuis à peine une demi-heure. Nous n'avons rien vu ni rien entendu de suspect."

Pour ce couple d'éleveurs bovins et ovins, installé depuis 2017, c'est toute la récole de paille qui est partie en fumée. "La paille sert de litière aux animaux mais c'est aussi un élément très important dans leur alimentation, précise Jean-Baptiste Blondel. La solidarité du monde agricole va fonctionner. Je devrais trouver des solutions de secours."

Dès le lendemain, l'expert de l'assurance se rendait sur l'exploitation. La plainte a été déposée ce lundi 14 octobre. "Au niveau administratif, ça réagit vite. Les assurances vont jouer leur rôle", estime Jean-Baptiste Blondel. Mais quand on l'interroge sur son état d'esprit, pudiquement, il répond : "Ce n'est pas évident."

Entre la surcharge de travail engendré par cet incendie, l'appréhension de l'hiver et des stocks de nourriture perdus pour le bétail, il est préoccupé. "On a peur que ça recommence même s'il n'y a plus rien à brûler."

"Les images de l'incendie restent très choquantes"

Pour Eline, sa conjointe, "les images de l'incendie restent très choquantes. Quand la nuit revient, que la lumière change, les lueurs, c'est perturbant. Et savoir que quelqu'un rôde...."

L'éleveuse insiste : "Pour le moment, ce ne sont que des dégâts matériels. Ce que je crains beaucoup c'est un accident. Si un agriculteur se précipite pour sauver du matériel qui est en train de brûler ou que quelqu'un est blessé parce qu'un rôdeur est aperçu".

Ce que souhaite le couple aujourd'hui, ce sont des moyens humains pour que la gendarmerie puisse surveiller et arrêter rapidement le ou les auteurs de cet incendie. 

Un scénario identique

Car l'incendie qui est survenu ce jeudi 10 octobre 2024 n'est pas le premier. Depuis août 2023, au moins sept exploitations ont été victimes du même scénario. Tout s'est produit dans un périmètre de 10 km à peine autour de Bacqueville-en-Caux, près de Dieppe.

À chaque fois, c'est le même scénario. Les faits ont toujours lieu de nuit. Seules des exploitations agricoles sont touchées. À part lors du premier incendie, les bâtiments sont toujours situés à proximité d'une route. Une enquête a été confiée à la gendarmerie de Dieppe. Pour l'heure, les forces de l'ordre et le parquet de Dieppe en charge de cette affaire n'ont pas donné suite à notre demande d'informations.

Pour les maires des communes concernées, il faut désormais gérer le stress de la population. "Les agriculteurs sont excédés", nous confie Aline Morel, maire par intérim de Bacqueville-en-Caux.

Des élus démunis

Sa commune de 1 900 habitants a subi deux incendies. Le premier en octobre 2023, le deuxième en mars 2024. "Les lins et le foin sont rentrés. Là, les agriculteurs s'apprêtent à ensiler le maïs. Il y a de la peur, bien sûr. On se demande qui sera le prochain. Et on voit la peine. En tant qu'élus, nous sommes un peu démunis".

À Bacqueville-en-Caux, le feu a été filmé par un riverain dans la nuit du 8 au 9 mars 2024 et publié sur les réseaux sociaux.

Même sentiment dans le village voisin de Lammerville, 340 habitants, qui a connu également deux sinistres identiques. "Les conséquences sont multiples", assure Blandine Das, maire de Lammerville.

"D'abord les conséquences économiques pour les agriculteurs. Et puis les conséquences psychologiques : le stress, la crainte. En août 2023, le feu avait pris à proximité de deux habitations. Il y a aussi les conséquences sur l'environnement : cet été-là, le toit du bâtiment qui a brûlé contenait de l'amiante. Le site a dû être dépollué. Jeudi dernier, une chance dans notre malheur, aucune matière toxique n'a pris feu."

Mais l'événement est traumatisant pour les agriculteurs et leur famille insiste l'élue. "Il y a des enfants dans cette histoire. On a hâte que le ou les auteurs soi(en)t retrouvé(s)", conclut-elle.

Les agriculteurs s'organisent

Face à la répétition des incendies, localement, les agriculteurs s'organisent. Alexandre Dartyge est installé à Criquetot-sur-Longueville. Lui n'a pas été victime mais en tant que responsable local de la FNSEA, il a été en contact régulier avec la gendarmerie.

"Sur leurs conseils, nous avons créé des groupes sur nos téléphones portables pour être réactifs et signaler aux autres ce qui pourrait nous paraître suspect." Être vigilant entre voisins et surtout éviter que la colère ne déborde.

"Il faut rester calme, observer et remonter toutes les informations aux forces de l'ordre." Alexandre Dartyge souhaite également que son syndicat demande à la préfecture des moyens supplémentaires pour leur enquête. 

Le responsable syndical mène aussi des recherches pour acheter de manière groupée des caméras comme celles utilisées par les chasseurs pour voir s'il y a du gibier. "Ce sont des dispositifs mobiles qui prennent et stockent des photos s'il y a du passage. Selon les modèles, le prix varie entre 100 et 300 euros", détaille Alexandre Dartyge. 

La vidéosurveillance, la solution ?

Les maires estiment ne pas en avoir les moyens. Les principaux intéressés s'interrogent.

"C'est une idée comme une autre. Mais ce n'est pas si simple", indique Paul Lemarchand. Le 30 septembre 2023, l'un de ces hangars à Bacqueville-en-Caux est parti en fumée dans la nuit. "Il faut que ces caméras soient bien placées, qu'elles ne brûlent pas et surtout que l'incendiaire n'ait pas le visage dissimulé."

Un an après les faits, l'agriculteur vient tout juste de reconstruire un nouveau bâtiment. "Pour moi, ça a engendré du temps et des démarches supplémentaires. Et ce n'est toujours pas fini. Dans mon hangar, il y avait des récoltes et du matériel. Quand les engins sont anciens, c'est plus compliqué car l'assurance applique un coefficient de vétusté sur le montant des remboursements."

Paul Lemarchand a également été contraint de reconstituer ses stocks de nourriture en allant chercher auprès de différents fournisseurs la paille nécessaire à ses vaches laitières. 

Sans compter la "surcharge mentale" évoque-t-il. "Quand c'est criminel, ça continue. On se dit que ça peut recommencer du jour au lendemain. Peut-être qu'après le dernier feu de jeudi, il va faire une pause de trois ou quatre mois comme ça a déjà été le cas mais il va recommencer. J'aimerais que les gendarmes le retrouvent. Je pourrais alors porter plainte contre lui pour ce préjudice moral", conclut-il.

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