Vous les avez forcément déjà vues passer, sur les réseaux sociaux : ces propositions de jobs pour renflouer votre porte-monnaie et travailler quand vous voulez, le tout, depuis votre smartphone. Ces offres, c’est du MLM, du multi-level marketing : en français, du marketing de réseau. Nous nous sommes intéressés au phénomène.

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"Salut, je te contacte pour te proposer une opportunité incroyable". "Je suis maman au foyer et j'ai enfin le temps de m'occuper de mes deux enfants". "Tu seras coachée par une équipe incroyable avec des formations". "Tu pourras travailler de chez toi, avec des revenus fixes et évolutifs et une prime tous les jeudis." "Je gagne de l'argent même en dormant". "Maintenant, je gagne (1 000, 2 000, 25 000, 74 000, rayez la mention inutile) euros par mois !"

Les messages se ressemblent trop souvent. Remplis d'emojis, ils respirent l'enthousiasme, évoquent des opportunités "en or", une liberté financière, la possibilité de devenir son propre patron, celle de vendre des produits minceur magiques, des formations en trading, des compléments alimentaires aux effets remarquables ou même des parfums inspirés des plus grandes maisons de parfumerie. Le tout, avec des réductions exclusives et toujours, en filigrane, l'espoir de vous faire rentrer dans la société... Au long cours.

En ces temps d'inflation, alors que le phénomène prend de plus en plus d'ampleur sur tous les réseaux, de Facebook à Instagram en passant par TikTok et Snapchat, et que de nouvelles sociétés similaires émergent chaque jour, il est aisé de se laisser tenter. On fait le point sur le marketing de réseau.

Marketing de réseau : kézako ?

Le marketing de réseau (ou vente multiniveau, marketing de réseau, marketing de recommandation, etc.) émerge dans les années 1940 aux Etats-Unis, avant d'exploser une décennie plus tard avec la société Tupperware et ses célèbres contenants alimentaires révolutionnaires à l'époque.

Le principe est simple : l'entreprise se base sur une technique de marketing vieille comme le monde, le bouche à oreille, s'évitant ainsi des frais de communication et de publicité qui peuvent être réinjectés dans le développement de nouveaux produits, par exemple. Les distributeurs sont ainsi, la plupart du temps, des vendeurs à domicile indépendants (VDI), externes à la société, et s'occupent eux-mêmes d'en recruter de nouveaux tout en vendant les produits, notamment via les réseaux sociaux, en échange d'une commission.

Une technique qui n'est pas sans rappeler la vente pyramidale, ou pyramide de Ponzi. Mais si l'une est légale en France et relativement encadrée, l'autre est interdite. Alors, quelle est la différence ?

Dans un système pyramidal, c’est l’embauche, et uniquement l’embauche, de nouvelles recrues, qui permet de rémunérer les plus anciens, situés en haut de la pyramide. En l'absence de biens ou de services rémunérateurs, le système ne peut cependant pas perdurer et la pyramide finit par s'effondrer.

Dans le marketing de réseau, les distributeurs reçoivent une commission sur les ventes de biens et de services générées par leur équipe. Pour gagner de l'argent, ils ont donc tout intérêt à recruter une équipe solide, capable de vendre plus et de recruter elle-même. Ils peuvent ainsi grimper dans les échelons...

Et c'est précisément là que les limites entre la vente pyramidale et MLM peuvent paraître floues. Car, tout comme dans un système pyramidal, il existe bel et bien des paliers à franchir qui permettent d'augmenter ses revenus, selon le plan de rémunération mis en place par la société.

L'entreprise n'a pas d'intérêt à ce que ses clients soient profitables sur les marchés financiers. Elle gagne ses sous avec les gens qui payent l'abonnement mensuel. Donc pour eux, l'intérêt, c'est de nous former à faire du marketing et à recruter. Si je recrute quelqu'un, celui qui m'a recruté va lui aussi gagner des "points". Le système de recrutement en soi est pyramidal.

Trystan Diverres, étudiant et ancien VDI dans les formations en trading

à France 3 Normandie

Herbalife, It Works !, Juice Plus, Chogan, P2S Travel, Future Infinity ou encore Emrys, spécialisée dans le parrainage de bons d'achat... Aujourd'hui, il existe des dizaines d'entreprises de marketing relationnel, dont les sièges sociaux sont bien souvent basés à l'étranger. Toutes reposent sur le même principe : pour optimiser ses revenus, il faut recruter... Le plus possible. Toutes, en revanche, n'appliquent pas les mêmes méthodes et certaines se veulent plus éthiques vis-à-vis de leurs distributeurs.

"100 à 200 euros par mois, c'est atteignable"

En 5 ans, Sami Ben Rhouma, aujourd'hui à la tête de trois entreprises dont une de conseil en ingénierie, a tenté sa chance dans 4 de ces sociétés de marketing de réseau. Il a vendu du café, des balises GPS ou des formations en trading. Avec plus ou moins de succès mais, toujours, une grande volonté. Aujourd'hui, il revient sur son expérience avec plus de recul, ne regrette rien et dit avoir appris beaucoup, et notamment avoir développé sa fibre entrepreneuriale.

"Je n'ai pas réussi à vendre tous mes produits, la preuve il m'en reste encore", s'amuse Sami en nous montrant quelques paquets de café au reishi, une plante japonaise aux vertus anti-cancérigènes. "Pour réussir dans ce business, il faut savoir être coachable, autrement dit, écouter ce que les gens qui ont réussi avant vous vous enseignent. Si vous ne suivez pas leurs méthodes, vous ne risquez pas de réussir. Clairement, quand j'ai démarré, je n'étais pas une personne coachable. Je n'ai pas gagné d'argent dans ce business mais j'ai appris autrement."

"On a fait beaucoup de développement personnel, lu beaucoup de livres - Père riche, père pauvre de Robert Kiyosaki, L'entreprise du 21e siècle... - c'est vrai que ça forge un esprit d'entrepreneur et une éducation financière beaucoup plus développée. Pour ça, le MLM est un bon moyen."

Écoutez le témoignage de Sami Ben Rhouma par M. Queïnnec, E. Partouche, L. Frot et J. Matz :

durée de la vidéo : 00h02mn27s
Marketing de réseau : Sami Ben Rhouma ne regrette pas son expérience. ©France 3 Normandie

Sami Ben Rhouma est convaincu que le marketing de réseau peut constituer un tremplin. Certains, parmi ses connaissances, ont d'ailleurs "percé" dans ce secteur et gagné beaucoup d'argent. Reste à s'impliquer... Et pas qu'un peu. "Ça peut sembler dur de gagner de l'argent dans ce secteur, parce que dès le départ, certaines personnes vont mal vous présenter l'opportunité et vous faire miroiter des choses", relève-t-il. "100 à 200 euros par mois, c'est atteignable. 1 000, 2 000, 4 000... Ça peut arriver, mais ce qu'on ne vous dit pas, c'est qu'il faut mettre 13 ou 14 heures par jour dans le business", analyse-t-il.

"La plupart des gens veulent faire un complément de revenus. Ils travaillent à côté et vont consacrer 2 heures par jour à leur activité et encore. Quand vous consacrez aussi peu de temps à un business, vous ne pouvez pas réussir. C'est comme pour la salle de sport : plus vous allez consacrer de temps dans une activité, plus ça va marcher, moins vous allez y consacrer du temps, moins vous allez gagner. Je ne vais pas mentir, je devais y passer 30 minutes à une heure par jour, c'est pour ça que ça n'a pas marché."

"Plus les stocks s'accumulent, plus on se décourage"

Mais au-delà du temps, il y a la méfiance des proches. "Le marketing de réseau est énormément dénigré parce qu'on le compare à la vente pyramidale. Comme ça peut paraître sectaire et qu'il y a de l'argent en jeu parce qu'il faut un investissement de départ pour intégrer l'entreprise, les gens sont souvent réticents à investir", souligne Sami.

Et sans recruter une équipe, ne reste que la possibilité de faire une marge - légère - sur la vente de ses produits. "Souvent, dans le MLM, vous êtes obligé de recommander mensuellement des produits, sinon votre abonnement n'est plus actif et vous ne touchez plus de rémunération [toutes les entreprises n'imposent pas d'investissement de départ, ndlr]. Quand on n'arrive pas à les revendre, qu'on fait des stocks chez soi, c'est là qu'on commence à perdre de l'argent. Et plus on voit les stocks s'accumuler, plus on se décourage"... Jusqu'à perdre pied.

Les gens se découragent très vite parce que c'est compliqué aussi d'être confronté à des refus voire des moqueries. ça m'est arrivé que des gens rigolent, qu'ils me disent "tu crois que tu vas devenir millionnaire en vendant du café?" Bon, ils avaient raison mais au début quand on vous dit ça, ça fait drôle. Il faut savoir rebondir assez rapidement.

Sami Ben Rhouma

à France 3 Normandie

La force du marketing de réseau, c'est donc tout simplement... Le réseau. C'est même sa raison d'être, et le seul véritable moyen de se dégager un salaire. "Quand vous achetez un pack de produits à la société, la personne qui vous a recruté va toucher un pourcentage."

"Le produit est un peu secondaire. Il permet juste de faire un retour sur investissement. Quand tu vas payer par exemple 500 euros ton pack de produit, tu vas pouvoir le revendre 700, 800 euros en faisant une marge, ou au même prix, peu importe. Le but c'est vraiment que les personnes puissent intégrer la société, pour que vous puissiez créer un réseau et vendre plus ensemble... Et être rémunéré en conséquence."

Un nouveau certificat pour encourager les bonnes pratiques

Là où certaines sociétés de MLM peuvent sembler agressives dans leurs techniques de marketing, voire entretenir des pratiques sectaires - et c'est là où le bât blesse - d'autres se battent pour rendre les méthodes de leurs distributeurs plus éthiques, et ainsi lutter contre les arnaques.

C'est le cas de Jolimoi. L'entreprise française de vente de cosmétiques, fondée il y a 7 ans, a repensé les méthodes du marketing de réseau pour lutter, entre autres, contre les fausses promesses. De cette remise en question des méthodes pratiquées par certains VDI est née une collaboration avec l'ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité) et un "certificat de social selling responsable" (certificat de la vente sociale responsable)... Lancé ce jeudi 4 juillet 2024, sur le site de l'ARPP.

On travaille sur un écosystème entrepreneurial sain pour mettre en oeuvre de bonnes pratiques et une charte que l'on fait signer à nos indépendants, pour qu'ils exercent intelligemment. 

Isabelle Rabier, CEO de Jolimoi

à France 3 Normandie

"Le fait que les commissions soient variables n'est pas répréhensible. Ce qui l'est, c'est de promettre des revenus qui ne sont pas réels, et d'imposer aux vendeurs de payer certaines choses pour toucher des commissions, comme des conditions de dépenses mensuelles (restock)", détaille Isabelle Rabier, CEO de Jolimoi. "Depuis la création de Jolimoi, on a tout construit pour développer un business model qui n'entretient pas ce genre de dérive et qui forme et accompagne nos 10 000 distributeurs."

Ce certificat est délivré aux VDI à l'issue d'une formation en ligne, leur permettant de maîtriser "les règles élémentaires en faveur d’une communication et d’une vente légales, loyales et éthiques", précise le communiqué de l'ARPP - en clair, exercer sa profession avec déontologie et en maîtrisant les conditions inhérentes à la vente d'un produit, quel qu'il soit (délai de rétractation, protection des données, lutte contre le greenwashing...).

L'objectif final étant, alors que le MLM poursuit son ascension en France, de professionnaliser le secteur et d'en combattre les dérives. "Nous pensons que le social selling constitue une alternative au retail traditionnel et pour que cette nouvelle économie continue à se développer, il devient indispensable de l'encadrer", assure Isabelle Rabier. "Notre ambition, c'est que l'ensemble de l'industrie soit certifiée. Nos managers le feront et nous encouragerons nos distributeurs à le faire, c'est indispensable pour montrer l'exemple."

Faut-il tenter l'expérience ?

Alors, le MLM, faut-il tenter ou pas ? Parler d'escroquerie serait un raccourci. Selon la Fédération de la vente directe, ce marché génère un chiffre d’affaires de 4,35 milliards d'euros par an en France. Mais il est important de garder les yeux bien ouverts, d'analyser le rapport bénéfice / risque, loin d'être négligeable, et de se poser les bonnes questions avant de rejoindre une entreprise de MLM, quelle qu'elle soit.

Sami Ben Rhouma retient de son expérience qu'il est important "de se renseigner sur la personne qui nous présente l'opportunité. Est-elle fiable ? A-t-elle réussi des choses dans sa vie ou pense-t-elle uniquement avoir trouvé le meilleur moyen de devenir riche ? Est-elle honnête sur les gains potentiels ou vous fait-elle miroiter que vous pouvez devenir millionnaire ?"

"Une personne qui tombe sur un message Insta ou Facebook d'un inconnu qui lui propose une opportunité de business... Je lui conseillerais de ne pas intégrer la société. Ce sont souvent des proches qui nous font nous lancer dans le MLM, des gens en qui l'on a confiance. Si, dès le départ, il n'y a pas de confiance, ce sera rare de réussir", estime-t-il.

Au départ, on est censé parrainer ses proches. Si l'on n'y arrive pas et qu'on s'oriente vers des inconnus, c'est souvent qu'il y a un problème. Et ce n'est pas bon signe.

Sami Ben Rhouma

à France 3 Normandie

"Ensuite, il faut se renseigner sur la société. Est-elle sur une phase ascendante, stagne-t-elle, une phase descendante ? Une société de MLM dure en général quelques années dans la phase ascendante, celle où peu de gens l'ont déjà intégrée et où il est facile de grimper les échelons. Au-delà, tout le monde la connaît et personne ne voudra l'intégrer. Après, il y a le produit : s'il parle à tout le monde, qu'il répond à un besoin, qu'il apporte de nouvelles choses, peut-être que ça peut fonctionner."

"Enfin", conclut l'entrepreneur, "il faut réfléchir à soi-même. Se croit-on capable nous-même de pouvoir consacrer autant de temps à cette opportunité ? D'être confronté à la perte de certains proches, les rires, les moqueries ? Certaines personnes ne pourront pas se remettre de ça ou n'auront pas assez de temps à consacrer à leur activité de VDI, laisseront tout tomber et perdront leur investissement de départ."

À lire aussi : Un père et son fils, "les rois de l'enfumage", condamnés pour une escroquerie au Bitcoin basée sur la fraude de Ponzi

Bref, il faut avoir du temps (beaucoup) et une (très) bonne fibre commerciale pour réussir. Et en cas de doute sur le plan de rémunération d'une entreprise ou certaines pratiques qui vous questionnent, vous pouvez consulter le guide de prévention contre les arnaques mis en place par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Vous y trouverez quelques clés pour détecter un schéma MLM frauduleux.

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