C'est une journée particulière pour les salariés de la papeterie Chapelle Darblay, et pour tous ceux qui les soutiennent. Le plan social de l'entreprise est présenté ce lundi 15 juin devant les élus du Comité Social et Economique. A la clé, le licenciement des 228 salariés.
L'histoire de la papeterie Chapelle Darblay à Grand-Couronne s'inscrit dans l'histoire industrielle de la Région, et dans les esprits de tous. La plupart d'entre nous gardons en mémoire des images de manifestations des "Pap Chap" et des dizaines de bobines de papiers déroulées dans les rues de Rouen, notamment dans les années 1980. Les salariés avaient alors occupé leur entreprise pendant trois mois pour éviter sa fermeture.
En 90 ans d'existence, il y eut de nombreux combats à mener pour conserver les emplois et le savoir faire de l'entreprise. Jusqu'à l'annonce en septembre 2019 de son actuel propriétaire le finlandais UPM de sa volonté de se séparer du site normand.
UPM Paper est le premier producteur mondial de papiers graphiques. Le groupe gère 15 papeteries, et celle de Grand-Couronne peut s'enorgueillir d'être la seule usine en France à fabriquer du papier 100% recyclé.
Dotée d'une station d'épuration et d'une chaudière biomasse capable de chauffer une ville de 20 000 habitants, la papeterie recyclait encore 350 000 tonnes de papiers en 2019.
Depuis l'annonce de sa vente, Chapelle Darblay n'a pas encore trouvé de repreneur, même si le belge VPK Packaging s'est un temps intéressé à l'entreprise avant de reculer face à la crise du Covid-19. Le groupe belge qui a déjà repris le site UPM de Strasbourg, resterait cependant intéressé par le site rouennais selon les syndicats de l'entreprise.
Un modèle d'économie circulaire
La papeterie rouennaise est la dernière en France à produire du papier entièrement recyclé. A l'heure où l'écologie et l'économie circulaire sont portées aux nues, il est difficile d'imaginer la fermeture d'une usine exemplaire comme celle de la Chapelle Darblay, acteur majeur dans le recyclage en France.
Un certain nombre d'entreprises de la région vont également être affectées par cette fermeture.
Le centre de tri de l'agglomération rouennaise, le smedar, qui recycle les déchets papiers et les achemine à la Chapelle Darblay pour leur traitement, est déstabilisée par la situation. Depuis l'annonce de la fermeture du site rouennais, il a fallu trouver un autre débouché au papier recyclé. Un repreneur a été trouvé dans les Vosges, à plusieurs centaines de kilomètres. On est loin de la vertueuse économie circulaire.
Des élus à la rescousse
Peut-on sauver la Chapelle Darblay ? Une cinquantaine d'élus normands de gauche et une vingtaine d'élus de LREM ont écrit au premier ministre Edouard Philippe et au ministre de l'économie Bruno Lemaire pour leur demander leur soutien dans la recherche d'un repreneur. Tous deux longtemps élus locaux en Normandie, ils connaissent bien l'entreprise, véritable fleuron de l'industrie du papier en France, doté d'un outil de production très performant qu'il conviendrait de ne pas gâcher.
On parle beaucoup d'écologie et d'économie circulaire. il se trouve qu'il y a un projet alternatif porté par les salariés eux-mêmes qui doit pouvoir être entendu par les pouvoirs publics. On injecte beaucoup d'argent dans certaines filières. Cet argent serait très bien utilisé à la Chapelle Darblay.
Christophe Bouillon, député socialiste de Seine-Maritime
En attendant cette éventualité, les salariés ont demandé que le site reste en l'état jusqu'à 2021 pour laisser le temps à un repreneur de se manifester.