250 personnes devant le rectorat de Rouen, 500 devant celui de Caen, la réforme du lycée professionnel voulue par Emmanuel Macron rassemble contre elle professeurs et étudiants. La plupart des syndicats d'enseignants demande son retrait pur et simple.
" Cette réforme a été annoncée en septembre sans aucune concertation avec les gens du terrain, pour une application dès septembre 2023...avec une augmentation des stages des élèves dans les entreprises. Ils ont déjà actuellement 22 semaines de stages sur les 3 ans de formation, stages qui passeront à 33 semaines. Qui dit augmentation des stages dit diminution des autres matières " s'agace Muriel Billaux, enseignante de lettres et d'anglais dans un lycée professionnel d'Yvetot (76), et adhérente au SNUEP FSU, le syndicat de l'enseignement professionnel public.
Augmenter le temps de stage et baisser l'enseignement général, l'idée ne passe pas auprès des professeurs des lycées professionnels. Des matières qui avaient déjà diminué avec la précédente réforme, et qui pourraient pour certaines d'entre elles, disparaître tout simplement de l'enseignement. " Nous, on est quand même là pour former des citoyens, des citoyens qui vont devenir des professionnels mais des citoyens avant tout", estime Arnaud Roquier, professeur de lettres et d'histoire au lycée Victor Lépine, à Caen, " Tout ce côté élève-citoyen, on a l’impression de le perdre. Le passage au bac pro trois ans a été une catastrophe à ce niveau-là. On a perdu énormément de temps d’enseignement, de temps de formation du citoyen."
Des difficultés "énormes" pour trouver des stages
Pour nombre d'enseignants, cette augmentation de la part des stages dans l'emploi du temps des élèves apparaît non seulement préjudiciable mais aussi difficile à mettre en œuvre. " On aimerait aussi plus de considération pour les élèves qui sont en inclusion, pour qui on a parfois du mal à trouver des stages. Les employeurs n'ont pas toujours le temps de s’occuper de ces élèves à la hauteur de leurs besoins. On a beaucoup d’élèves allophones (ndlr : dont la langue maternelle est une langue étrangère), beaucoup d’élèves qui ont des difficultés énormes pour trouver des stages. Donc augmenter le temps de stage nous paraît vraiment impossible."
A cela s'ajoute des formations qui seront décidées en fonction du bassin d'emploi local, ce qui assignera les élèves à résidence dans des formations proposées en fonction des entreprises. " Ce sont les entreprises et leur besoin de main d'oeuvre qui décideront de l'ouverture de formations dans les établissements" poursuit Muriel Billaux. "Les élèves ne vont plus avoir une force de travail qu’ils pourront exploiter dans toute la France, ce sera vraiment localisé en fonction des besoins", souligne Arnaud Roquier, " Ça peut être une bonne chose mais il ne faut pas oublier que nos élèves sont jeunes, ils sont aussi amenés à bouger."
Ils étaient environ 250 professeurs devant le Rectorat de Rouen ce matin, 500 à Caen, pour dénoncer cette réforme lancée par Emmanuel Macron pendant sa campagne. Le président souhaitait alors disait-il, " ré-arrimer très en profondeur et en amont le lycée professionnel avec le monde du travail".
600 000 lycéens concernés par la réforme
La plupart des syndicats d'enseignants de lycées professionnels -Sneeta-FO, le Snuep-FSU, le SE-Unsa, la CGT Educ'action, le Snalc, SUD Éducation, le Snep-FSU, le Snes-FSU- ont appelé à cette journée de grève pour demander le retrait de la réforme, entrainant ce jour la fermeture de nombreux établissements. L'enseignement professionnel a déjà subi trois réformes, dont la dernière qui date de 2018.
Cette nouvelle réforme concerne en France 600 000 lycéens, un parcours emprunté par un tiers des élèves. Dans ce projet, il est aussi question de proposer et d'orienter les jeunes plus tôt vers ces formations professionnalisantes. Ceux qui soutiennent cette réforme y voit surtout l'opportunité de mettre en valeur des formations plus en phase avec l'innovation et le marché de l'emploi (filières de rénovation thermique ou de la mobilité, métiers de l'hydrogène et de la chaudronnerie). La réforme prévoit aussi de mettre à contribution des professeurs associés, issus du milieu professionnel.