Un terminal méthanier dans le port du Havre, pour importer du gaz en remplacement de celui provenant de Russie, est-il dangereux pour l'environnement et la sécurité des riverains ? La question est posée, notamment par cinq associations environnementales qui s'opposent à ce projet.
Le Havre a été choisi comme seul site en France pour l'implantation d'un terminal méthanier. Ce terminal est en réalité une "FSRU" (floating storage and regasification unit) soit en français une unité flottante de stockage et de regazification. Un navire qui est en mesure de recevoir le gaz liquifié amené par un méthanier, de le remettre à l'état gazeux et de l'envoyer ensuite à terre vers le réseau de distribution de gaz.
Le 29 juillet 2022, la préfecture de la Seine-Maritime confirmait le choix du Havre et précisait que le terminal flottant "serait amarré au quai de Bougainville Sud, en continuité avec l’actuel terminal roulier d’Haropa-port du Havre" et que ce choix de site correspondait à "une sélection parmi trois implantations possibles identifiées avec le concours d’Haropa, à l’issue d’une évaluation des impacts du projet sur les plans environnemental, sociétal et en termes de risques technologiques. Bougainville Sud est le site pour lequel ces impacts sont les plus faibles."
Un choix critiqué par les écologistes
Le 30 septembre 2022, cinq associations environnementales (regroupées au sein de France Nature Environnement Normandie) exprimaient dans un communiqué commun leur opposition à ce projet de terminal méthanier dans le port du Havre.
Parmi les raisons de cette opposition, ces associations contestent l'arrivée de gaz de schiste : "Ces gaz obtenus au prix de destructions des sous-sols, de pollutions incontrôlées, principalement des Etats-Unis, que la France a refusé d’exploiter sur son propre sol. Son exploitation américaine cause des dégâts environnementaux majeurs et a contribué à la destruction massive d’écosystèmes américains".
Les associations dénoncent par ailleurs les conditions dans lesquelles les installations havraises vont se faire :"le chantier dérogera à la séquence « Eviter, Réduire, Compenser », pierre angulaire du respect de l’environnement en France. Sous prétexte de gagner du temps, le gouvernement évite sciemment d’évaluer les conséquences écologiques que causerait la mise en place d’un tel chantier."
Autre inquiétude, celle de la sécurité et des risques d'incidents : "un terminal méthanier n’est pas une infrastructure simple à évacuer, et via l’écluse François 1er, le temps d’évacuation pose un certain nombre de questionnements quant à la sécurité. La proximité avec des sites SEVESO (CIM, Akion, SHSMPP) en ajoute, et non des moindres, au niveau du risque industriel."
Le 30 septembre 2022, des militants, réunis au sein d'un collectif, ont organisé au Havre une réunion en présence de Sandrine Rousseau et lancé une pétition pour réclamer l'abandon du projet de terminal.
"Si on met un terminal méthanier au milieu d'un port qui lui-même contient des zones SEVESO, on fait potentiellement une situation explosive."
Sandrine Rousseau, députée NUPES-EELVLe Havre, le 30 septembre 2022
Critiques aussi des élus locaux
François Auber, maire de Saint-Jouin-Bruneval (où se trouve le port pétrolier d'Antifer) avait, fin mars, dès l'annonce du projet, émis des critiques : "le GNL importé ne provient pas toujours de pays plus stables ou remarquables sur les droits de l'homme que la Russie. LE GNL américain est à base de gaz de schiste, ce n'est pas terrible d'un point de vue environnemental. En plus les installations mobiles ne sont pas soumises aux mêmes obligations de sécurité que les sites fixes. Il faudra être vigilant. Enfin, sur l'aspect juridique comment se fait-il que Total soit déjà sur les rangs, sans mise en concurrence ?"
Le 12 juillet 2022, dans le cadre de la loi sur le pouvoir d'achat qui évoquait la mise en place de ce terminal, Jean-Paul Lecoq, député NUPES-PCF de la 8e circonscription de la Seine-Maritime était allé en commission des affaires économiques, pour, lors du débat sur cette question d'importation de gaz, donner son point de vue sur les conditions d'installation et d'exploitation d'un tel site industriel flottant :
"Le futur terminal méthanier du Havre va être construit en dérogeant à tous les principes de respect du dialogue public, des règles environnementale, et en dépit de la dangerosité du projet ! Si ce terminal était construit sur le quai, on ferait des périmètres SEVESO, on appliquerait la loi des PPRT etc…Or, on n'applique pas tout ça ! On ne parle que de la réglementation liée au transport de matières dangereuses. Donc, moi je dis attention : on ne peut pas faire comme si ce n'était que du transport !"
Selon la préfecture de la Seine-Maritime les premiers travaux d’aménagement du quai et de construction de la canalisation de raccordement, conduits respectivement par TotalEnergies et GRTgaz, devraient démarrer à l’automne 2022, "si les autorisations administratives nécessaires sont obtenues à cette échéance."
La mise en service de ce terminal est prévue pour septembre 2023.