Cocaïne sur les docks du Havre : l'intermédiaire et le commanditaire présumés nient toute implication

Le procès du trafic de cocaïne sur le port du Havre se poursuit. 6 accusés sont actuellement jugés devant la cour d'assises de Douai (Nord) du 1er au 16 février 2023. La justice leur reproche d'avoir fait transiter plus d'une tonne de cocaïne sur le port du Havre (Seine-Maritime) en 2017. L'intermédiaire et le commanditaire présumés nient toute implication.

Ils nient tout, n'ont rien fait : Louis Bellahcène et Dione Mendy, l'intermédiaire et le commanditaire présumés d'un trafic de cocaïne au port du Havre démantelé en 2017, ont campé sur leurs positions mardi 7 février 2023 devant les assises, à Doua. Ils nient toute implication.

"On dit que vous êtes le 'roi du port' ", lance à Louis Bellahcène le président de la cour d'assises spéciale qui le juge avec cinq complices présumés. "Des ragots", écarte l'homme de 56 ans, ex-gérant d'une entreprise de tuyauterie, en invalidité. Les bras croisés, il dit n'avoir "approché aucun docker" pour le trafic international de stupéfiants, en provenance d'Amérique du Sud, dans lequel il est accusé d'avoir joué les intermédiaires entre malfrats et employés du port.

La police avait démantelé le réseau en 2017, notamment grâce à des écoutes. À la clé, la saisie d'1,3 tonne de cocaïne et de 445 kilos de résine de cannabis sur plusieurs bateaux. Des extraits de ces écoutes, où le "roi du port" est cité, sont diffusés. "Tout le monde parle de moi, même quand je suis à l'étranger ou à l'hôpital", peste M. Bellahcène. 

"Tous les dockers ne sont pas des trafiquants"

L'avocat général s'étonne : dans le quartier havrais des neiges, fief des dockers, "vous dites 'tout le monde me connait et je connais les dockers' ? Sommes-nous d'accord que tous les dockers ne sont pas des trafiquants ?"

"Tous les dockers ne sont pas des trafiquants", acquiesce l'accusé. Mais il peine à justifier son train de vie : nombreux véhicules, vêtements de marque, biens immobiliers ou achats en espèces. "J'aimais bien les espèces, c'était des petites bricoles. J'avais des économies", affirme-t-il, sans s'expliquer sur leur provenance. Sa pension d'invalidité lui "suffisait". L'avocat général s'étonne de son absence de précisions, lui rappelle qu'il encourt jusqu'à 30 ans de réclusion.

Après une saisie de 600 kg de cocaïne, l'accusé avait été séquestré en mai 2017 et libéré en échange d'une forte somme d'argent, une agression pour laquelle il n'a pas porté plainte. Soupçonné d'être le "John" cité dans les écoutes comme celui à qui la drogue était destinée, Dione Mendy, 47 ans, jure à son tour devant la cour n'avoir "rien à voir" avec l'affaire. "Je n'ai jamais importé, vendu ou participé de quelconque manière que ce soit au moindre trafic de cocaïne, jamais", lance cet ex-scaphandrier et videur de discothèque devenu patron d'une entreprise de BTP.

L'avocat général lui indique avoir "une bonne dizaine de raisons" laissant penser le contraire. En récidive, il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. "J'ai bénéficié d'un traitement de défaveur, c'est une farce", "depuis le début, on fait des amalgames me concernant. Peut-être que le nom Mendy faisait vendeur, avec la couleur qui va avec", objecte ce Français né à Dakar.

Trois de leurs complices présumés, ceux qui ont fait l'objet d'écoutes, ont reconnu avoir participé au trafic, mais contesté tout rôle de leader par la voix de leurs avocates. Absent à l'ouverture du procès, le sixième accusé, soupçonné de s'être ponctuellement allié à l'équipe, est jugé par défaut. Le verdict est attendu vendredi.

Huit personnes, dont des personnels portuaires, ont déjà été condamnées en correctionnelle et trois relaxées dans ce dossier.

Rappel des faits : plus d'une tonne de cocaïne saisie en 2017

L'enquête débute en janvier 2017, lorsqu'une "source enregistrée" informe la police d'un vaste trafic de cocaïne venue d'Amérique du Sud. Une information judiciaire est ouverte, permettant des géolocalisations, des surveillances, puis l'installation de micros dans les logements de l'équipe ciblée.

Se croyant seuls, les suspects racontent tout de leurs activités criminelles, modes opératoires, complices et opérations à venir. 

Ils détaillent ainsi comment la cocaïne, stockée dans des sacs de quelques dizaines de kilos et placée dans des conteneurs contenant des marchandises légales, est récupérée à l'arrivée des cargos grâce à des dockers corrompus. Elle peut ensuite être transférée dans un conteneur vide sorti du port à l'aide de faux documents, confiée à un chauffeur routier en direction d'un entrepôt, ou encore chargée dans de plus petits véhicules.

Prix du kilo: entre 2.500 et 4.000 euros. Les employés portuaires haut placés, qui "recrutent", peuvent toucher jusqu'à 150.000 euros, les chauffeurs de "cavaliers" (chariots soulevant les conteneur), 50.000.

L'équipe organise aussi le "troc" direct de cocaïne contre du cannabis à destination de la Martinique, où il se négocie à prix d'or. À partir des seules conversations, 1,3 tonne de cocaïne et 445 kg de résine de cannabis seront saisis sur plusieurs bateaux. 

Un docker mis en examen, Allan Affagard, a été retrouvé mort en juin 2020 après un enlèvement à son domicile. L'instruction est toujours en cours.

Avec AFP

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