Corentin, patron d'un bar-concert en centre-ville, raconte comment la fermeture de son établissement à l'arrivée du Coronavirus a plombé son quotidien et assombri son avenir
Après le témoignage d'un pharmacien, d'une infirmière libérale, d'une auxiliaire de vie, et d'une hôtesse de caisse en grande surface, les journalistes havrais de la rédaction de France 3 Normandie sont allés recueillir celui de Corentin, commerçant.
Il se définit comme bistrotier. Comme "Le Bistrot", le nom de l'affaire reprise il y a un moins d'un an avenue René Coty et dont il est le propriétaire. Plus qu'un simple bar, Le Bistrot est un lieu de vie et d'échanges avec des activités culturelles.
Un lieu reconnu au Havre et apprécié depuis des décennies.
La fermeture ? Corentin a pris ça comme une claque. Un (mauvais) coup violent et brutal. Un coup d'arrêt. Du jour au lendemain. A l'incertitude, a suivi la lassitude des nombreuses et complexes démarches administratives avec les fournisseurs, la banque, le comptable, l'assureur…
Puis, après tout ça, c'est un sentiment d'exaspération et de colère :
Tous les matins j'entends Edouard Philippe ou Bruno Le Maire dire "on a débloqué je ne sais pas combien de milliards." Nous, on n'en voit pas la queue d'une cerise ! Moi personnellement j'ai pas droit au chômage partiel puisque je suis gérant et salarié. J'ai touché 254 euros. 254 euros ! C'est rien… Enfin, comment voulez qu'on s'en sorte ?
- Corentin Dejean de la Bâtie, bistrotier au Havre, le 18 avril 2020
Soutien et solidarité
Corentin n'est pas le seul dans cette difficile situation. Beaucoup de patrons de bar et d'établissements de spectacle n'ont eu aucune rentrée d'argent depuis la mi-mars.Seul à tourner en rond dans la salle de son "Bistrot", à faire des travaux et à penser aux artistes qui devaient s'y produire et aux autres qui étaient programmés, Corentin a vu arriver, ce qu'il appelle "un soleil dans ce brouillard" avec le soutien solidaire de clients et amis :"On a un habitué qui a lancé un "un pot solidaire", donc les gens ont donné et je les en remercie vraiment. Ça va mettre un peu de beurre dans les épinards ! Mais voilà, 5000 euros de pertes par mois, ce chiffre-là, quand il n'est pas fait il n'est pas fait…"
Moi j'ai besoin de savoir à quelle sauce je serai mangé demain. Après, si je suis le vieux con à râler c'est parce que j'ai peur pour mon entreprise, j'ai peur pour mes salariés. La clé sous la porte ? Non, j'ai pas envie de dire ça !
J'ai pas envie de dire ça, mais on commence à y penser…
- Corentin Dejean de la Bâtie, bistrotier au Havre, le 18 avril 2020