Les commerçants et artisans se sont mobilisés ce lundi 23 janvier, à l’appel d’un collectif de boulangers. Ils se disent asphyxiés par la hausse des prix des matières premières et de l'énergie. Portraits de boulangers normands dans la tourmente.
" Boulangère en colère, l'énergie c'est la galère" ou encore : " Après la farine, le courant nous ruine"
Les messages sont placardés entre les croissants et les baguettes, dans cette boulangerie d'Alençon. SOS d'artisans en détresse. Comme dans des centaines de boulangeries en France, ces commerçants manifestent leur désarroi et leur colère face à la flambée des prix de l'énergie et des matières premières. Car les aides de l'Etat ne leur suffisent plus.
Des factures multipliées par trois
Leurs factures ont littéralement explosé, ces derniers mois.
A la "Halle au blé", elles ont été multipliées par trois en l'espace de six mois. Christelle Guillois, la gérante, tente pourtant de trouver des solutions, quitte à sacrifier son confort et celui de ses salariés :
" Au mois d'août, j'étais à 1335 euros par mois, je suis passée à 4256 euros ! Nous avons pris des décisions radicales, nous n'avons plus de chauffage à l'étage, plus de chauffage au bureau, le magasin n'est pas chauffé, on est à 14 degrés en boutique, les garçons font très attention et éteignent la moitié des fours...On essaye de trouver des solutions pour gagner le peu qu'on peut..."
Au quotidien, cette commerçante a besoin d'un compteur électrique qui dépasse les 36 kilowatt-heure pour faire fonctionner ses fours. Mais avec cette consommation, l'appareil n'est pas éligible au bouclier tarifaire de 15% mis en place par l'Etat. Car ce bouclier tarifaire ne s'applique qu'aux compteurs bleus, dont la consommation électrique ne dépasse pas les 36 kilowatt-heure.
Christelle Guillois, avec son compteur jaune, non éligible aux aides, va donc devoir payer 60 000 euros d'électricité cette année au lieu de 20 000 euros. Une hausse des prix qui pourrait rapidement impacter la structure même de l'entreprise, explique t-elle : " Nos trésoreries sont en train de fondre, on ne pourra jamais faire face à une telle hausse, c'est impossible. Mon personnel est mobilisé. On a déjà parlé de licenciement.."
" La galère malgré le bouclier tarifaire"
Non loin de là, Coralie Leconte, gérante de la boulangerie "l' Authentique" bénéficie quant à elle du fameux bouclier tarifaire. Mais ce bouclier ne lui permet pas de maintenir la tête hors de l'eau.
Durement impactée par la hausse des prix de l'énergie et des matières première, elle affirme ne pas vouloir de l'aide de l'Etat ou de celle de la région, mise en place depuis le 1er janvier 2023.
La région Normandie via l'Agence de Développement en Normandie ( ADN) propose en effet un prêt à taux zéro pour aider ses boulangers, comme lors de la crise sanitaire du Covid 19. Ce dispositif permet aux artisans boulangers de bénéficier d’un prêt à taux zéro d’un montant dépendant de leurs besoins, remboursable sur quatre ans, avec un décalage de début d’amortissement de 18 mois.
Pour Coralie Leconte, ce n'est pas une solution, elle veut simplement payer " le prix juste ".
" Depuis quand, demande-t-elle, on va devoir faire un prêt pour payer nos factures ? C'est comme l'histoire du report de charges et des impôts...C'est reculer pour mieux sauter ! Plutôt que de nous faire souffrir une bonne fois pour toutes, on va étaler notre souffrance sur plusieurs mois ! Ca n'a aucun intérêt."
A Bolbec, une pâtissière contrainte de revenir à son ancien métier
Autre situation d'une boulangère en colère, ou plutôt d'une pâtissière résignée et contrainte. Celle de Marie Gillot. La jeune femme a créé son salon de thé à Bolbec, en 2020. L'investissement lui a coûté 80 000 euros. Mais, avec les factures d'électricité devenues trop conséquentes, elle ne peut plus se verser de salaire depuis deux mois et est désormais contrainte de renouer, un jour par semaine, avec son ancienne activité de préparatrice en pharmacie.
Un métier qu'elle apprécie toujours, mais qu'elle ne pensait pas retrouver. Elle n'a pas eu le choix, c'était une question de survie pour son entreprise :
" Ma facture d'électricité est passée de 2500 euros à 3500 à l'année. En plus des charges de l'énergie, il y a aussi le coût du lait, de la crème et du beurre qui ont augmenté... Je me pose plein de questions sur l'avenir. "
Pour payer ces factures, grâce à un revenu minimum, la jeune femme est donc contrainte de fermer son salon de thé un jour par semaine et de jongler entre les deux activités.
Elle espère un retour à la normale rapide, pour sauver sa petite entreprise et revenir y travailler à temps complet.