Le Havre : une directrice d'école blâmée après avoir critiqué la "Réforme Blanquer" ?

Une directrice d'école maternelle a reçu un blâme après avoir envoyé un mail contenant des propos contestataires sur la réforme engagée par le ministre de l'Education Nationale. A Rouen, l'inspecteur d'académie donne sa version des faits.

 

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Son erreur : avoir envoyé un mail  critiquant la "Réforme Blanquer" de son adresse de messagerie Internet professionnelle (et non de son adresse personnelle ou syndicale). Message ensuite reçu par la mairie du Havre, mairie qui aurait ensuite transmis aux services du Rectorat de l'Académie de Rouen.

L'Inspection académique est alors passée à l'action en sanctionnant l'enseignante d'un blâme, mais aussi de l'obligation de partir de son école fin juin pour être mutée ailleurs. Jeudi  2 mai, les syndicats nous indiquent que le rectorat et l'inspection académique "ont changé leur discours"



Depuis mardi, le rectorat et la direction académique interviennent dans la presse pour expliquer que notre collègue directrice n’a jamais fait l’objet d’une double sanction, qu’elle n’avait pas l’obligation de participer au mouvement et que c’est volontairement qu’elle acceptait de quitter son poste.
C’est évidemment faux ! Lors de l’audience à laquelle elle était convoquée vendredi 26 avril, comme lors d’échanges téléphoniques le lundi 29, la direction académique a été très claire : notre collègue, en plus d’un blâme, devait participer au mouvement, sous peine d’être déplacée d’office, y compris si
elle n’obtenait pas ses voeux. De plus il a été souvent répété lors de l’audience que cette sanction était clémente et pourrait être bien pire si elle ne l’acceptait pas.Face aux manifestations collectives de solidarité et de soutien qu’inspection académique et rectorat changent désormais de discours (extrait du tract SNUipp FSU du 2 mai 2019).


Cette dernière mesure avait fait réagir les syndicats d'enseignants de Normandie. Ils estimaient la sanction "injuste et disproportionnée". Certains syndicalistes y voient un message envoyé aux  enseignants par leur hiérarchie : "Si vous aussi vous critiquez, voilà ce qui vous attend".
Une manifestation de soutien a eu lieu à l'hôtel de ville du Havre.  

A Rouen, la réponse de l'Education nationale

Olivier Wambecke, inspecteur d'académie et directeur des services académiques de l'éducation nationale de Seine-Maritime, s'est exprimé sur cette affaire, répondant aux questions de la rédaction de France 3 Normandie.
 

Deux sanctions ? Blâme et mutation ?

"Cette directrice fait l'objet d'un blâme, qui fait partie du premier groupe des sanctions, en raison du message adressé par elle à partir de sa boîte professionnelle à l'ensemble des parents d'élèves."

On ne peut faire l'objet que d'une sanction. La sanction infligée est un blâme. En ce qui concerne la mutation, il a été demandé à cette directrice de réfléchir sérieusement à un changement d'école. Et il ne s'agit évidemment pas d'une sanction.
Il s'agit tout simplement d'une demande.

"Pourquoi ?  Parce que cette directrice a elle-même reconnu la gravité des faits et il est dès lors très compliqué pour cette directrice, qui a utilisé sa fonction, sa responsabilité de directrice, la messagerie de l'école, le logo de l'académie, il est dès lors très difficile à cette directrice  de continuer à être directrice d'école dans cette école parce qu'elle a diffusé des informations erronées et appelé à la mobilisation des parents d'élèves en arguant, justement, de son fonction de directrice d'école."
 
VIDEO : Olivier Wambecke, inspecteur d'académie et directeur des services académiques de l'éducation nationale de Seine-Maritime interviewé par  Narjis El Asroui  et Olivier Flavien
 

Le rôle de la mairie du Havre ?

"Sur le rôle de la mairie, c'est très simple : on est dans le cadre d'une procédure habituelle. C’est-à-dire que lors que ce courriel, qui a été adressé également à la mairie, la directrice évoquant un appel à la grève sur un certain jour, il appartient à la mairie de mettre en place un service minimum d'accueil. Et dans le cadre de la mise en place de ce service, la mairie entre en contact avec les autorités académiques, comme c'est le cas dans toutes ces situations".
 

Liberté d'expression ?

"Ce mail ne pose pas la question de la liberté d'expression. Ce sont les moyens utilisés qui sont à l'origine de la faute commise, d'une part, et c'est dans la nature des informations diffusées aux parents, étant des informations erronées, probablement dramatisées, qui n'avaient aucun rapport avec le projet de loi et qui visaient à recueillir la mobilisation des parents d'élèves."

 

"C'est la loi Blanquer avant l'heure !"

Pour Nathalie Nail, conseillère municipale (PCF) du Havre, l'attitude de la mairie havraise dans cette affaire est inacceptable :

La directrice qui a été injustement sanctionnée, l'a été parce que la mairie du Havre, et de par l'action d'une élue, a fait remonter l'envoi de ce mail à l'Education nationale. C'est de la dénonciation. La mairie avait, pour le moins, la possibilité d'en référer directement à la directrice et d'en discuter avec elle en lui disant "c'est des choses qui ne se font pas", et sans que cela prenne de telles proportions.  
Aujourd'hui c'est grave ce qui se passe pour cette femme. Je pense que c'est pas des méthodes. C'est une directrice, on doit la respecter. C'est la loi Blanquer avant l'heure qui demande l'obligation de réserve. Jusque-là c'est pas encore voté, et puis j'espère que cela ne le sera pas ! Mais les sanctions qui tombent ici au Havre et un peu partout dans le pays c'est quand même inhabituel et inadmissible !  

VIDEO : le reportage diffusé dans le JT 12/13 du 30 avril 2019
 

Manif de soutien à mairie 

Par ailleurs, et comme le racontent nos confrères de la radio France Bleu Normandie, des enseignants reprochent à la municipalité du Havre d'avoir fait acte de "délation" en "dénonçant" leur collègue aux services administratifs de l'Education Nationale. Pour exprimer leur mécontentement, ils étaient une centaine à manifester hier soir (lundi 29 avril 2019) à la séance du conseil municipal du Havre.

Ces enseignants ont demandé (en vain) à la municipalité havraise d'intervenir auprès de l'Inspection académique pour une sanction moins sévère.
 
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