Le Havre : le projet d'amélioration de l'accès fluvial à Port 2000 contesté par des associations

Afin de réduire la part du transport routier, la solution d'une "chatière" permettant un accès direct au port des conteneurs aux péniches et barges fluviales a été retenue. Mais alors que l'enquête publique va démarrer, ce projet de chenal est contesté par des associations de défense de l'environnement et par les pêcheurs.

L'objectif est simple et évident. Il consiste, comme dans les grands ports belges et hollandais, à ce que la plus grande quantité possible de conteneurs débarqués sur les quais du port du Havre soit ensuite transportée par voie fluviale et non par la route.

Port 2000, port moderne mais prévu que pour les camions

Le Havre, avec les quais rapides de "Port 2000" est le premier port de conteneurs de France. Mais les infrastructures actuelles ne permettent pas aux bateaux fluviaux (péniches et barges venant de la Seine), d'accéder à Port 2000.  Et en ce qui concerne le rail, les trains de marchandises ne peuvent, eux-aussi, avoir accès aux quais.

Une solution intermédiaire a pourtant été imaginée avec la construction, un peu plus loin que Port 2000, d'un terminal multimodal. Mais cette plate-forme n'a pas encore prouvé son efficacité et a connu de nombreuses péripéties.

Développer le rail et fluvial : une priorité environnementale

Selon les calculs d'HAROPA Ports, en 2022, et comme durant les dix dernières années, 85% des conteneurs à destination ou en provenance du port du Havre transitent par la route, transportés par des camions. La part restante des conteneurs havrais par transport fluvial est estimée à environ 10%, et le transport par le rail à seulement 5 % !

D'où l'importance, dans l'objectif de préserver l'environnement, de lutter contre la pollution et de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, de réduire la part du transport par camions et de développer le transport ferroviaire (notamment avec la future ligne nouvelle Paris-Normandie) et le transport fluvial (en direction de Rouen et Paris via l'Axe-Seine).
Un seul convoi fluvial peut en effet transporter  5000 tonnes, soit l'équivalent de 250 camions.  

Un accès direct aux bateaux fluviaux

Les péniches et barges fluviales ne peuvent pas, après le pont de Tancarville (sous lequel débute le canal en direction du Havre), suivre le cours de la Seine car elles se retrouvent très vite en zone maritime, dans l'estuaire du fleuve. Cette impossibilité d'aller directement à Port 2000 par le sud a conduit les autorités portuaires à étudier plusieurs solutions pour améliorer l'accès fluvial.  

Parmi les projets étudiés (nouvelle écluse, déplacements des digues, percement d'un passage mobile au milieu des cuves de la CIM…) c'est celui de la "chatière" qui a été retenu.  

Le projet de "chatière" consiste à créer un chenal fluvial (protégé de la mer par une digue) reliant directement et sans rupture de charge, l'avant-port du Havre à Port 2000.  

Des écologistes sont contre

Fin mai 2022, à quelques semaines du début de l'enquête publique prévue, un collectif d'associations contre le projet de raccordement fluvial de Port 2000 dit "projet de chatière" a été créé.

Comme l'a expliqué Annie Leroy, de l'association "Ecologie pour le Havre"  à notre journaliste Anne-Charlotte Duluc, la chatière ne serait pas la meilleure idée :

"D'autres solutions étaient possibles pour augmenter le trafic fluvial, qui n'ont absolument pas été envisagées et mises en compétition avec ce projet-là. En particulier une écluse fluvio-maritime dont on a abandonné le projet sans trop de justification."  

Un impact environnemental ?

Parmi les opposants au projet de chatière dans le port du Havre, en plus des associations écologistes, les pêcheurs de l'estuaire de la Seine font entendre leur voix. Ils expriment leur inquiétude de voir réduire la ressource en poisson.

C'est l'avis d'Olivier Becquet, vice-président du comité régional des pêches de Normandie : "On va construire une digue qui va modifier le milieu. Et le milieu marin, la biodiversité, etc… Donc à un moment donné, il faut quand même expliquer à la population que, s'il n'y a plus de soles, c'est pas forcément à cause des pêcheurs. Parce que les pêcheurs pêchent ce qu'il y a, effectivement, mais à partir du moment où vous détruisez les nourriceries et les frayères : évidemment, il n'y a plus de poisson !"  

Pourtant, HAROPA Ports explique que le projet de construction du chenal fluvial vers Port 2000 a fait l'objet de nombreuses études pour mesurer l'impact de ce projet sur l'environnement.     

Une de ces études, portant sur l'impact sur la faune et les poissons en particulier, a ainsi montré "une faible probabilité de présence de nourricerie de bar et de sole dans la zone Chatière."

Une autre étude, menée depuis 20 ans dans l'estuaire de la Seine sur les populations de poissons permet de constater que le nombre de bars est en augmentation depuis plusieurs années et les "suivis montrent également que les juvéniles de bar se situent bien plus en amont de l’Estuaire que la zone Chatière, confirmant ainsi que la zone n’est pas une nourricerie de bar."

Situation un peu différente en revanche pour la sole où, selon les mesures du CSLN (cellule de suivi du littoral normand) "la population est en diminution dans l’Estuaire comme sur l’ensemble de la façade Manche Est. Par ailleurs, ces suivis montrent une présence des juvéniles de sole en aval de l’Estuaire à proximité de la zone Chatière."

L'impact de ce projet de nouvelle infrastructure portuaire a été consigné (avec les mesures environnementales d'évitement, de réduction et de compensation) dans un dossier qui sera l'une des pièces de l'enquête publique qui doit prochainement être organisée, en principe avant l'été 2022.

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