Au Havre, les saisies de cocaïne se sont multipliées ces dernières années. Le port de la baie de Seine est la première porte d'entrée maritime de la drogue en France. Et partout en Europe, les grandes infrastructures portuaires font face au même problème. Les ministres de l'Intérieur européens organisent la riposte.
Depuis des dizaines d'années, le transport maritime est la principale porte d'entrée de la cocaïne sur le continent européen. Au Havre, les douaniers multiplient les saisies records. En mars 2023, près de 2 tonnes de poudre blanche avaient été saisies. En Normandie, les saisies de cocaïne ont bondi de 134,93% depuis 2017. Et le trafic touche tous les pays ayant une frontière maritime.
Les ministres de l'Intérieur de plusieurs pays européens se sont réunis à Anvers (Belgique) pour trouver des solutions communes à un trafic d'ampleur.
Un trafic qui touche toute l'Europe
Le port du Havre est particulièrement concerné en France. La moitié de la cocaïne à destination du marché hexagonal transite par le Grand port maritime du Havre. Et les autorités douanières ont la lourde charge de contrôler les quelque 3 millions de conteneurs qui arrivent par la mer en baie de Seine. De nombreux autres ports européens font face à une problématique similaire : Rotterdam, Hambourg, Algésiras, Marseille, outre encore Anvers.
Et c'est dans ce dernier port, en Belgique que, l'Union européenne a lancé une "Alliance des ports" pour harmoniser leurs mesures de sécurité contre le trafic de drogue et combattre leur infiltration par les réseaux criminels. "Il faut un réseau pour combattre un réseau. Les succès remportés contre les criminels dans un seul port ne feront que les déplacer vers d'autres ports", a notamment expliqué la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson.
La cocaïne, venue d'Amérique latine, inonde le marché européen. Les saisies explosent en Europe, "mais les prix n'augmentent pas, ce qui montre que le flux de drogue ne fait que croître", a-t-elle aussi souligné. L'Alliance des ports européens est destinée à créer un partenariat entre les autorités portuaires, les douanes, les polices et les compagnies de transport maritime notamment.
Les grands ports sont la cible de mafias locales, qui n'hésitent pas à corrompre dockers, agents portuaires ou chauffeurs routiers, douaniers et policiers parfois, afin de laisser les "petites mains" récupérer la drogue dans les conteneurs.
Dans le gigantesque port d'Anvers, grand comme 20.000 terrains de football, les saisies ont battu un nouveau record, avec 116 tonnes interceptées en 2023. C'est en Belgique que transite le plus gros de la cocaïne qui sera ensuite consommée en Europe. Et la principale ville flamande est régulièrement secouée par des violences liées aux gangs qui se disputent un trafic aux enjeux financiers colossaux.
L'Europe du Nord face à la drogue
La hausse du trafic dans le port d'Anvers est le résultat du renforcement de la sécurité dans celui de Rotterdam, aux Pays-Bas voisins. "Désormais Anvers intensifie la lutte anti-drogue, et il semble que le trafic aille aussi vers des ports plus petits. Par exemple il y a des indications que davantage de drogue arrive à Helsingborg en Suède", souligne Ylva Johansson.
Le phénomène est le même au départ de la drogue en Amérique latine. Après les mesures prises par les ports colombiens, c'est l'Equateur qui est devenu le point majeur d'exportation vers l'Europe de la cocaïne produite en Colombie et au Pérou voisin.
Dans l'Union Européenne, près de 70% des saisies de drogues réalisées par les douanes se font dans les ports.
Commission Européenne
"Nous avons besoin de plus de coopération, pas seulement avec la police et les douanes, mais aussi avec les acteurs privés dans les ports", souligne Ylva Johansson. Le phénomène de la corruption au sein des ports lié au trafic de dogue "est aussi un risque pour le commerce légal, donc personne n'a envie de ça".
Pour le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, il est essentiel d'avoir un même niveau de sécurité dans tous les ports de l'UE afin de respecter une concurrence loyale. Car ces contrôles prennent du temps, peuvent retarder l'activité commerciale et affaiblir l'attractivité économique d'un port. Pour faire face à cette difficulté supplémentaire, Gerald Darmanin avait annoncé il y a 10 mois l'arrivée de 17 policiers supplémentaires pour renforcer l'antenne de l'Office antistupéfiants (Ofast) du Havre.
Des fonds européens pour éviter une situation à l'américaine
L'UE apportera aussi 200 millions d'euros pour aider les douanes à se doter d'équipements modernes pour scanner les conteneurs. Outre les flux arrivant par conteneurs dans les grands ports du Nord de l'Europe, un autre mode opératoire consiste pour les trafiquants à acheminer la drogue vers l'Afrique de l'Ouest ou du Nord, où elle est chargée sur des plus petits bateaux à destination de ports situés en Espagne notamment.
À côté de la déferlante de cocaïne, les autorités s'inquiètent aussi de la hausse du trafic des drogues de synthèse. Le fentanyl est dans le viseur des Européens. Ce puissant opiacé de synthèse, fabriqué à base de produits provenant très souvent de Chine, est à l'origine de dizaines de milliers d'overdoses chaque année aux Etats-Unis, où il est introduit par les cartels mexicains.