TEMOIGNAGE : "j’ai été sous l’emprise d’une secte pendant 7 ans"

Nous avons rencontré Agathe, habitante du Havre (Seine-Maritime), qui a été victime d’une secte. Aujourd’hui, elle témoigne de sa douloureuse expérience dans un livre "Pourquoi se(c)taire ?" écrit avec son mari.

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Agathe Renouard est une ancienne adepte de la communauté des Béatitudes. Cette mouvance catholique est dans le viseur d'associations d'aide aux victimes de dérives sectaires depuis la fin des années 90.

Plus récemment, la justice a condamné plusieurs responsables de cette mouvance, notamment l'ancien religieux Pierre-Etienne Albert à cinq ans de prison en 2011 pour des actes de pédophilie commis sur des dizaines d'enfants. 

"Plus jeune, je ne trouvais pas ma place"

Originaire du Havre, Agathe est revenue dans la cité Océane il y a une vingtaine d'années. La ville de son enfance a pourtant été longtemps pour elle synonyme de souffrances : "j’étais une jeune fille en grande difficulté psychologique et affective : ma vie de famille était de la souffrance, aller à l’école était de la souffrance, je ne trouvais pas ma place".

Après plusieurs tentatives de suicide, Agathe consulte une psychanalyste, mais les échanges ne parviennent pas à l’aider.

À 22 ans, elle se confie sur son mal-être à une amie d'enfance qui appartient à la Communauté du Renouveau Charismatique dans l’Église catholique : "sa mère et une amie de cette dernière effectuaient du développement personnel et de l’accompagnement psycho-spirituel qui consiste à une demande incessante de guérison à Dieu notamment de nos blessures d’enfance."

L’accompagnement spirituel dure 6 mois. C’est, au début, un soulagement pour Agathe : "on m’a toujours dit que j’étais malade. Il est vrai que j’avais un comportement déviant… Je buvais beaucoup. Et enfin, là, quelqu'un me dit que je ne suis pas malade, que je suis normale et que ce sont mes parents qui me faisaient souffrir. Enfin, on me disait que c'étaient eux les méchants."

"Rejoindre une communauté pour être guérie"

Ses deux accompagnatrices prétendent à Agathe que Dieu leur a demandé de rejoindre la Communauté des Béatitudes pour être totalement guérie : "quand je suis arrivée dans une maisons de la communauté en Normandie, je me suis écroulée. D’abord parce que c’était très dur : les journées défilent : prières/travail/prières/travail. On ne s’arrête jamais dans la journée. On n’a pas de temps pour réfléchir. Et quoi qu’on veuille, quoi qu’on fasse : il faut tout soumettre au responsable « le Berger » ou à notre responsable spirituel. Ce sont eux qui décident pour nous".

Malgré le mal être qu'elle ressent dès son arrivée, Agathe ne parvient pas à partir : "le travail de sape avait déjà été opéré lors de mon accompagnement psycho-spirituel. Mes liens aves mes parents, avec mon petit ami de l'époque, tous mes liens sociaux au Havre avaient été coupés.J'étais isolée". L'emprise est en place.

Plusieurs fois, elle tentera de fuguer en vain. Pendant sept longues années, Agathe restera au sein de cette communauté. Lors d’une énième fugue, elle s’alcoolise. À ce moment-là, le responsable de sa communauté lui demande de cesser de boire ou de quitter la maison. Elle choisit le départ.

"Je me suis retrouvée dehors dans un état critique. Quand je pensais, ça générait de l’angoisse et de l’incompréhension, c'était insupportable. Je suis alors tombée dans les addictions pour soulager ce mal de vivre ."

Une longue reconstruction

A sa sortie, une nouvelle fois, Agathe tente de mettre fin à ses jours. Sa reconstruction est longue : 13 ans avant de se sentir enfin délivrée de l'emprise sectaire. Dans ce cheminement, elle est notamment accompagnée par Christophe. Un copain lorsqu'elle était étudiante, qu'elle rencontre de nouveau à sa sortie des Béatitudes.

"C’était un accompagnement physique, un accompagnement d’amoureux sans jugement. Le cheminement a été long, car quand on quitte un groupe sectaire alors qu’on est en quête de sens, on se rend compte qu’on a été victime de supercherie, donc tout s’écroule.", témoigne celui qui est devenu aujourd'hui son mari.

Ensemble, ils ont écrit un livre qui revient sur cette période de vie douloureuse. Intitulé "Pourquoi se(c)taire ?", l’ouvrage encourage les victimes de dérives sectaires à parler et à ne pas avoir honte.

Comment différencier secte et croyance ?

"On se retrouve dans une situation sectaire à partir du moment où on a été mis sous l’emprise d’une tierce personne, qu’on a été endoctriné par cette personne et du coup radicalisé sur un type de croyance. Cette emprise amène à la triple rupture : avec soi-même,  avec son entourage et avec la société.", précise Pascale Duval porte-parole de l'UNADFI, l'union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes de sectes. 

Entre 2015 et 2021 , le nombre de signalements auprès de la Miviludes a bondi de 86%. Autre sujet d'inquiétude depuis la pandémie de Covid, les saisines pour des dérives sectaires dans le champ de la santé. A lui seul, en 2021, il représentait 1 signalement sur 5, en très grande majorité en lien avec des pratiques de soins non conventionnelles (naturopathie, crudivorisme, reiki...). En témoigne la récente mise en examen de Thierry Casasnovas.

Face à cette recrudescence, le gouvernement s'apprêterait à faire des annonces sur le sujet dans les semaines à venir. La mise en place d’un numéro vert pour recueillir les signalements serait envisagée. Tout comme des évolutions législatives pour condamner les responsables des sectes.

Qui contacter en cas de dérive ou d’emprise sectaire ?

Le gouvernement a mis en place la Miviludes, une mission interministérielle rattachée au ministère de l’Intérieur. Elle a pour rôle d’observer et d'analyser les phénomènes sectaires. Elle coordonne l’action préventive et répressive et informe le public sur les risques.

Si vous êtes victime ou constatez des dérives sectaires, vous pouvez les signaler auprès de cette mission en cliquant ici.

En Normandie, l’association de Défense des Familles et de l’Individu Normandie (ADFI) basée à Caen est également à disposition des victimes et de leurs proches (07 81 61 55 85 ou 06 83 89 20 51. adfinormandie@gmail.com)

Il existe également un centre contre les manipulations mentales Nord Pas-de-Calais Picardie (CCMM) avec une permanence téléphonique du lundi au vendredi de 14h00 à 18h00 (06 59 08 36 23. ccmm.normandie@gmail.com)

L’emprise d’une « communauté charismatique » est très bien détaillée dans le film réalisé par Sarah Suco, Les Eblouis sorti en 2019. Basé sur l’histoire de la réalisatrice, Camille Cottin y incarne sa mère qui amène toute sa famille à intégrer cette secte où l’on parle également de Berger pour désigner le gourou.

À l’occasion de la sortie du film, la réalisatrice rappelait le sort des 90 000 enfants concernés par les dérives sectaires en France chaque année : "ce sont des enfants sous pression, coupés du monde, qui ne comprennent rien. Au fond, ce sont des enfants qui ont besoin d’être soutenus. Et s’il n’y a pas de drame, ils ne sont pas comptabilisés"

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