Au Havre (Seine-Maritime), les étudiants internationaux ont interpellé le président de l'université et les élus pour réclamer de l'aide. Ils subissent une forte augmentation des frais de scolarité.
C'est un calvaire que vivent des jeunes adultes étrangers venus étudier à l'université du Havre : les frais d'inscription ont explosé. Ils estiment ne pas avoir été prévenus à temps de cette hausse des coûts de scolarité.
"Personnellement, j'ai été prévenue 2 mois après avoir validé mon choix donc très en retard. Je préparais déjà mes valises. Oui, j'ai été prévenue, mais pas au bon moment."
Assia Arab, porte-parole du collectif d'étudiants internationaux
Même son de cloche pour Anis Guers, étudiant en Master 1 Electronique, énergie électrique et automobile. "J'ai été accepté le 30 avril. J'ai validé l'inscription le même jour. J'ai été notifié de l'augmentation des frais de scolarité le 4 juillet, donc un peu plus de 2 mois en retard."
Il explique avoir déjà entamé sa demande de VISA à l'époque où il a appris cette augmentation. "Une fois le processus enclenché, il n'y a plus de retour en arrière."
"Je suis en master et je dois payer 3 770€"
Anis explique qu'il a dû payer près de 4 000€ de frais de scolarité. "On ne peut pas se permettre de choisir des universités où les frais sont multipliés par 16 dans notre cas. Je suis en master et je dois payer 3 770€."
Il indique que les étudiants se tournent plutôt "vers les universités qui appliquent l'exonération partielle des frais de scolarité".
"Avec ce qu'on a ramené, on peut tenir déjà quelques mois mais après ça, ça va vraiment être difficile."
Anis Guers, étudiant en Master 1 Électronique, énergie électrique et automobile
Il a donc pensé à travailler mais sa situation ne lui permet pas. "En tant qu'Algérien, tant que l'on a pas notre carte de séjour, on ne peut pas travailler. Pour le moment, on n'a pas de titre de séjour."
Stress et précarité étudiante
A cause de cette situation, les étudiants expliquent ne plus s'investir autant dans leurs études, comme le confie Assia Arab. "Côté études, c'est perturbant, c'est stressant. Beaucoup de pression donc on n'arrive pas à se concentrer."
C'est aussi ce que constatent les associations. "Dans nos permanences d'aide sociale, on constate surtout des étudiants très très stressés qui ont du mal à se concentrer dans leurs études et qui ne voient pas très bien l'avenir", considère Benoit Laguillon, animateur de réseaux de solidarité à la Délégation du Secours catholique de Haute-Normandie.
Les étudiants interpellent le président de l'université et les élus
Pour se tirer de cette situation, les étudiants étrangers en appellent à Pedro Lages Dos Santos, président de l'université du Havre, et aux élus du basin havrais.
Dans une lettre, ils expliquent être 250 dans cette situation. Ils indiquent que "depuis cette année, les frais d'inscription à l'université du Havre pour l'année 2022/2023 sont fixés à 2 770 € pour une licence et 3 770 € pour un master par le Ministère de l'Enseignement supérieur, pour les étudiants ressortissants d'un pays hors Espace Economique Européen".
Ils estiment que les universités de Rouen et de Caen ne vivent pas la même situation. Ils alertent sur leur précarité.
"Un certain nombre d'entre nous ne peuvent plus assurer le paiement du loyer, des charges locatives, des transports, des vêtements, pire encore, de l'alimentation... D'autres dorment à la rue, d'autres à gauche à droite. On essaye de survivre !"
Collectif des étudiants internationaux du Havre
L'université du Havre leur a répondu
Dans une lettre adressée aux étudiants étrangers, le président de l'université du Havre, Pedro Lages Dos Santos, explique la raison de cette hausse exceptionnelle. Il indique que cette nouvelle barre de frais est due à un arrêté ministériel valable au niveau national.
Ce même arrêté prévoit que le nombre d'étudiants extracommunautaires pouvant bénéficier de l'exonération de ces droits d'inscription ne peut être supérieur à 10 % du nombre total d'étudiants inscrits.
La ville du Havre compte 22 % d'étudiants internationaux.
Le président de l'université assure que les étudiants n'ont pas été prévenus trop tard.
"Je tiens également à récuser avec vigueur l'accusation selon laquelle il y aurait eu un changement brutal dans les règles concernant les procédures d'exonération et que les étudiants inscrits à la rentrée 2022 n'auraient pas été informés des nouvelles conditions [...] de leurs frais d'inscriptions."
Pedro Lages Dos Standos
Les étudiants veulent prouver qu'ils n'ont pas été prévenus à temps
Cette réponse ne satisfait pas le collectif d'étudiants. "On essaye de leur prouver [ndlr : à l'université du Havre] qu'on a pas été au courant et qu'on n'est pas venus ici en connaissance de cause", estime Assia Arab.
Ainsi, les étudiants réalisent une enquête pour "collecter les mails qui informaient les étudiants sur les nouveaux d'inscription à l'université du Havre" et construire un dossier "afin de demander une exonération partielle", assure la porte-parole du collectif.
Moins d'étudiants internationaux à l'avenir ?
Face à cette situation ,les étudiants étrangers vont-ils tourner le dos à l'université havraise ? Pour le moment, les étudiants gardent un goût amer de cette mésaventure.
"Je doute fort que les étudiants à venir choisiront Le Havre comme université pour leurs études."
Anis Guers, étudiant en Master 1 Électronique, énergie électrique et automobile
Selon lui, "si l'université reste sur ses positions, on sera obligés de quitter Le Havre et, pour certains, de travailler bien plus pour équilibrer le budget avec les frais de scolarité."
"C'est quelque chose qu'on a subi et pas choisi."
Assia Arab, porte-parole du collectif d’étudiants internationaux
Les étudiants maintiennent leurs revendications assure Assia Arab. "Ce qu'on demande c’est l'exonération des étudiants qui sont arrivés cette année parce que on n'a pas été informés et on n’est pas venus ici en connaissance de cause."
Personnellement, Assia espère changer d'université. "C’est bientôt la campagne Parcoursup donc je compte m’inscrire pour pouvoir faire un transfert dans une autre université où on n'a pas augmenté les frais."
Explosion de la demande au Secours Catholique du Havre
Face à cette détresse, les étudiants étrangers demandent de l'aide au Secours Catholique du Havre. Ils s'y rendent pour y récupérer par exemple de la nourriture. Et la demande déborde.
"Les associations comme les nôtres [...] dressent le même constat : nous, nous ne pourrons pas faire face à cette hausse de la précarité étudiante au Havre."
Benoit Laiguillon, animateur de réseaux de solidarité à la Délégation du Secours Catholique de Haute-Normandie
"Pour preuve, on a plus de 350 nouvelles inscriptions pour l'aide alimentaire organisée tous les 15 jours dans nos locaux", explique-t-il.
Il remarque qu'en plus des appels plus nombreux, d'autres demandes affluent. "On a beaucoup de jeunes qui nous disent ne pas trouver de quoi s'habiller. C'était plutôt rare d'entendre ça. Il y a aussi des difficultés liées au logement et aux transports."
Le Secours Catholique apporte son soutien au collectif d'étudiants.