Un enseignant était jugé ce jeudi 18 avril par le tribunal correctionnel du Havre (Seine-Maritime) pour avoir sorti un couteau devant ses élèves. L'homme a été condamné à six mois de prison avec un sursis probatoire de deux ans, une peine plus sévère que ce qu'avait requis le parquet.
"Je reconnais les faits mais n'y vois pas d'infraction." Le ton est donné dès le début du procès. À la barre, Patrick, 52 ans. Cet enseignant d'histoire-géographie est jugé pour "port d'arme blanche prohibé" et pour "violence volontaire avec arme".
L'incident s'était produit le 21 octobre 2023, au lycée Claude-Monet, au Havre (Seine-Maritime). Patrick avait surpris ses élèves de seconde en sortant un petit couteau Opinel® de son sac, juste après avoir évoqué l'hommage à Samuel Paty et Dominique Bernard.
Pourquoi avoir sorti ce couteau ?
"Pourquoi avoir sorti cette arme ?" : voilà une des seules questions du président de la cour, qu'il a répété à maintes reprises, ce jeudi après-midi, car le professeur ne faisait que digresser pour répondre. "J'ai jugé que c'était une période difficile, c'était une forme d'hommage pour parler de Samuel Paty, les élèves ont peut-être un autre schéma de pensée", s'est défendu Patrick.
Tout le long du procès, le quinquagénaire s'est justifié de manière évasive, sans vraiment d'explication directe. Parfois, il s'est même montré assez désinvolte face aux juges, avant d'admettre qu'il avait "glissé psychologiquement". En mars dernier, un psychiatre avait d'ailleurs décelé un "épuisement psychologique" chez ce professeur "fragile et vulnérable", selon Antoine Siffert, son avocat.
Des récupérations inappropriées, pour l'enseignant
Ce "pétage de plombs", Patrick le reconnaît au micro de France 3 Baie de Seine. Rappelant que cet événement a été largement médiatisé.
"Il y a donc condamnation. Je prends le temps de réfléchir au sens de cette condamnation. Mais sans que ce ne soit ma volonté, immédiatement, cette affaire a été médiatisée, et même très médiatisée. Elle a amené à des positionnements dans la France entière, notamment sur les réseaux sociaux", rappelle l'enseignant.
"Le premier, massif, de soutien, de compréhension, de ce qui apparaît aux yeux de tous comme un pétage de plombs et uniquement cela. Je remercie tous ceux qui ont compris ça", souligne-t-il.
Je voudrais faire passer un message à l'extrême-droite : je suis très content que leur héros ait été aujourd'hui condamné par la justice française. Je suis tout le contraire de l'extrême droite.
Patrickà France 3 Normandie
Évoquant les nombreuses réactions sur les réseaux, Patrick ajoute : "Je tiens à alerter sur les autres récupérations de ce malheureux geste du 21 octobre. Comme Charlie était mentionné, certains ont considéré que j'imposais Charlie à certains élèves. Je tiens à alerter tout le monde là-dessus. Et surtout, là où il y a eu un autre soutien massif, très organisé et très important, c'est que je suis devenu par ce geste un héros de l'extrême droite."
Épuisement psychologique
Lors de l'incident en octobre 2023, Patrick avait expliqué à ses élèves, couteau à la main, ne pas craindre de se servir de son arme s'il subissait des menaces, avant de le replier et le ranger. Choqués, quatre jeunes avaient décidé de porter plainte. Le rectorat avait fait un signalement au parquet du Havre.
À l’époque, nous avions échangé avec un des élèves présents ce jour-là. Selon lui, le professeur était troublé ces derniers temps et avait prédit une nouvelle attaque terroriste en France cette année.
"Il nous a dit qu'avant, il avait une bombe au poivre. Qu'en raison de l'assassinat de Dominique Bernard, il avait augmenté son équipement. Il nous a dit qu'il se sentait menacé. J'avais l'impression qu'il voulait se protéger lui-même", nous avait souligné le lycéen.
Six mois de prison avec sursis
Pendant l'audience de ce 18 avril, Patrick a répété plusieurs fois qu'il n'avait pas menacé les 31 élèves à qui il donnait cours ce jour-là. Certains élèves ou parents d'élèves étaient d'ailleurs présents au tribunal.
Je tenais à venir pour comprendre ce qui s'est réellement passé. J'ai eu la version de mon fils, je voulais la version du professeur. En aucun cas je n'ai porté plainte. Ce monsieur a simplement vraiment besoin d'être suivi. On l'a constaté depuis déjà plusieurs mois.
Une parente d'élèveà France 3 Normandie
Après cinq heures de débats, le président du tribunal a condamné Patrick à six mois de prison avec un sursis probatoire de deux ans. L'enseignant a l'interdiction de porter une arme pendant cinq ans mais n'a pas d'injonction de soins psychologiques ou psychiatriques, ce qu'avait pourtant demandé le parquet.
En revanche, l'homme a été condamné à une interdiction d'exercer toutes fonctions d'enseignement pendant trois ans.
Une peine plus importante que les réquisitions du parquet qui étaient les suivantes : trois mois de prison avec un sursis probatoire de deux ans, injonction de soins psychologiques et psychiatriques, interdiction de port d'arme pendant cinq ans.
Le procès s'est fait attendre
Initialement, l'enseignant devait être jugé le 29 mars, mais au début de l'audience, la présidente du tribunal avait demandé le report. L'enseignant s'était pourtant préparé et avait envie de s'exprimer.
"La présidente a renvoyé au 18 avril car elle estimait nécessaire d'être en collégiale et pas en juge unique pour décider de la culpabilité de mon client", avait déclaré le défenseur de l'enseignant, Me Antoine Siffert.
Une décision également motivée par le contexte de menaces terroristes sur les établissements scolaires.
Dans l'attente de son procès, l'enseignant avait été placé sous contrôle judiciaire. Il avait interdiction d'exercer et de paraître au sein de son établissement.