Une pétition a été lancée ces dernières semaines pour "sauver l'âme" du Muséum d'Histoire Naturelle de Rouen. Un projet de rénovation architecturale et muséographique prévoit en effet de réunir les deux musées emblématiques de la rue Beauvoisine, le musée des Antiquités et le Muséum d'Histoire Naturelle dans une même entité. Un sacrilège pour les amoureux du site.
Tous les Rouennais ont des souvenirs associés au Muséum d'Histoire Naturelle, pour l'avoir un jour visité en famille ou dans un cadre scolaire. Ses escaliers en bois en colimaçon, ses vitrines vieillottes dans lesquels un ours polaire ou un lynx empaillé vous lance un regard torve, ses étranges bocaux garnis de fœtus indéterminés nageant dans le formol...Et cette odeur d'encaustique caractéristique des vieux parquets du 17ème, craquants sous les pas.
Le Musée d'histoire naturelle de Rouen est associé pour beaucoup d'entre nous à nos premiers émois, nos premières peurs, et aux fous rires de l'enfance. Alors l'idée que cet endroit soit appelé à disparaître, ou tout le moins à perdre sa spécificité et son âme, provoque de fortes émotions chez ses admirateurs.
Sauver l'âme du musée
Fondé en 1828 dans un ancien couvent, le musée d'histoire naturelle de Rouen serait l'un des seuls en France à avoir conservé sa muséographie originelle. Voilà qui fait son charme pour certains, ou sa désuétude pour d'autres.
Frédéric Epaud, directeur de recherche en archéologie médiévale au CNRS, fait partie de ses admirateurs, et de ceux qui souhaitent conserver l'intégrité des lieux.
Or, le projet Beauvoisine projette de rénover les deux musées emblématiques de la rue éponyme dans un même lieu, et de fusionner progressivement les collections. Un "crime patrimonial" pour le chercheur à l'origine de la pétition "Non à la disparition du Muséum d'histoire naturelle de Rouen".
Ce muséum est l'un des derniers en France à avoir conservé dans son intégrité toutes ses vitrines et toute sa muséographie du 19ème siècle. C'est vraiment une rareté en France. C'est le dernier dans cet état de conservation absolument exceptionnel" se désole Frédéric Epaud.
Frédéric Epaud, directeur de recherche au CNRS
La pétition a déjà recueilli 3700 signatures, dont quelques plumes comme celle de l'écrivain normand Philippe Delerm.
Des travaux indispensables
Le directeur des musées de la Métropole rouennaise, Robert Blaizeau, avance quant à lui que ces bâtiments vétustes requièrent des travaux indispensables. "Aujourd'hui certaines salles sont fermées au public. Nous ne pouvons plus accueillir de visiteurs du fait de la portance des planchers qui est trop faible. Les pompiers ont émis un avis défavorable à l'ouverture du bâtiment. Donc nous sommes obligés de rénover et de faire des travaux si nous voulons que le musée Beauvoisine reste ouvert à l'avenir".
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©France télévisions
Le Projet Beauvoisine ou pôle muséal
Le pôle muséal Beauvoisine prévoit une rénovation des bâtiments pour intégrer les deux musées, histoire naturelle et Antiquités, dans une même entité. Jusqu'à fusionner les collections progressivement dans un même lieu. Un programme ambitieux, et chiffré à 65 millions d'euros, dans lequel prendront place des galeries aérées, un cloître modernisé et un espace extérieur aménagé. Un projet pharaonique et inutile selon l'association Urgences patrimoine attaché à l'âme du lieu. "Ce musée - d’histoire naturelle - c'est un peu une gourmandise, ça nous rappelle le goût de l'enfance. Là on tue une structure complète, on remet tout à blanc pour faire pousser des choses dont on n'a pas besoin !" se désole Alexandra Sobczak, la présidente de l'association "Urgences Patrimoine".
S'agit-il d'une nouvelle querelle des anciens et des modernes ? En attendant, les travaux du Pôle Beauvoisine devraient débuter en 2025 et se terminer en 2028, 200 après la création du muséum d'histoire naturelle.