Depuis le début de l'année, le nombre de places en gériatrie a déjà été divisé par deux à l'hôpital Saint-Julien de Petit-Quevilly, près de Rouen. À peine sortis de la crise du Covid-19, cette suppression de 10 lits passe mal auprès des soignants qui se sont mis en grève, mercredi 07 juillet.
Parmi les soignants de l'hôpital Saint-Julien, c'est l'incompréhension. Une trentaine d'entre eux se sont mis en grève, ce mercredi 07 juillet, après que la direction du CHU de Rouen leur a annoncé la suppression de dix lits supplémentaires dans leur service gériatrique.
Et cette tendance n'est pas nouvelle, puisque depuis le début de l'année 2021, l'établissement a déjà connu une réduction du nombre de places disponibles en gériatrie de 59 à 30. Elles étaient réparties entre des patients en séjour long et les hospitalisations. Mais faute de personnel, ce sont ces dernières qui ont été sacrifiées.
Manque de place pour accueillir tous les patients
Ces décisions interrogent, malgré tout, le personnel hospitalier. Nous sortons à peine de la crise du Covid-19 qui a justement mis en lumière des manques pour accueillir les plus anciens.
« Je pense qu’ils n’ont pas tiré de leçons puisqu’on parle de quatrième vague et qu’on ferme des lits, s’exaspère Évelyne Bourgeois, agent de service hospitalier et secrétaire CGT. La question est : qu’est-ce qu’on va faire de ces patients ? On le sait déjà : ils passent des heures, des jours sur des brancards aux urgences. Certains sont renvoyés chez eux, quand d'autres ne meurent pas aux urgences faute de prise en charge correcte. »
"On a déjà huit patients aux urgences qu'on ne pouvait pas placer. Et ce n'était que cette semaine !"
En plus des potentielles conséquences néfastes pour les patients, les grévistes craignent pour le bien-être des salariés au travail. Selon eux, le manque de personnel, les changements réguliers de service ou d’hôpitaux, ne font qu’accentuer la vague croissante de départs et d’absentéisme en gériatrie.
Une situation que déplore Emilie Ridel, aide-soignante depuis 20 ans : « On le vit très mal, on n’a pas fait ce métier-là pour ça. On a signé pour s’occuper des patients, qu’ils soient hospitalisés dans de bonnes conditions. On nous demande toujours de faire des efforts, mais j’ai des tas de collègues qui sont en burn-out, qui n’en peuvent plus ! »
Le manque d'infirmiers à l'origine des suppressions
Pour autant, la direction du CHU de Rouen l’assure : cette fois-ci, les suppressions seront temporaires et cantonnées aux mois de juillet et août. Elle les explique par d’importantes difficultés à recruter, particulièrement sur des postes d’infirmier.
« La situation Covid a pu compliquer les parcours de formation des futurs diplômés et nous avons moins de sorties d’école que l’année dernière, explique Alexandre Morand, directeur des ressources humaines et de la formation au CHU de Rouen. Nous avons affaire à une situation de tensions sur les effectifs soignants au niveau national qui perdure depuis plusieurs mois et Rouen n’est pas épargnée. »
"Ils n'ont pas retenu la leçon ! On parle de quatrième vague et on ferme des lits : qu'est-ce qu'on va faire des patients ?"
Face à ces manques, une grande campagne de recrutement pour promouvoir le CHU de Rouen va être lancée dans les prochains jours. L’objectif fixé est de pourvoir une quarantaine de postes d’ici la fin de l’été et ainsi espérer mettre un terme aux suppressions de lits temporaires.
Mais les soignants grévistes, eux, craignent une perte définitive de places : « tous les services qui ferment à Saint-Julien ne rouvrent pas ! », prévient Emilie Ridel. Et d’insister sur un problème plus profond : la médecine gériatrique manque cruellement d’attractivité, alors même que ce secteur va largement se développer à l’avenir.