Problème de dalle sous la glace, utilisation intensive des clubs résidents, mise aux normes européennes avant 2030 et changement de dirigeants au RHE... Le futur de la patinoire s’inscrit-il toujours à l’Île Lacroix ?
Elle accueille les activités de quatre clubs, du hockey en passant par le patinage synchronisé et artistique.
Au total, ce sont près de 8 000 heures utilisations chaque année sur les deux patinoires qui composent l’enceinte de l’Île Lacroix.
Entre deux séances, la glace se refait une beauté mais en avril 2023, le vernis a fini par craquer.
L'image du hockey rouennais entachée
Un trou dans la glace apparaît en pleine finale de play-off. Alors que Rouen jouait le titre face à son grand rival Grenoble, le match est interrompu puis reporté à la suite de cet incendie technique.
Le RHE se montre diplomate en évitant de commenter l’évènement mais l’avarie fait grand bruit à l’époque et ce sont les Grenoblois qui ont planté les premières banderilles.
"J’espère que la collectivité a pris conscience que la qualité de l’outil qui était mis à disposition des Rouennais n’était pas à la hauteur de la qualité de cette équipe et de l’adversité qui était proposée avec ce championnat de Ligue Magnus qui est un championnat professionnel de haut niveau. Je pense que les Rouennais méritent un meilleur outil !", s’indigne Jacques Reboh, le président du Grenoble métropole hockey 38.
La Métropole de Rouen qui avait rénové et agrandie les lieux en 2020, ne pensait pas devoir répondre à ce type de polémique trois ans plus tard.
L’origine du problème remonte à 2010 quand une nouvelle dalle est coulée sur les 26 km de tuyauteries nécessaires à la tenue en froid de la glace. Au centre de cette dalle, une bosse d’environ deux centimètres se serait formée rendant la glace moins épaisse et plus fragile dans cette zone.
"On ne peut pas intervenir juste sur cet emplacement car on risque de fragiliser la dalle et si elle casse on ne sera pas fermé quelques journées mais plusieurs mois !", précise Laurent Dossier, le responsable technique des piscines et patinoires de la Ville de Rouen.
C'est pourquoi les équipes techniques ont dû s’adapter pour juguler le problème.
Chaque matin, il prend sa perceuse pour mesurer la profondeur de la glace au niveau de la bosse. En dessous de quatre centimètres il faut rajouter de la glace pendant le surfaçage pour consolider la zone.
"On fait ça en début de journée pour avoir le temps de faire des ajustements si besoin. C'est vrai que les nuits avant un jour de match, j’ai du mal à dormir ! Surtout quand il fait chaud dehors la gestion de la glace est plus difficile."
Sanctuariser la patinoire avant les play-offs
Pour aider les services techniques de la ville, les collectivités ont décidé de mieux répartir les entraînements des différents clubs résidents entre la patinoire loisir et l’olympique (celle qui accueille les matchs du RHE).
Par ailleurs, il n’y a plus d’entraînement ou de compétition pendant l’après-midi qui précède un match de play-off. Selon la Métropole, un tournoi de jeunes hockeyeurs avait fragilisé la glace le jour de l’incident en 2023.
Depuis, la glace a tenu bon. Une quinzaine de surfaçages par jour sont nécessaires pour maintenir une qualité satisfaisante. "Si on fait mal une glace on peut faire perdre un match ou blesser un joueur et des patineurs donc c’est une très grande responsabilité", concède Frédéric Gosson, l’un des techniciens de la ville en charge du surfaçage.
En coulisses, la qualité de la glace fait débat
Dans les couloirs de la patinoire, certains responsables des clubs utilisant cet équipement nous ont confié hors caméra que l’état de la glace pourrait être bien meilleur si elle était gérée par des équipes spécialisées dans ce domaine.
Un joueur de Chamonix, présent le jour de notre tournage, nous interpelle pour se plaindre de l’état de la patinoire en la qualifiant avec des mots peu élogieux.
Du côté de RHE, le manager général du club, Guy Fournier, tempère. "Je ne suis pas d’accord, on ne peut pas dire que la glace ici n’est pas digne de notre niveau. C’est une patinoire avec ses qualités et ses défauts mais on est bien ici, j’adore cet endroit-là et il y a une super ambiance !"
Pourtant, les Dragons devront quitter leur antre au moins quelques mois à l’horizon 2028. Pour se conformer aux normes européennes qui interdiront en 2030 le liquide frigorigène actuellement utilisé par la patinoire de Rouen pour son système de refroidissement.
"Il faudra alors changer l’ensemble de la machinerie, changer les compresseurs et peut-être la tuyauterie et les dalles en béton", détaille Laurent Dossier. Si ces travaux peuvent donner l’opportunité de repartir avec une dalle sans bosse, ils vont priver les clubs rouennais de leur équipement sportif.
Bientôt des travaux
"On étudie plusieurs scenarii pour trouver une solution pour tous les clubs concernés. Ce n’est pas simple pour le RHE qui accueille beaucoup de supporters à chaque match et dont le système économique repose sur la billetterie", concède David Lamiray, en charge du sport pour la Métropole de Rouen.
Un temps envisagé, l’hypothèse d’un Kindarena modulable en terrain de basket ou en patinoire à l’image du Madison Square Garden ne sera pas retenue car elle réduirait la capacité d’accueil du palais des sports à 4 000 spectateurs contre 6 000 actuellement.
Pour des raisons techniques l’idée d’installer une patinoire au parc des expositions a aussi été abandonnée. La Métropole cherche une autre alternative et veut rentabiliser ses récents investissements à l’Île Lacroix.
L’histoire du RHE s’est faite ici... Est-ce qu’elle va se poursuivre à l’Île Lacroix, c’est tout l’enjeu des discussions que nous menons avec les actuels et futurs dirigeants du club. Mais il faut se rappeler que la patinoire a bénéficié récemment de plus 10 millions d’euros de travaux, ce qui a permis d’augmenter la capacité d’accueil de 2 700 à plus de 3 000 places.
David Lamiray, vice-président en charge du sport de la Métropole Rouen Normandie
"Nous avons aussi créé de nouvelles loges pour le RHE afin de développer ses ressources financières. Il faut savoir que ce club ne vit qu’avec 18% d’argent public, ce qui est peu et assez atypique pour être souligné", ajoute David Lamiray..
Une analyse partagée par Guy Fournier : "Cet équipement a été optimisé. Pour notre économie c’est hyper important. Par contre, je pense qu’il faut que nous trouvions une solution pour rester à Rouen pendant les prochains travaux. Quand j’étais joueur, j’ai connu une époque pendant laquelle nous avions joué pendant une saison entière au Havre et c’était très compliqué. Il faut trouver un plan B ici".
À l’Île Lacroix, les Dragons ont à la fois appris à gagner et à se financer. Le futur président du RHE Gaëtan Muller devra trouver la meilleure solution avec la Métropole pour accueillir l’équipe et ses supporters en 2028, quand sonnera l’heure pour la patinoire de se mettre aux normes européennes.