Sur le site de l'ancienne raffinerie Pétroplus de Petit-Couronne, des déchets enfouis de laine minérale (déchet classé cancérigène) ont été retrouvés lors de sondages en février dernier. Des photos, images de drones et témoignages avaient éveillé les soupçons des autorités.
La friche industrielle de l'ancienne raffinerie Pétroplus était présentée par la société Valgo comme un exemple de son expertise pour dépolluer et réhabiliter des sites industriels avec un "modèle intégré unique des 4D « Désamiantage-Déconstruction-Dépollution et Développement » (source : Valgo).
Elle avait racheté le terrain de 250 hectares en 2014.
L'ancienne raffinerie avait un sol imprégné par les hydrocarbures, et encombré de centaines de milliers de tonnes de béton, ferraille, laine minérale à évacuer.
"De la laine minérale, parfois impactée par des hydrocarbures, des restes d'un sac de déchets de chantier, de grillage"
Le 7 février dernier, deux sondages à la pelle mécanique ont été effectués par la direction des installations classées.
Des déchets enfouis ont été retouvés dans le sous-sol, sensé avoir été dépollué.
"Le deuxième sondage, a mis en évidence la présence de laine minérale, parfois impactéé par des hydrocarbures, des restes d'un sac de déchets de chantier, de grillage, de morceaux de palette en bois, de briques, de ferraille, des tronçons de cables." (source : arrêté préfectoral du 21 mars 2024)
L'arrêté précise que cette laine isolante, particulièrement surveillée, car classée cancérigène se disperse dans l'air :
"Le déplacement des amas de laine (...) s'accompagnait de particules de laine emportées par le vent"
Cette laine artificielle isolait de nombreuses installations de la raffinerie Pétroplus.
Deux amendes et une mise en demeure de se conformer aux règles
L'arrêté préfectoral du 21 mars 2024 demande à la société Valgo de "se conformer aux prescriptions édictées en matière de gestion des déchets, lui infligeant des amendes administratives et prescrivant des mesures conservatoires".
Notre confrère "le Poulpe" a diffusé cette information sensible, dans une agglomération industrielle marquée par des accidents ayant engendré des pollutions.
Deux amendes administratives sont prononcées, une "d'un montant de 45 000 € pour exploitation irrégulière de l'installation classée." et une seconde "d'un montant de 15 000 € pour gestion inappropriées de déchets"
La société Valgo est "mise en demeure de régulariser l'installation de stockage de déchets".
Avant le 17 mai 2024, elle "est tenue d' identifier d'éventuelles autres zones d'enfouissement de laine minérale et autres déchets"
Des images de drone, le comptage des camions et des témoignages
Depuis plusieurs mois, la préfecture de Seine-Maritime menait des investigations pour comprendre où étaient passées les centaines de tonnes de laine isolante de l'ancienne raffinerie.
Des incohérences et des questionnements apparaissent dans les écrits de la société Valgo, notamment ce qui concerne le ratio du tonnage de laine minérale, récupéré et déclaré par rapport à la superficie de la zone correspondante
Préfecture de Seine-MaritimeArrêté du 21 mars 2024, page 5
Des photos de drone ont été prises lors de la vente du site de la raffinerie et durant le chantier de dépollution. Elles permettent d'évaluer les volumes de déchets issus de la démolition.
En 2020, l'inspection des installations classées avait refusé la demande de stockage de laines minérales formulée par Valgo. En 2022, elle demandait les justificatifs de l'évacuation de ces déchets.
Les autorités administratives ne les ont pas jugés réalistes :
L'inspection des installations classées a rappelé à la société Valgo par courrier de 2022, que la quantité de laine minérale évacuée (84 tonnes) ne correspond pas à la quantité récupérée (248 tonnes) et encore moins à l'estimation de 750 tonnes indiquée lors de la visite d'inspection de 2020
Préfecture Seine-MaritimeArrêté préfectoral du 21 mars, page 6
En outre, des incohérences ont été constatées entre les volumes de déchets chargés dans les camions et le tonnage de laine isolante à évacuer.
A cette équation, se sont ajoutés des témoignages :
" L'inspection des installations classées a reçu des témoignages évoquant un enfouissement de laine minérale, parfois en mélange avec des hydrocarbures" précise l'arrêté préfectoral.
La défense de la société Valgo face aux investigations de la préfecture
L'arrêté préfectoral précise que la société Valgo s'était défendue en 2023 de dissimulation de déchets enfouis.
" Aucune investigations ou suites ne sont ainsi justifiées concernant la laine minérale, aucun enfouissement n'ayant été établi et alors que tous les justificatifs de l'élimination de cette laine ont été fournis" (courrier de décembre 2023)
L'arrêté préfectoral conclut :
"Les faits rapportés montre que les enfouissements réalisés l'étaient en toute connaissance de cause par une société supposée être au fait de la réglementation relative à la gestion des déchets, des sols pollués, en dépit des interdictions qui lui avait été rappelées"
La société Valgo dispose d'un délai de recours de deux mois.