L'incendie de Lubrizol à Rouen est la plus importante catastrophe industrielle en France depuis AZF. Le 26 septembre 2019 a-t-il marqué un tournant dans la gestion du risque technologique chez la multinationale américaine ?
Si le panache de fumée de 22km de long a fini par se dissiper dans l'atmosphère, il reste en revanche gravé dans les esprits. 18 ans après l'explosion d'un stock de nitrate d'ammonium de l'usine AZF de Toulouse (31 morts, 1 500 blessés), l'incendie de Lubrizol a rappelé aux Français que le risque technologique est une réalité toujours d'actualité. L'Etat et les industriels ont beau marteler que le risque zéro n'existe pas, la catastrophe rouennaise les invite pourtant à une grande introspection.
A la question "Lubrizol était-il en règle le jour de l'incendie ?" le préfet de Seine-Maritime, Pierre-André Durand, a récemment répondu : "Manifestement non, puisqu'au lendemain de l'incendie un procès-verbal a été établi, et une mise en demeure également, qui portaient sur un certains nombres de points et tout particulièrement sur le dispositif anti-incendie des zones de stockage extérieur".Le leader mondial des additifs pour huile moteur était-il trop zélé ou s'est-il affranchi de certaines contraintes ? L'enquête judiciaire n'a pas encore tranché.
► À VOIR sur France 3 Normandie, samedi 26 septembre à 17h55, notre émission spéciale "Lubrizol, un an après", présentée par Émilie Leconte (voir plus bas).
► Retrouvez ici toute l'actu "Lubrizol" avec tous nos derniers articles"La probabilité d'un incendie sur cette zone était faible"
Ce responsable de la sécurité ajoute que les dispositifs anti-incendie dans l'industrie sont pensés et conçus selon la probabilité d'accidents. Autrement dit si le risque est jugé faible sur une zone, les moyens déployés pour assurer la sécurité ne seront pas maximisés. "On était sur une zone inerte, sans activité, on ne comprend pas comment un feu aurait pu partir d'ici", précise Guillaume Gohier. Pourtant l'assureur (FM Global) de la multinationale américaine avait alerté son client sur des insuffisances dans son système d'extinction.Là encore, Lubrizol se dédouane. "Avec votre voiture, un assureur a tout intérêt à vous demander de rouler moins vite que la limitation de vitesse, dans l'industrie c'est pareil". La métaphore est explicite, l'industriel n'a pas estimé nécessaire de faire preuve d'une prudence extrême sur le stockage de ses produits chimiques.
Il fallait que l'on entende l'inquiétude des riverains et que l'on donne un gage, pour dire que nous avions compris les difficultés que le territoire a avec ce qu'il s'est passé. Nous ne remettrons pas de stockage en lieu et place de ce qui a brûlé.
Un système anti-incendie désormais plus conséquent
Lubrizol est finalement resté dans la Métropole normande en se recentrant sur sa partie production. Dans ce secteur de l'usine, Lubrizol y appliquerait les normes américaines, recommandées par son assureur, un système anti-incendie plus poussé que celui prévu par la législation française."Désormais on est sur un système qui peut envoyer 5 fois plus d'eau par rapport au dispositif qui était en place sur la zone de stockage. On en a mis partout sur le site de production même si le risque incendie est faible. Nous ne sommes plus dans une démarche probabiliste mais sur la systématisation d'une sécurité optimale. Aujourd'hui on est au maximum de ce que l'on peut faire en terme de prévention incendie". Guillaume Gohier explique en substance que Lubrizol a reconsidéré sa manière d'appréhender le risque pour mieux se prémunir d'une nouvelle catastrophe.
La législation française devrait évoluer.
Observé à la loupe par la justice, les riverains et les médias, Lubrizol montre logiquement sa volonté d'être dorénavant à la pointe de la sécurité. Mais les autres sites SEVESO auront-ils la même ambition ? La liste des incidents technologiques survenus dans le département depuis le 26 septembre dernier n'augure pas des changements radicaux en la matière mais le préfet de Seine-Maritime annonce qu'une série de mesures sera prochainement annoncée par le gouvernement.L'Etat devrait notamment revoir les normes de stockage et inciter, voire contraindre, les assureurs à communiquer leurs recommandations à la DREAL. Reste à savoir quelles sanctions seront appliquées pour les industriels en infraction. Pour rappel, Lubrizol avait écopé d'une amende de 4 000 euros en 2013 suite à une fuite de Mercaptan à Rouen. Un gaz dont l'odeur a été ressentie jusqu'à Londres.
► À VOIR. "Lubrizol, un an après" sur France 3 Normandie, samedi 26 septembre à 17h55
Un an après l'incendie de l'usine Lubrizol, classée SEVESO, beaucoup de questions restent sans réponse.Connaît-on l’origine du sinistre ? Quelles sont les conséquences sanitaires et environnementales ? Comment vivent aujourd’hui les riverains ?
Ce samedi 26 septembre 2020 à 17h55, ne manquez pas notre émission spéciale "Lubrizol, un an après", présentée par Émilie Leconte, avec les reportages de la rédaction de France 3 Normandie.