Les riverains de Lubrizol toujours sous le choc un an après l'incendie

La catastrophe du 26 septembre 2019 n'a pas fait de mort pourtant une grande partie de la population riveraine se dit traumatisée psychologiquement, certains se sont vus mourir cette nuit-là.

 

Les mois passent et la peur demeure chez les voisins de l'industriel rouennais. "J'ai peur de dormir. Dès que j'entends un bruit je sursaute, je vais dans la rue et je vérifie que Lubrizol n'est pas en feu…." Carole Legris habite Petit-Quevilly depuis 35 ans,  sa maison se situe dans le périmètre des 500 mètres du site Seveso.


Avant la catastrophe elle vivait une vie paisible dans ce quartier qu'elle juge agréable, une quiétude brisée lors de cette nuit cauchemardesque. "Mon mari s'est levé, il a été dans la cours et il a vu des flammes plus haute que les maisons. Il m'a réveillé…j'ai entendu les explosions j'étais tétanisée ! Je me suis dit : qu'est-ce qu'on va devenir, on va mourir là !".

► À VOIR sur France 3 Normandie, samedi 26 septembre à 17h55, notre émission spéciale "Lubrizol, un an après", présentée par Émilie Leconte (voir plus bas)

"J'ai vécu une expérience de mort imminente"

Une angoisse partagée par Emilie Gateclou, une autre habitante de Petit-Quevilly. " On m'a expliqué que j'avais vécu une expérience de mort imminente. J'étais seule avec mes 2 enfants…livrée à moi-même sans savoir ce que je devais faire. J'aurais voulu qu'on vienne nous chercher pour nous évacuer avec des masques à gaz…j'aurais mieux vécu les choses".  Comme beaucoup de riverains Emilie et Carole ont pris la décision de fuir cette nuit-là malgré l'absence de consignes. " Je suis partie chez mon père à Evreux, quand j'étais sur la route je regardais dans le rétroviseur l'incendie et je me demandais quand est-ce que ça va exploser ? Je m'attendais à voir la même chose qu'à Beyrouth !"

En racontant ces douloureux souvenirs, Emilie n'arrive pas à cacher ses larmes. Marquée au fer rouge par cet incendie hors norme, elle a revendu sa maison quelques semaines plus tard, en perdant dans la transaction quelques milliers d'euros. Qu'importe, de l'autre côté de Rouen, dans sa nouvelle demeure, elle a réussi à tourner la page. "C'est une deuxième vie, un second souffle".

Pas de suivi sanitaire

Ceux qui sont restés à Petit-Quevilly ont vécu de longs mois avec les odeurs nauséabondes émanant de la zone incendiée. Pendant le confinement les nuisances olfactives ont été particulièrement difficiles à vivre. Plus grave, Carole Legris a développé une rhinite allergique après le 26 septembre. "J'ai une gêne respiratoire, régulièrement le nez qui coule, les yeux qui pleurent et la gorge irritée. Je prends un traitement de fond pour me soigner." 
"Mon ORL qui me suit depuis longtemps dit qu'il est très probable que ce soit une conséquence de l'incendie"
. A ce jour les riverains vivant dans le périmètre des 500 mètres autour de Lubrizol n'ont pas bénéficié d'un suivi sanitaire et n'ont obtenu aucun dédommagement.

"On est considéré comme un simple dommage collatéral"

Nicolas Frébourg n'a pas non plus déserté son quartier. "C'est ma maison, on a construit notre vie ici et puis on se dit que la foudre ne tombe pas 2 fois au même endroit !".
Ce père de famille relativise la dangerosité de vivre près d'un site Seveso mais il déplore le manque de transparence de l'état et de l'industriel sur cette catastrophe. Il ne digère pas non plus le mépris avec lequel les riverains ont été traités. "Les premiers mots de Lubrizol étaient destinés à ses salariés et ceux du maire de Rouen (ndlr : Yvon Robert) étaient de dire : il ne faut pas taper sur Lubrizol", s'indigne Nicolas Frébourg choqué également par la remarque d'un responsable de Lubrizol lors d'une réunion avec les riverains lui rappelant que personne ne l'avait obligé à vivre là. "En gros on nous a fait comprendre qu'on était un faux problème,  on a l'impression d'être juste un dommage collatéral. Le discours ambiant c'est de dire : ça va….vous êtes vivant. Vous êtes moins impactés que Lubrizol qui a dû arrêter son activité ! C'est dur à entendre…."

"Je ne suis pas pour radier l'usine et laisser des gens sans travail"

Le site de Lubrizol a repris partiellement son activité dès décembre 2019. "Je ne suis pas contre le fait de vivre à côté des industries mais il faut revoir notre culture du risque, à ce jour nous n'avons eu aucune consignes et aucune formation si un tel évènement devait se reproduire." Un sentiment partagé par Carole :" Je ne suis pas pour radier et dire tout le monde s'en va et ça fait des gens sans travail." 

"Mais il y a peut-être des choses à mettre en place pour que ça soit beaucoup plus sécurisé et que l'on informe plus les gens qui vivent autour pour que ça nous rassure."
 Des riverains prêts à coexister avec le risque technologique, à condition que les industriels tiennent leur promesse d'être enfin de bons voisins.

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► À VOIR. "Lubrizol, un an après"
émission spéciale sur France 3 Normandie ce samedi 26 septembre à 17h55

Un an après l'incendie de l'usine Lubrizol, classée SEVESO, beaucoup de questions restent sans réponse.
Connaît-on l’origine du sinistre ? Quelles sont les conséquences sanitaires et environnementales ? Comment vivent aujourd’hui les riverains ?
Ce samedi 26 septembre 2020 à 17h55, ne manquez pas notre émission spéciale "Lubrizol, un an après", présentée en direct  par Émilie Leconte, avec les reportages de la rédaction de France 3 Normandie.
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