Le 5 août 2016, 14 jeunes perdaient la vie dans l’incendie du bar « Le Cuba Libre » à Rouen (Seine-Maritime). 5 ans après les familles ne veulent pas oublier et ne comprennent pas la décision de justice.
Tous les 5 août, les familles des 14 victimes de l’incendie du Cuba Libre se retrouveront devant cette stèle située sur la rive gauche de Rouen. Les prénoms de leurs enfants sont inscrits en lettres dorées. C’est tout ce qu’il restera pour se souvenir des jeunes qui ont péri dans la cave aménagée en dancing. Le lieu du drame a été rénové, plus rien sur la façade ne laisse paraître du drame qui s’est joué, il y a 5 ans à minuit et demi.
Le bâtiment pourrait être transformé en commerce mais les proches des victimes veulent tout faire pour ne pas oublier et pour qu’un tel drame ne se reproduise pas.
Une législation insuffisante
C’est le combat de la maman de Florian qui lui aussi devait fêter ses 20 ans en 2016. Très émue, elle nous lit une lettre après avoir déposé une bougie pour son fils : "Je déclare dangereux l’irresponsabilité du gouvernement actuel. Nous avons demandé à plusieurs reprises de contrôler tous les bars de France de cinquième catégorie en lançant un projet de loi. Rien n’est fait, on ne nous a pas écoutés. Les gérants condamnés à trois ans de prison ferme sont sortis quelques mois après leur incarcération. D’autres gérants font ou mettront leurs clients dans un risque identique au vu de la punition encourue. Ce drame aura encore lieu malheureusement."
"J’ai beaucoup de haine ils n’ont rien fait pour les sauver"
« J’ai beaucoup de colère, beaucoup de peine. Mon enfant, je ne le reverrai plus, plus de rire à la maison. Tout a changé. On ne vit plus. Le gérant savait le risque qu’il prenait à cacher cette cave aménagée en dancing. Ce soir-là, c’est devenu un crématoire. La porte de secours n’était jamais ouverte, ils ont menti. J’ai beaucoup de haine, ils ont tué mon fils. Florian était heureux tout comme toutes les autres victimes. »
Il allait avoir 20 ans le 12 août. C’est à cette date que l’on m’a remis son acte de décès. Il était joyeux, il ne l’est plus. Il est 3,50 m sous terre. Il ne voit plus le jour. Finie la vie à cause de ces deux pourritures.
En pensant au jugement, elle exprime sa peine inaltérable : "On a mal depuis trois ans, et de toute façon notre enfant ne reviendra pas".
— Astrid (@AstridNudrev) September 16, 2019
"On a peur de l'après", ajoute la mère de Florian D. #CubaLibre #Rouen pic.twitter.com/IFqWQhCp0Q
Un sentiment partagé par les autres parents. Un papa pense que beaucoup de personnes connaissaient l’état de la cave avant le drame : "il y a un sentiment d’impunité quand il y a 14 morts et qu’on fait 10 mois de prison. La justice me paraît d’être loin de la réalité. (…) Il me semble que lorsque l’on est devant la porte de son établissement et que les pompiers nous demande si il y a une sortie de secours et que l’on répond trois fois non il me semble que cela va au-delà de l’homicide involontaire. Je pense qu’on n’assiste pas des personnes qui sont en danger quand on sait qu’il y a 14 personnes en train de mourir dans une cave que l’on a aménagée artisanalement. La police et la mairie de Rouen savaient et ils n’ont rien fait. Si les gens qui avaient la possibilité de fermer le bar avaient fait leur boulot, il n’y aurait pas eu ce drame."
Le tribunal correctionnel de Rouen avait condamné en octobre 2019 les deux anciens gérants du Cuba Libre à une peine de 5 ans d’emprisonnement dont 3 ans ferme envers. Cinq ans de prison (ferme), c'est la peine maximale inscrite dans le code pénal.
"Ça aurait pu être nous"
Une jeune fille présente ce jeudi soir se souvient avec une amie des souvenirs de soirées partagées avec les vicitimes : "J’ai 30 ans, ils avaient mon âge quand c’est arrivé. Ils n’ont pas pu fêter leurs 30 ans avec leurs familles. Ça aurait pu être nous. On sort beaucoup la nuit à Rouen. On a fréquenté une fois ce bar là et il suffit d’une fois. On les fréquentait quand on allait en boite, on passait de bons moments avec eux."
Elle aussi fait part de son sentiment d’injustice : "C’est une année de plus et c’est aussi l’année où l’on a appris qu’ils sont sortis de prison, qu’ils sont libres et nous on est toujours en prison. J’ai énormément de haine envers eux. Je n’ai pas d’accord avec le procès, au moins un an par victime ça aurait été un minimum. 14 ans c’était bien et encore ce n’était pas suffisant. Ils savaient très bien que rien n’était aux normes. Mais c’est fini le procès a eu lieu, il n’y aura pas de retour en arrière. Maintenant c’est à nous d’accepter et se taire. Il n’y a pas de justice. Nous on est là et eux sont libres avec leurs familles, ils s’amusent. Ils ont leurs enfants. Nous on a pu nos enfants, nos amis, on a plus rien."
5 ans après le drame toujours la même législation
Malgré le combat des familles et de certains élus, la législation n’a pas évoluée. Le député de Seine-Maritime Sébastien Jumel tente de faire changer la loi. Il avait déposé une proposition de loi pour que les bars "avec boîtes de nuits improvisées fassent l'objet de contrôles plus strictes". Une proposition de loi qui n'avait pas abouti : "Le gouvernement avait considéré que ça rentrait dans le champs réglementaire." Selon lui, 5 ans jour pour jour, rien ne semble avoir changé concertant la sécurité dans les bars et les discothèques.